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Michel Mercier, le faux départ d'un policitien "à la lyonnaise"

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PORTRAIT - Ce lundi, il se retire après 23 années à la tête de l'institution départementale, abandonnant son fauteuil à Danielle Chuzeville. Frappé par le cumul des mandats, Michel Mercier devient 1er vice-président en charge de l'euro-métropole. Mais comme la nouvelle présidente nous l'a expliqué, elle compte bien demander son avis à l'ex-ministre sur tous les gros dossiers. Il continuera donc à tirer les ficelles. Il laisse cependant à son successeur le soin d'assumer publiquement nombre de problèmes non résolus, du dérapage des coûts du musée des Confluences aux emprunts toxiques qu'il a contractés.

Au lendemain de sa défaite aux municipales de Lyon en 2001, Jacques Chirac raillait "ce maire de village", incapable selon lui de gagner une grande ville. Il ne croyait peut-être pas si bien dire. Le 5 janvier, Michel Mercier a en effet choisi de quitter sa présidence du conseil général qu'il a assumée pendant 23 ans pour redevenir maire de Thizy, aggloméré à quelques pâtés de maisons alentour. Une collectivité de 6300 âmes dont il avait pris la tête en 1977 alors qu'il avait trente ans. Il reste néanmoins sénateur, et ambitionne, dit-on, de prendre la tête de la Chambre haute. Il n'empêche, ce retrait du conseil général, "c'est une manière de rendre à ses racines ce qu'il en a reçu", décrypte son ami François Bayrou, dans un entretien qu'il nous a accordé.

Michel Mercier © tim douet ()

© Tim Douet

"C'est 'ni vu ni connu'… à la Lyonnaise"

C'est en effet de Thizy que Michel Mercier a entrepris la conquête du Rhône, jouant de ses réseaux catholiques et beaujolais, comme il jouera plus tard de sa bonhomie provinciale pour gagner Paris. "Il a ce côté vieille France qui fait son charme", décrit Nora Berra, qui l'a côtoyé au gouvernement Fillon. Ne pas s'y tromper. "Il connait très bien les arcanes parisiennes", souligne Marielle de Sarnez, députée européenne.

Michel Mercier fait de la politique avec l'air de ne pas y toucher, cabotin. En séance publique, le Thizerot aime à utiliser des proverbes, ou placer de bons mots, convoquant le bon sens populaire. "C'est un homme subtile, à la Lyonnaise. Il a cette capacité à avancer de façon habile en évitant les conflits inutiles. C'est 'ni vu ni connu', comme pour l'euro-métropole où il n'a pas fait ça de façon tonitruante alors que c'est un projet innovant et moderne", observe Marielle de Sarnez.

Bayrou : "Il fait semblant d'être sourd"

D'autres, disant la même chose, sont moins flatteurs. "Il fait de la politique comme du temps de la 4e République, s'imaginant régler les problèmes en discutant. Mais il accepte difficilement les vraies critiques. Sur les emprunts toxiques, il a fait l'imbécile, celui qui ne comprenait rien. Il a été capable de soutenir qu'il n'y avait pas d'emprunt toxique avant de reconnaître qu'il y en avait un peu, puis beaucoup", relate Thierry Philip, son premier opposant au conseil général. "Il aime à jouer celui qui ne comprend pas. Tout comme il lui arrive souvent de faire semblant d'être sourd. C'est un procédé de mise à distance", décrypte François Bayrou.

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Sa seule défaite : Lyon en 2001

Ses allures faussement paysannes, si elles ne dépareillent pas au Sénat, ne lui donnent pas les clés de l'Hôtel de Ville de Lyon où il ambitionnait de succéder à Raymond Barre en 2001. Au soir du premier tour, il est dépassé dans certains arrondissements - dont le sien, le 5e - par les listes présentées par Charles Millon, et jette l'éponge. Il se refuse à toute alliance avec le paria qui a frayé avec le FN. Cette déroute - sa seule véritable défaite - ne met pas un coup d'arrêt à sa carrière. Envers et contre tout, il reste président du conseil général. En 2011, il est d'ailleurs donné perdant, emporté par la vague rose. Qu'importe si sa majorité stricte se réduit à 18 élus sur 54, il garde d'un cheveux son fauteuil, notamment grâce à la victoire de Michel Forissier à Meyzieu, récompensé par la 1ere vice-présidence.

Entre Bayrou et Sarkozy, il choisit les deux !

Au niveau national, le centriste catho se place dans la roue de François Bayrou, son grand ami. Il est trésorier de l'UDF puis du MoDem, mais assiste, impuissant voire co-responsable, à l'éradication du centre à Lyon, qui a successivement perdu la Ville et la région Rhône-Alpes. Est-ce vraiment un problème, lui qui jongle avec dextérité avec les étiquettes : UDF, MoDem, aujourd'hui UDI. Au Sénat, il rend des services à Nicolas Sarkozy qui ne l'oublie pas, le faisant entrer au gouvernement. Contre François Bayrou, Michel Mercier choisit le pouvoir. Il rêvait d'être ministre. En 2009, il est nommé ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire. Il ne rompt cependant pas avec le Béarnais, dans un exercice d'équilibriste dont lui seul à le secret. François Bayrou n'avait pas été aussi indulgent avec Hervé Morin et Jean-Louis Borloo qui avaient eux-aussi succombé aux sirènes sarkozystes. Mercier, lui, continue d'être son ami.

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Un an plus tard, notre Rhodanien contorsionniste est même propulsé numéro cinq du gouvernement et garde des Sceaux à la faveur de circonstances : alors qu'il faisait ses cartons du gouvernement, le départ avec fracas de Jean-Louis Borloo oblige Nicolas Sarkozy à propulser un autre centriste. Ce sera lui, un peu par hasard. Aussitôt nommé, il s'empresse de procéder au classement sans suite de l'enquête préliminaire sur un éventuel délit de favoritisme de Rhônexpress qui le visait en tant que président du Département (lire ici). Ce juriste de formation a alors pour tâche de cajoler les magistrats malmenés par Rachida Dati, même s'il n'a rien à leur proposer. Endormir ses détracteurs, il sait faire. Comme un gros chat affectueux qui cache ses griffes. "Je ne l'ai jamais vu prendre quelqu'un de haut. Il est à l'écoute, accessible", raconte Nora Berra. "Il fait partie de ces personnages politiques qui sont dans la nuance parce qu'ils savent que les choses sont complexes", nous confie Jean-Louis Borloo.

Comment il endort l'opposition au Département

Michel Mercier use et abuse de cet art de la nuance. A la tête du Département, il arrondit les angles, gomme les différences, édulcore les positions antagonistes… au point de quasiment faire disparaître toute opposition. Patelin, il soigne ses relations avec Bernard Rivalta, président du groupe socialiste jusqu'en 2011, qu'il emmenait au ski dans les années 80 et qu'il a discrètement appuyé dans son accession à la tête du Sytral. Le socialiste a la reconnaissance du ventre, et perd tout mordant en séance publique.

Mais Rivalta parti, c'est Thierry Philip qui le remplace et celui-ci est autrement plus raide que son prédécesseur, attaché à réanimer l'opposition. Il porte notamment le fer sur les emprunts toxiques contractés par Michel Mercier. Les débats ne tournent toutefois pas complètement au vinaigre. "Il a un réel respect de l'opposition : on a des moyens importants, il nous a jamais empêchés de parler", reconnaît Thierry Philip.

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Le président du Département change néanmoins de stratégie et couve de son affection communistes et écologistes, dans l'objectif d'enfoncer un coin entre les socialistes et eux. En gage de sa bienveillance, il décerne la légion d'Honneur à Martial Passi (PCF) en pleine campagne des cantonales en 2011. Il parvient aussi, par un tour de passe-passe règlementaire, à envoyer Raymonde Poncet (EELV) siéger au Sytral, pour seconder Béatrice Vessiller. L'amitié avec Bernard Rivalta a vécu…

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© Tim Douet

La lune de miel tardive avec Collomb

C'est alors que son opposition socialiste se durcit que les relations avec Gérard Collomb virent au beau fixe. Michel Mercier en profite, et se plait à placer le groupe socialiste du Département en porte-à-faux avec le maire de Lyon. Les deux barons ne se sont pourtant pas toujours bien entendus. "Ce n'est pas un homme de projets, mais il arrive à boutiquer. A chaque conseiller général, même socialiste, il donne un petit budget pour régler un truc dans son canton. A l'ancienne", confiait Gérard Collomb dans un portrait réalisé par Libération en janvier 2011. Mais ils ne s'étaient cependant jamais affrontés et Dominique Perben se plaignait en 2008 du faible soutien du président du conseil général. "Il a toujours noué, avec Gérard Collomb, des petites ententes, des petits pactes de non-agression", nous avait-il soufflé.

L'adversité les rapproche davantage. Michel Mercier a d'abord apporté une aide précieuse au président du Grand Lyon en faveur du Stade des Lumières. Un dossier où les oppositions sont fortes. Déjà, au gouvernement, le Garde des Sceaux avait appuyé la déclaration d'intérêt général du Stade des Lumières, que Collomb attendait désespérément. En cette fin 2012, il a apporté une garantie de 40 millions d'euros d'un emprunt, que le président de la communauté estimait ne pas pouvoir arracher à son assemblée. En échange, ce dernier lui a promis de l'aide pour son musée des Confluences dont le coût pourrait se rapprocher du demi milliard d'euros, quand la collectivité chiffrait ce chantier à près de 60 millions d'euros en 2000. Surtout, ils ont accouché tous les deux d'une euro-métropole, la première de France. Prenant tout le monde de surprise. "Il est attaché à la novation des collectivités locales", explique François Bayrou. Thierry Philip y voit la volonté de passer la main avec une réforme qui marquera son époque. Michel Mercier garde cependant le contrôle de ce dossier, puisqu'il devient 1er vice-président en charge de l'euro-métropole.

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De l'art de refiler la patate chaude

A l'heure du bilan, le Thizerot abandonne la présidence avec le sentiment du devoir inaccompli. Nombre de problèmes restent en suspens. Il a transmis à Gérard Collomb la maitrise d'ouvrage du tronçon ouest du périphérique qu'il n'a jamais su entreprendre. Et pourtant, c'était à lui de prendre le relais de Michel Noir qui avait bouclé le périphérique nord en quelques années, inauguré en 1997. Michel Mercier quitte aussi la présidence du conseil général sans avoir inauguré le musée des Confluences qu'il avait lancé en 2000 - 13 ans déjà - et dont le coût a dérapé de 400 millions d'euros. Soit la même somme que le surcoût lié aux emprunts toxiques, d'après l'estimation de l'opposition socialiste. Selon un rapport parlementaire, il a signé le quart des emprunts des départements français. Son image de bon gestionnaire en a pris un sacré coup. Depuis novembre 2011 et jusqu'en 2030, le département supportera des crédits dont les taux sont à deux chiffres. Mais cette charge, ce seront ses successeurs à l'assumer publiquement. Lui est (officiellement) rentré à Thizy.

Lire aussi : "Mais qui est Danielle Chuzeville, la nouvelle présidente du conseil général du Rhône ?"

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