Les vraies ambitions d'Europe Ecologie

RECIT - Daniel Cohn-Bendit, Cécile Duflot, Noël Mamère et Michèle Rivasi étaient mardi soir aux côtés de Philippe Meirieu à Francheville. Trois objectifs ont transpiré des échanges : gagner une région, faire plus de 15% des voix et imposer un rapport de force électoral au PS, cible de toutes les attaques.

C'est un peu le principe de la contre-programmation. Alors qu'en ce mardi soir, tout Lyon était scotché devant la petite lucarne pour supporter l'OL face à Madrid, Europe Ecologie organisait son plus grand meeting de campagne à Francheville. Planning suicidaire ? Pas sûr au vu de l'affluence.

Certains militants ont même été contraints de suivre leurs vedettes devant l'écran géant fixé à l'entrée, façon Coupe du monde. Mais il ne fut jamais question de foot, sauf à la fin quand Daniel Cohn-Bendit, amateur de beaux buts et "guest-stars", s'exclame : "si Lyon a pu battre le Real ce soir, alors Europe Ecologie peut passer devant". Comprendre : devant le PS au 1er tour des régionales.

Noël Drucker ou Michel Mamère ?

La soirée avait son maître de cérémonie : Noël Mamère. Animer une soirée, il sait faire. Avec cet ancien présentateur de JT, l'événement politique prend des allures d'émission télé. Pas de tribune ou de pupitre : la scène est centrale, au milieu des militants, organisée autour d'une table basse et de fauteuils rouges. On croirait une émission de Drucker. D'ailleurs Mamère se glisse aisément dans la peau du dinosaure le plus complaisant du PAF. Dans son talk-show improvisé, il reçoit avec bienveillance ses invités, élus ou candidats. Plus passe-plat qu'acteur, il glisse quelques piques entre chaque intervention, comme sur les propos d'Eric Besson sur les "mariages gris", adjectif usité par les racistes pour désigner les Maghrébins.

Le PS est "hégémonique"

Conseiller régional sortant, Jean-Charles Kohlhaas rappelle son opposition aux projets autoroutiers soutenues par les autres listes, de l'A45 au TOP "qui passerait juste sous nos pieds". Cet argent devrait plutôt aller selon lui à un RER régional. Spécialiste des effets de la pollution sur la santé, Michèle Rivasi l'affirme : si les cancers, les maladies cardio-vasculaires et les problèmes respiratoires progressent, c'est à cause de "la pollution de l'air, de l'eau, des sols". Elle en appelle à "un bouclier sanitaire" pour protéger les populations.

La députée européenne veut porter chance à Meirieu : l'an dernier, elle a frisé les 20% (19,5%) en Rhône-Alpes, coiffant la liste PS de plus de quatre points. Elle est contente de son poulain qu'elle a contribué à faire venir. Évoquant les talents de sa liste, elle lance un bon mot : "Ce n'est pas comme les étagères : plus ils sont hauts et moins ça sert". Très en verve et assortie aux canapés, Rivasi termine en attaquant les socialistes. "J'étais apparentée PS, je peux en témoigner. Ce qui se passe en Languedoc-Roussillon est typique du PS qui aurait pu laisser la tête de liste à Europe Ecologie et faire une liste mixte. C'est un parti hégémonique". La salle apprécie. C'est le moment de pousser la table et de ranger les fauteuils rouges : place aux artistes. Des one-(wo)man-shows.

Les bons et les mauvais sondages d'Europe Ecologie

Cécile Duflot n'est pas une bonne copine. Parlant de Cohn-Bendit, la secrétaire nationale des Verts lâche : "il trouve que les régionales, c'est un peu chiant. En fait, c'est glamour", soutient-elle. Elle donne un exemple de politique globale à mener : en isolant mieux les logements collectifs, "on divise par deux les charges pour les locataires, on réduit les émissions de gaz à effet de serre et on crée des emplois durables et non délocalisables". Malgré la ronde de caméras qui l'entourent, Cécile Duflot s'arrange toujours pour leur tourner le dos.

Cohn-Bendit commence en douchant leurs espoirs. "Les sondages baissent", relate-t-il, donnant Europe Ecologie à 12, 11 voire 10%. Mais, rappelle-t-il, deux semaines avant les européennes, les mêmes instituts les plaçaient à 10% quand lui, prudent, annonçait un score à "10 + x %". "Imaginez si j'avais dit qu'on serait à égalité avec le PS, on m'aurait taxé de fou", sourit-il. Le leader des Verts "ne sait pas" combien ils feront. "C'est bien si on gagne une région". Mais il ambitionne surtout de faire "16, 17 ou 18%" dans la plupart des régions, condition pour ancrer Europe Ecologie, "alternative dans l'alternance" comme "une force incontournable dans le paysage politique, la troisième".

Une force qu'il veut recentrer. Il évoque les bons sondages d'Europe Ecologie en Alsace, les liant à mots couverts au retour d'Antoine Waechter, auteur du ni-droite ni-gauche écologique, candidat sur leurs listes. Démonstration est faite qu'il faut préserver Europe Ecologie de ses démons gauchistes. Cohn-Bendit, on le sait, se trouve des atomes crochus avec Bayrou et le MoDem. "Pour beaucoup de choses, on est à gauche du PS, sur d'autres, on est au centre de la société. Nous ne sommes pas toujours dans une logique de classes", argue-t-il. Cohn-Bendit n'a pas l'habitude de la salle de spectacle de Francheville : il s'époumone, il crie. Nous casse les oreilles. On le sent à l'étroit sur l'estrade.

Meirieu "déniaisé"

Vient le tour de Philippe Meirieu. "Je croyais qu'à 60 ans, on n'avait plus le trac. je dois dire que j'ai beaucoup le trac et que je suis pétri d'inquiétude", souffle-t-il en préambule. Bel effet oratoire mais pas seulement, à entendre son ton syncopé de voix. Suit une ode aux gens qui n'ont pas de certitude, qui doutent, qui ne prétendent pas avoir toutes les réponses. "Quel monde laissera-t-on à nos enfants ; et quels enfants laissera-t-on au monde ?", s'interroge la tête de liste dans un registre qui lui sied bien. Meirieu dénonce le fait que nos petits soient devenus "des coeurs de cibles de publicitaires". "'Les enfants sont violents'nous dit-on ?". Il désigne les responsables : les publicitaires coupables d'éveiller leurs "excitations pulsionnelles". On est un peu loin des régionales mais ça plaît à l'auditoire.

Meirieu cite tout à coup Gollnisch qui avait publiquement douté, lors du débat organisé par Lyon Capitale, de sa virginité. "Je ne suis pourtant pas un bleu. J'avoue avoir vite été déniaisé par des attaques, des coups bas, des propos que je n'imaginais pas". Vient une diatribe contre le PS, "incapable de mettre l'imagination au pouvoir". Il termine en se tournant vers Cohn-Bendit et en évoquant la mémoire de son père qui serait surpris de voir le héraut de mai 68 lui apprendre "la tempérance". Être devant le PS, il y croit. "Il pourrait se passer quelque chose en Rhône-Alpes le 15 mars". Un nouveau match de foot ?

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