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Najat Vallaud-Belkacem raconte ses 7 premiers mois de ministre

Illustration Najat Vallaud Belkacem ()

© Photomontage

ALBUM PHOTOS - La Lyonnaise a retenu les dates-clés de son expérience ministérielle au Droit des Femmes. Elle vante son action, confie ses émotions et raconte des anecdotes : le coup de fil présidentiel lui annonçant sa nomination alors qu'elle est au côté de Pierre Bellemare, sa rencontre avec Ban Ki Moon et Ricky Martin à l'ONU. Ou encore son "étrange" empathie à l'égard de Sohane brûlée vive à Vitry il y a dix ans, qu'elle considère comme "une petite soeur". Verbatim.

En attendant l'appel du nouveau Président...

16 mai, à quelques heures de la formation du gouvernement

"C'est une journée étrange. J'espère évidemment que mon téléphone va sonner, mais je sais aussi ce qu'est la formation d'un exécutif pour l'avoir vécu à la ville de Lyon et à la Région : des logiques antinomiques peuvent être à l'oeuvre, rien n'est jamais assuré. C'est une journée très courte et très longue. Je l'ai passée avec des amis, à la terrasse de cafés. On se racontait des histoires drôles pour faire passer le temps, puis on a fini par toutes les épuiser. On voit alors passer Pierre Bellemare. On se met au défi d'aller le voir pour qu'il nous raconte des histoires. [rires] J'y vais, je ne sais pas s'il me reconnaît mais il accepte de nous rejoindre. Il est adorable. Et en plein milieu de son récit, le téléphone sonne : il est entre 15h30 et 16H. C'est l'assistante de François Hollande qui me met en attente : retentit la musique de l'Elysée. Comme je crains le canular, je le laisse longuement parler pour être sûr de reconnaître sa voix, mais c'est bien lui. A la fin de sa proposition il me demande si j'accepte. J'accepte évidemment. Jean-Marc Ayrault me rappelle quelques heures plus tard pour me confirmer les choses".

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Le premier conseil des ministres

17 mai

"La nuit est très courte. Les premières urgences tombent, notamment la passation de pouvoir avec Valérie Pécresse qui doit s'effectuer le matin même. La veille, on cherche son numéro. C'est finalement elle qui a la gentillesse de m'appeler. Durant notre entretien, elle me donne des conseils et m'explique la difficulté du job (de porte-parole du gouvernement, ndlr). Puis, dans l'après-midi, c'est le premier conseil des ministres. Nous arrivons à pied, une haie d'honneur se forme de passants qui nous applaudissent. Je ne peux pas vous dire que ça se passe comme ça tous les mercredis [rires]. A l'intérieur, c'est évidemment un moment très solennel. C'est dans l'attitude de gens côtoyés durant toute la campagne que l'on voit que les choses ont changé. Le Président nous appelle par l'intitulé de notre ministère. Toute le monde se vouvoie".

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Une impulsion donnée pour l'égalité professionnelle

10 juillet

"Ce ministère (celui du droit des Femmes, ndlr) contient une charge émotionnelle et symbolique très forte. Mais son utilité est remise en question régulièrement. Ma mission, c'est d'en faire un sujet qui remonte dans l'ordre des priorités publiques. Et ce jour-là, à l'occasion de la Grande Conférence sociale, j'ai réussi a faire en sorte que l'égalité professionnelle figure parmi les 5 sujets prioritaires des discussions entre l'Etat et les partenaires sociaux, au même titre que l'emploi, la protection sociale ou les retraites. L'impulsion est donnée. En 2013, on va avancer sur le temps partiel qui touche a 80% du temps les femmes ou sur le congé parental pour inciter davantage les hommes à le prendre. Enfin je viens tout juste de publier le décret qui rend enfin effectives les obligations qui s'imposent aux entreprises en matière d'égalité professionnelle".

Mon 1er projet de loi adopté a l'Assemblée Nationale

24 juillet

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"C'est l'adoption après quelques semaines de discussion du premier texte du gouvernement par le parlement, et c'est un texte que je porte avec Christiane Taubira, la loi sur le harcèlement sexuel. Elle m'aura offert l'occasion de mon premier discours à la tribune de l'Assemblée Nationale, puis a celle du Sénat, puis de longues soirées de discussion sur les amendements... On a réussi à convaincre les Parlementaires qu'il fallait passer par une procédure d'urgence parce que le Conseil constitutionnel avait invalidé le 4 mai le délit de harcèlement sexuel, insuffisamment précis pour lui. Et cela avait laissé un vide très préjudiciable pour les victimes. On a réussi à lever toutes les réticences, notamment de ceux qui craignaient qu'on en vienne a pénaliser une 'drague un peu lourde'. Notre récompense, c'est cette adoption à l'unanimité, extrêmement rare".

Mgr Barbarin, la lutte contre l'homophobie et moi

4 septembre

"Le Premier ministre me confie la mission interministérielle de lutte contre les discriminations et les violences homophobes. Je m'étais emparée de ce sujet depuis longtemps au sein du PS. Je suis naturellement sensible à la lutte contre les discriminations. Pourquoi celle-là ? [elle réfléchit] C'est une philosophie générale, je ne fais pas de distinction entre les discriminations. C'est une question d'égalité. Peu après tombent les propos de Mgr Barbarin qui faisait un rapprochement entre l'homosexualité, la polygamie et l'inceste. Je le connaissais, je l'ai appelé. Il m'a dit qu'il ne se reconnaissait pas dans les citations. C'est ce qui m'a paru le plus important. On me dit parfois intolérante à l'égard des opinions qui ne sont pas les miennes. C'est tellement faux. En revanche je n'arrive pas a m'empêcher d'essayer de les convaincre même quand la bataille est perdue d'avance".

Hommage à Sohane, "ma petite soeur"

4 octobre

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"C'est le moment le plus poignant. Sohane Benziane : ce nom n'a jamais quitté mon esprit depuis dix ans. Elle est morte le jour de mon anniversaire. J'avais beau ne pas la connaître, c'est comme une petite sœur. J'éprouve une étrange empathie. Nous avons organisé une commémoration pour les dix ans de ce drame épouvantable, juste en face du local à poubelles où elle a été brûlée à Vitry. Il y avait un peu de monde, mais pas plus que ça – ce qui est triste. Et en même temps, dix ans, c'est long pour un quartier qui a changé, dont les tours ont été rasées... Les habitants ont envie de tourner la page aussi. J'ai reçu au ministère d'autres femmes qui ont vécu des tentatives d'immolation ou d'autres formes de violences. Une femme m'a même envoyé son journal intime de femme battue. C'est difficile de laisser tout cela sur le pas de la porte quand on rentre chez soi le soir. C'est la particularité de ce ministère.

Ai-je été victime de comportements machistes ou discriminatoires dans mon propre parcours ? [silence] Je m'appuie très rarement sur des expériences personnelles pour mener mes combats politiques. Bien sûr qu'il m'est arrivée de me sentir rejetée, mais j'imagine comme tout un chacun. Je me souviens qu'enfant, j'avais eu très mal en tombant sur des tracts racistes du FN qui 'nous' décrivaient comme des parasites. J'ai aussi parfois souffert dans mes premières années de vie politique d'être considérée comme un pot de fleurs, y compris dans mon parti, et de devoir prouver toujours deux fois plus parce que femme, parce que jeune etc... Mais d'abord je ne connais pas vraiment la rancœur et j'oublie très vite les mauvais souvenirs. Ensuite tout cela m'aura été finalement utile dans ma construction personnelle".

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Le Président, 10 femmes battues et moi

25 novembre

"Au cours d'un tête à tête, j'arrive à convaincre François Hollande que le combat contre les violences faites aux femmes doit être porté par la parole présidentielle. Quelques jours plus tard, il revient d'un voyage en République démocratique du Congo où il a notamment rencontré celles qui sont considérées là-bas comme des butins de guerre, violées, martyrisées. Il est marqué. 'Leur corps est devenu un champ de bataille' me raconte-t-il. Ce dimanche matin, journée de lutte contre les violences faites aux femmes, je l'emmène dans un centre d'hébergement. Dans une pièce, dix femmes acceptent de témoigner. La première parvient difficilement à parler, la 2e un peu plus. La 3e éclate en sanglots. Puis, la parole se libère et elles ne peuvent plus s'arrêter. Le président les écoute, les encourage, trouve les mots. A la fin elles le disent, elles ont le sentiment d'avoir retrouvé de leur dignité. Le Président annonce la création de 1500 places de logements d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales, un programme de suivi des auteurs pour éviter la récidive et la mise à disposition de téléphones portables grand danger. Je suis profondément heureuse ce jour-là".

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Ministres : les bons élèves de l'égalité des sexes

30 novembre

"Il ne s'était pas réuni depuis 12 ans. A travers ce comite interministériel aux droits des femmes, c'est tout le gouvernement qui se mobilise autour des priorités de mon ministère. Pour le préparer, voila des semaines que je recevais tour à tour chacun des ministres, chacune des administrations, pour réaliser un programme de travail. Quels sont ceux que j'ai trouvé les plus impliqués ? [elle réfléchit] D'abord une Rhône-alpine : Geneviève Fioraso. Dans la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche qu'elle présente bientôt, elle va prendre des engagements très ambitieux sur la parité dans les instances universitaires. J'aime beaucoup Michel Sapin et ça tombe bien puisque l'égalité professionnelle est une priorité et il est ministre du Travail. Avec Vincent Peillon, ça se passe très bien aussi et c'est important car l'école est un enjeu fort".

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Rencontre avec Ban Ki Moon... et Ricky Martin

11 décembre

"C'est un 'side event' organisé par l'ONU sur la dépénalisation de l'homosexualité, un combat que la France a décidé de reprendre. Ces rencontres sont importantes pour ne pas se laisser enfermer dans l'étroitesse des débats nationaux. Je rencontre en tête à tête Ban Ki Moon, puis commence la réunion publique devant des diplomates et fonctionnaires de pays du monde entier. Apres Ban Ki Moon, je m'exprime au nom de la France. Quand a la surprise générale nous rejoint le chanteur Ricky Martin qui à la tribune raconte combien le jour de son coming out a été le plus beau de sa vie. Surréaliste. Mais très émouvant".

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