Le rapport de la mission d'information et d'évaluation sur les coûts, pour la Région Rhône-Alpes, des décisions prises par l'Etat depuis 2005 a été vivement débattu, mercredi 14 décembre, au conseil régional. Récit.
C'est l'Union de la droite et du centre (UDC) qui en avait demandé la création en décembre 2010. Didier Jouve, conseiller régional Europe Ecologie-les Vert en a présenté les conclusions, mercredi 14 décembre devant le conseil régional réuni en assemblée. Le rapport de la mission d'information et d'évaluation sur les coûts des décisions prises par l'Etat pour la région depuis 2005 a conclu à un déficit de 321 millions d'euros pour celle-ci, entre 2005 et 2010, dont 107 millions d'euros de pertes de recettes, 23 millions d'euros de charges supplémentaires n'ouvrant pas droit à compensation et 192 millions d'euros de déficit de compensation dans le cadre du transfert de compétences. Soustraite à cette somme, la part modulable de TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), 249 millions d'euros encaissés par la Région sur la même période, le déficit net de la Région s'établissant donc à 72 millions d'euros net entre 2005 et 2010.
Les TOS et "les largesses" de Queyranne
Pour expliquer ce manque à gagner, Didier Jouve a cité notamment la suppression de la taxe professionnelle dont une part était perçue par la Région jusqu'à l'année dernière, et le transfert des personnels TOS (Techniciens Ouvriers et de Service) des établissements locaux d'enseignement de l'Etat vers la Région depuis 2005 (+38 millions d'euros sur la période). "Vous avez fait passer le taux d'encadrement de 1 gestionnaire pour 67 TOS en 2007 à 1 gestionnaire pour 49 TOS en 2011, ce qui a entraîné 5,52 millions d'euros de surcoûts sur la période. Sans compter les frais indirects (téléphonie, reprographie, etc) que vous avez estimés à 20 000 euros par an et par agent, contre 1700 euros pour l'Etat. Il y a quand même un sacré décalage !", a reproché Thierry Kovacs, conseiller UDC (Union de la droite et du centre) à l'exécutif. Idem pour "la gratuité des frais pédagogique pour les formations sanitaires et sociale (2,7 millions d'euros sur la période). C'est votre Région qui l'a décidée. D'autres ne l'ont pas fait".
Didier Jouve a poursuivi sa démonstration en expliquant que les principes de compensation des transferts de compétences, au sens de la loi, impliquait une compensation "intégrale et concomitante, c'est à dire fixée au plus vite, dès que les données sont disponibles" et garantie, "c'est à dire majorée si les dépenses sont supérieures à ce qui était prévu". Le respect de l'autonomie des régions devant être respectée selon la loi, en leur permettant de maîtriser leurs recettes et d'en tirer une partie importante de leurs ressources propres. Eric Piolle a regretté à ce titre, au nom d'Europe Ecologie-les Verts, que "l'autonomie de la région soit tombée à 14% entre 2005 et 2010. Les Régions françaises restent des nains, a-t-il conclu, au regard du fait régional dans le reste de l'Europe".
La TIPP modulable à la rescousse
Un débat sur le montant net du déficit engendré entre 2005 et 2010 par les décisions de l'Etat a agité l'assemblée régionale mercredi soir. Traditionnel objet de discorde entre la majorité et l'opposition, dénoncé par le Front national. Fallait-il lui soustraire les 249 millions d'euros de TIPP modulable enregistrés sur la période ? Oui, selon l'opposition, cet impôt était prévu pour cela. Non, selon l'exécutif, la TIPP n'ayant pas été créée pour compenser le transfert de compétences. "C'est donc bien 321 millions d'euros que l'Etat doit à la Région", a conclu Aurélien Ferlay du groupe PSEA. "Même Jean-François Copé l'a reconnu devant l'assemblée nationale", a-t-il martelé.
Conclusion, "l'assiette de la TIPP étant sans cesse revue à la baisse" et la compensation versée par l'Etat ne tenant pas compte de l'inflation, le rapport a estimé que le déficit de compensation de la région avait "une cause structurelle" et que "les années à venir [verraient] se cumuler les tendances défavorables à l'équilibre financier des transferts de compétences". De mal en pis.
Plus d'impôts mais toujours moins d'autonomie financière
Une tendance qui explique peut-être les augmentations des taux régionaux de fiscalité dénoncées par Thierry Kovacs (UDC), mercredi soir : "6% en 2005, 7% en 2006, 8% en 2007" ainsi que "les augmentations successives de la taxe sur les cartes grises" qui ont permis, selon la droite "de ponctionner près de 600 millions d'euros d'impôts et taxes supplémentaires sur les Rhônalpins entre 2005 et 2010".
En clôture du débat, Jean-Jack Queyranne a regretté que l'Etat handicape ainsi le développement de la Région Rhône-Alpes, en période de crise. Le président a rappelé que la Région voterait dans deux jours un projet de budget 2012 de 2,5 milliards d'euros environ, soit dix à dix-fois-et-demi moins que le budget de la Lombardie, de la Catalogne et du Bade-Wurtemberg, les principaux partenaires de Rhône-Alpes, réunis au sein de l'association "les 4 moteurs pour l'Europe".
A cet égard, la conclusion de Didier Jouve était intéressante : « On peut bien sûr passer du temps à entrer dans le détail des chiffres, ou encore débattre de la qualité de la compensation. Mais la vraie question que souligne cet exercice est plutôt la mutation qu'aura vécue la région entre 2005 et 2010. En 2005, la région est encore une collectivité locale qui vote des impôts directs et indirects, et dont les charges sont équilibrées par des recettes dont la dynamique couvre l'augmentation des dépenses. C'est une collectivité responsable, qui assume devant les citoyens ses choix fiscaux, au regard de décisions d'aménagement, de développement et d'exercice des solidarités. Elle emploie environ 1500 salariés. En 2011, la région ne vote plus d'impôt direct, ni même d'assiette ou de taux d'impôt indirect, sauf la carte grise. Les transferts de personnel d'Etat ont plus que quadruplé ses effectifs, ses dotations sont gelées, ses recettes affectées stagnent ou régressent, ses charges augmentent un peu plus chaque jour en même temps que croît l'inflation, la population et les charges nouvelles obligatoires qui lui sont attribuées.Entre 2005 et 2011, la décentralisation des régions est morte. On revient l'établissement public régional qu'était la Région dans les années 80. Il ne restera bientôt plus qu'a nommer les présidents de région en conseil des ministres. » http://rhonealpes.elusecolos.fr/nos-actions-et-positions/budget-finances/7904-didier-jouve/