méthode "Twingo" contre organisation para-militaire

Du côté de Dominique Perben (UMP), l'élu Lionel Lassagne et l'ancien préfet Lionel Rimoux adoptent une organisation para-militaire et défendent une "démarche humble", qui part du terrain.

Pascale Ammar-Khodja et Georges Képénékian
Directeurs de campagne de Gérard Collomb
Marketing et surprises en série
Une dir'com dans le domaine culturel, Pascale Ammar-Khodja et un chirurgien-urologue, Georges Képénékian. L'une comme l'autre n'ont jamais été élus, et sont presque des "bleus" en politique. Pourtant, le maire sortant de Lyon Gérard Collomb (PS) a choisi cette doublette atypique pour mener sa campagne municipale.

Rien à voir avec le cliché traditionnel du directeur de campagne, sorte de "barbouze" à la poigne de fer, spécialiste ès basses œuvres et coups tordus... Bien loin de ça, Pascale Ammar-Khodja, 48 ans, et Georges Képénékian, 53 ans, parlent d'"aventure humaine", de "sincérité" ou de "sens". Ils ont "envie d'une campagne créative, libre, humaine, chaleureuse, bref pas classique", et veulent même "apporter la preuve qu'on peut gagner proprement, sur un joli programme et une campagne chouette et sympa"... Des enfants de cœur, quoi !? "Je ne suis pas naïve. Je viens de Languedoc-Roussillon où les guerres politiciennes sont sans fin" corrige Pascale Ammar-Khodja. "Attention : j'ai mené des batailles diplomatiques face à l'Etat turc, je ne suis pas tombé de la dernière pluie !" avertit Georges Képénékian, vieux militant de la cause arménienne.

C'est sur ce combat que Képénékian a connu Gérard Collomb, il y a plus de trente ans : "son engagement avec les arméniens rejoint naturellement son corpus de valeurs" estime-t'il. Artisan de la rénovation en profondeur de l'hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc, pour laquelle il s'était inspiré de la "méthode Twingo", Georges Képénékian applique les mêmes principes à cette campagne : "convivialité, décloisonnement, transversalité" résume-t'il, évoquant "une nouvelle forme de gouvernance". "Un gouvernement, ce n'est plus seulement un mec qui dit aux autres comment faire, ce sont toutes les parties prenantes qui se retrouvent, discutent et tranchent".

Pourtant, Gérard Collomb mène ce début de campagne de façon assez solitaire, tenant toujours le crachoir devant des brochettes de colistiers qui semblent là uniquement pour la photo. "C'est vrai : c'est Collomb qui porte la vision, le projet. Le programme, c'est lui qui l'a écrit et réécrit, seul. Mais quand ça deviendra un plan de mandat, les services et les équipes interviendront" explique Pascale Ammar-Khodja qui se dit "sidérée par la parfaite connaissance des dossiers" de son candidat.

"Collomb a un lien affectif fort avec cette ville alors qu'on a toujours l'impression que son concurrent vient d'ailleurs" poursuit-elle. La directrice de communication des biennales de Lyon qui a pris un congé de trois mois pour bosser sur la campagne, s'occupe de la com', de l'événementiel et "du ton à donner". Le rose fushia (pas rose socialiste), le logo en cœur ou "8" inversé, les visuels "zens et contemporains" ou l'ouverture de campagne par internet, c'est elle.

"Je souhaite une campagne actuelle, créative, pleine de surprises" insiste-t-elle. Georges Képénékian s'occupe du versant plus politique : "je suis aux manettes des relations aux arrondissements, aux gens de la société civile, aux politiques" dit-il. Mais il précise : "je n'ai pas à traiter les problèmes d'ego ou de contentieux sur les listes, car tout ce travail politique, Collomb l'a mené en amont et fermement". Mobilisés depuis la mi-décembre, le duo se concentre sur l'opérationnel, avec un mot d'ordre : "Collomb veut une campagne digne et crédible".

Lionel Lassagne et Lionel Rimoux
Directeurs de campagne de Dominique Perben
Méthode para-militaire et "démarche d'humilité"
Le profil des deux directeurs de campagne du candidat UMP Dominique Perben est plus traditionnel. Saint-Cyrien, officier de l'armée de terre ayant rejoint le corps préfectoral en 1988, Lionel Rimoux, 52 ans, cheveux blancs en brosse courte, physique imposant et homme à poigne, gère tout le quotidien de la campagne. Il fut sous-préfet à Chalon, où il rencontra Perben, et travailla 5 ans à ses côtés à la Chancellerie et au ministère de l'Equipement. "J'ai pour Dominique Perben de l'admiration, de l'estime et une respectueuse amitié ; je dirige sa campage pour lui, exclusivement pour lui" dit son homme de confiance.

Lionel Rimoux est en permanence au 65 cours Gambetta, que tous appellent d'un terme militaire : "le QG". Le "QG" est lui même découpé en "pôle ressources" avec un super-intendant, en "pôle logistique" ou encore en "pôle communication" et "pôle éditorial".

Un tout autre style qu'à la "perm'" de Collomb dont les pièces portent les noms de "Gerland" ou "Terreaux" et les murs arborent des photos d'un artiste contemporain... Conseiller général et municipal, Lionel Lassagne, 34 ans, est le directeur de campagne politique ; c'est lui qui coordonne et finalise le projet pour Lyon et les arrondissements, lui qui s'attache à impulser le même rythme à ses homologues dans les neuf arrondissements.

"Je les vois tous les lundis matin et on fait un reporting tous les mercredis et vendredis que je transmets à Perben. Tractage, porte à porte, marchés, réunions publiques... Perben veut savoir exactement où on en est" raconte Lionel Lassagne qui confirme que Perben est "quelqu'un de méthodique, construit. Dans sa tête, il a le film depuis quatre ans".

L'organisation, carrée, flirte avec le para-militaire, même pour les journalistes : ils sont invités à deux points-presse chaque semaine : le mardi pour un échange informel et le jeudi pour une présentation thématique du programme. "On a choisi de dévoiler le projet point par point car ça le rend plus lisible et ça nous permet de cibler les salves de courriers que nous adressons pour informer les électeurs".

Inversement, Collomb a choisi de dévoiler d'abord l'intégralité de son projet : "un flop, juge Lionel Lassagne. Il a balancé 220 pages d'un coup, c'est imbitable son truc !" . Lionel Lassagne était le secrétaire général de Lyon Nouvel Horizon, association qui élabore le projet de Perben depuis quatre ans. "C'est la même méthode qui se développe en plusieurs étapes" explique Lionel Lassagne qui assure être parti "d'une feuille blanche : toutes les idées sont remontées du terrain, des questionnaires distribués dans les quartiers, des synthèses discutées lors des forums d'arrondissement". "Cette méthode, c'est aussi une vision politique" conclut Lionel Lassagne qui oppose cette "démarche d'humilité" à la stratégie de Collomb qui se comporte en "Duce qui sait tout et plaque son projet sur Lyon" et s'obstine à refuser tout débat contradictoire avec Dominique Perben. Plus grave encore aux yeux du directeur de campagne UMP : "c'est la première campagne où l'on voit un maire utiliser en toute impunité les moyens du Grand Lyon et de Lyon, ce qui est totalement illégal au regard du code électoral". Lionel Lassagne cite en exemple "le projet des berges de Saône, présenté sur une péniche louée par le Grand Lyon". Nous ne sommes pas encore au plus chaud de la campagne que déjà se fourbissent d'éventuels recours.

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