Entretien avec Gérard Collomb, qui entame sa dernière campagne électorale à Lyon dans le rôle du favori. Mais acculé, contesté comme jamais. Le revers de la médaille de son modèle lyonnais n’a jamais été aussi visible : embouteillages, flambée de l’immobilier. Son projet phare, l’Anneau des Sciences, clive. Pour Lyon Capitale, il détaille la philosophie de sa conversion à l’écologie.
Lyon Capitale : Dans toutes les circonscriptions métropolitaines, la densification, le manque d’équipements publics, le prix de l’immobilier ou les temps de déplacement sont questionnés. Votre modèle lyonnais ne connaît-il pas une crise de croissance ? Gérard Collomb : Dans tous les classements, nous sommes dans les quatre ou cinq villes où il fait bon vivre en France ou en Europe. Ces classements prennent en compte le nombre d’emplois, la qualité des équipements culturels et sportifs, les aménagements de la ville. Avec les berges du Rhône, les rives de Saône, la transformation de l’avenue Garibaldi, la destruction de l’autopont de Mermoz ou la création de grands parcs nous avons incontestablement amélioré la qualité de vie. Les habitants ne s’y trompent pas. Et quand vous me dites que le modèle lyonnais connaîtrait aujourd’hui une crise de croissance, quand je vois les gens attablés aux terrasses de la ville, en été et même en hiver, ils ne m’ont pas l’air extrêmement malheureux. Je vois plutôt dans notre ville des gens avec une forme de bonheur. En termes de déplacements, ne trouvez-vous pas que la situation s’est largement dégradée sur le dernier mandat ? Il y a des points faibles et je veux y remédier. C’est l’une des raisons qui m’ont conduit à me représenter. Il faut d’abord que Lyon reste accessible de l’extérieur. Ce qui a fait notre richesse, c’est le positionnement de notre ville au croisement des axes nord-sud et est-ouest. Nous sommes historiquement sur toutes les voies de commerce et d’industrie. Cela ne date pas d’aujourd’hui, mais du XVe siècle, quand Lyon est devenu une ville de foires. Cette position centrale, il faut la préserver. Mais elle nous pose des problèmes. Quand, aujourd’hui, les circulations nationales et internationales passent, sur un axe nord-sud, au cœur de la ville, alors vous ne pouvez rencontrer que des difficultés. C’est pour cela que je prône un certain nombre de mesures. Sur le tunnel de Fourvière, je veux mettre en place le système Lapi [lecture automatique de plaques d’immatriculation, NdlR]. Il permet de lire les plaques minéralogiques des voitures. Les automobilistes qui traversent Lyon sans s’y arrêter devront s’acquitter d’un droit de péage. C’est une manière de faire en sorte que les automobilistes qui ne font que transiter par Lyon ne prennent pas le tunnel de Fourvière. Ceux qui s’arrêtent pour travailler, pour leurs loisirs n’auront, bien sûr, pas à payer. Je prône aussi le bouclage rapide du grand contournement Est par l’A432, qui est aujourd’hui sous-utilisée. J’avais commencé à évoquer ces projets avant de partir pour le ministère de l’Intérieur. Et les sociétés d’autoroutes concernées étaient d’accord. Ces aménagements permettraient de réduire la circulation sous le tunnel de Fourvière mais aussi sur la rocade Est, où nous avons aujourd’hui un mur de camions sur la voie de droite. Ce sont là des situations difficilement supportables. Elles constituent aussi un facteur grave de pollution dans la ville. Sur les déplacements est-ouest, si nous voulons éviter que les voitures passent par Tassin La Demi-Lune ou certains quartiers du 5e arrondissement pour atteindre le tunnel de Fourvière puis rejoindre le boulevard périphérique à Gerland, il faut réaliser l’Anneau des Sciences. Pour donner un exemple, l’A6-A7 devrait devenir ce qu’est aujourd’hui le quai Charles-de-Gaulle à la Cité internationale, avec un système de feux tricolores, ce qui permettrait de l’aménager. Mais, pour cela, il faut enlever 40 000 voitures par jour. Alors on me dit “avec l’Anneau des Sciences, vous augmentez le nombre de voiries”, c’est faux. Nous en créons quatre d’un côté, mais nous en enlèverons davantage sur l’autoroute A6-A7 pour les remplacer par des voies de bus en site propre et de covoiturage, des pistes cyclables et une promenade pour les piétons au bord même du Rhône. Pour diminuer la pollution, il est impératif d’écarter les circulations du cœur de l’agglomération. C’est un raisonnement particulier que de vouloir préserver les Lyonnais de la pollution en créant une nouvelle autoroute présentée comme climaticide par les associations environnementales… Si nous rajoutions des voiries, on pourrait dire que nous attirons des voitures et que nous créons de la pollution. Mais, je vous le répète, au total nous allons au contraire en supprimer, apaiser la circulation, ce qui rendra possible la réalisation du pont des Girondins pour relier la Confluence et Gerland. Ce bouclage du périphérique permettra aussi de relier des sites économiques vitaux pour l’agglomération : Oullins, Saint-Fons et la Vallée de la chimie. À Oullins et à La Mulatière nous avons près de deux cents hectares qui pourraient devenir l’équivalent du quartier de l’Industrie à Vaise. L’Anneau des Sciences sera à 80 % souterrain, alors qu’aujourd’hui les voitures sont au cœur de nos communes et de nos quartiers. Ce sera donc moins de pollution, avec des systèmes de filtration aujourd’hui performants, comme le démontre celui mis en activité au Valvert. Je vous rappelle par ailleurs que la réalisation de l’Anneau des Sciences est prévue pour 2030 et qu’à cette date nous aurons changé de modèles de véhicules, deux tiers des voitures seront électriques ou à hydrogène. Soyons capables de nous projeter dans l’avenir ! D’ici à 2030, l’ancienne autoroute A6-A7 aura déjà été réaménagée. Les usagers actuels auront trouvé des solutions de substitution à cet axe et à la voiture. Ne craignez-vous donc pas de dépenser 4 milliards d’euros pour un projet qui s’avérera inutile, ou pis, de relancer une circulation automobile qui aurait diminué ? Je pense que sur M6-M7 [nouvelle appellation de l’A6-A7 déclassée], nous nous apercevrons qu’il y aura plus de bouchons qu’aujourd’hui. Or les gens passent déjà actuellement quarante-cinq minutes dans leur voiture pour accéder au tunnel de Fourvière. Pensez-vous que ce soit bon pour lutter contre la pollution ? C’est pourquoi je pense que notre projet est profondément écologique. Mais pour nous, le bouclage du périphérique n’est pas l’alpha et l’oméga de toute mobilité. Vous le savez, le métro E jusqu’à l’Étoile d’Alaï est lancé. Nous sommes pour une multimodalité qui permette de conjuguer transports en commun, modes doux et voiture pour ceux qui sont obligés de la prendre, mais en essayant que ce soit sur la plus courte distance possible. C’est le sens du projet de RER à la lyonnaise que je défends. Nous n’utilisons pas assez notre réseau ferroviaire alors que 80 % des habitants de l’aire urbaine de Lyon habitent à moins de cinq kilomètres d’une gare. Je propose aussi que nous ayons dans l’avenir un billet commun entre les TCL et les trains régionaux. Pour ceux qui me présentent comme un fanatique de la voiture, je rappelle encore une fois que c’est moi qui ai enlevé les voitures des berges du Rhône, l’autopont de Mermoz et l’autoroute urbaine de Garibaldi.
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