Lutte contre le sexisme : le nouveau cheval de bataille de Najat Vallaud-Belkacem

ENTRETIEN - Ce vendredi 30 novembre, un comité interministériel aux Droits des femmes et à l’Egalité se tient à Matignon. Si le Gouvernement prévoit plusieurs axes pour tendre à l’égalité homme/femme, Najat Vallaud-Belkacem veut s’attaquer à la base du mal : le sexisme. La ministre des Droits des femmes souhaite "faire basculer notre société, en déconstruisant les stéréotypes qui enferment les femmes et les hommes dans des rôles bien définis".

Lyon Capitale : Vous avez organisé à Lyon une conférence intitulée "Le sexisme, c’est pas mon genre". Si le public a répondu présent, l’assistance était principalement féminine. Le sexisme est-il un mal qui ne touche que les femmes ?

Najat Vallaud-Belkacem : Évidemment non. Les femmes comme les hommes souffrent de ce sexisme ordinaire qui les enferme chacun dans des rôles bien définis. Les femmes sont souvent dépréciées dans notre société, mais les hommes aussi ressentent un profond malaise, ils se retrouvent piégés dans des postures que l’on attend d’eux : être actif, combattif… Avec cette conférence, nous faisons nos premiers pas dans une démarche de déconstruction des stéréotypes et de travail sur les mentalités. C’est un travail qui se fait en profondeur et qui pourra être long ; la terre n’est pas devenue ronde pour tout le monde en même temps.

Pourquoi vous lancez-vous dans ce combat contre le sexisme maintenant ?

Le moment est venu de faire basculer notre société, en déconstruisant les stéréotypes. Les attitudes sexistes sont omniprésentes, et les Français ont montré leur refus de les voir perdurer. Lorsque Cécile Duflot a été sifflée à l'Assemblée nationale, les réseaux sociaux s'étaient alors enflammés pour dénoncer une attitude inacceptable. Combattre le sexisme, c’est tendre à l’égalité homme-femme, ce qui ne peut que tirer chacun de nous vers le haut. Cette bataille que nous amorçons contre ces préjugés constitue également un extraordinaire point d’entrée pour la lutte contre toutes les formes de discrimination. D’ailleurs, longtemps, ceux qui défendaient une discrimination ethnique se sont appuyés sur le modèle de discrimination faite aux femmes.

Par quel moyen comptez-vous effectuer ce travail de déconstruction des préjugés ?

L’école doit être un des principaux leviers pour abolir la société des stéréotypes. Jusqu’ici, elle a plutôt conforté les enfants dans ces images figées et stéréotypées, pourtant elle devrait au contraire les contrecarrer. Nous attendons de l’école qu’elle participe à l’éducation de nos enfants, qu’elle les aide à s'émanciper.

Est-ce que cela veut dire qu’il faut nier la différence entre les sexes ?

Non, je ne crois pas à la théorie selon laquelle il faudrait gommer la différence des sexes. On ne va pas nier une réalité qui est la différence biologique. J’aimerais en revanche que l’on cesse de penser que certaines qualités sont rattachées aux filles et d’autres aux garçons. Je suis maman de jumeaux, une fille et un garçon ; eh bien, j’aimerais que lorsque ma fille aura 35 ans, on dise qu’elle est douce, attentionnée – qualités que l’on adjoint facilement à une fille –, mais également tenace et courageuse, vertus qu’on lie plus généralement à un homme.

Vous évoquez l'école comme vecteur de ce travail sur les mentalités chez les enfants, mais pour les adultes, est-ce trop tard ?

Non. Pour les adultes, je crois beaucoup au travail sur les médias. Il faut envoyer des images nouvelles des hommes et des femmes, briser les carcans dans lesquels on les a enfermés. Il est de la responsabilité des dirigeants de médias de veiller à ce que plus de femmes interviennent en qualité d'experts dans les articles et reportages – elles ne représentent aujourd'hui que 18% d'entre eux. Les patrons de chaînes, qu’elles soient d’ailleurs publiques ou privées, se montrent plutôt réceptifs à ce message. Croyez-moi, afficher la lutte contre le sexisme comme une priorité politique, cela fait déjà bouger les choses.

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