Nathalie Perrin-Gilbert à la direction du PS : la rupture avec Collomb

Elle sera en charge du logement.

C'est un nouveau revers pour Gérard Collomb, partisan de la première heure de Ségolène Royal. Nathalie Perrin-Gilbert, sa principale opposante au sein du PS local, pourra ainsi trouver les soutiens nécessaires pour continuer à marquer sa différence avec le maire de Lyon. Farida Boudaoud, conseillère régionale et adjointe à Décines, a également été nommée au secrétariat nationale. Elle s'occupera du mouvement associatif et de l'économie sociale.

Nous republions l'entretien que Nathalie Perrin-Gilbert avait accordé à Lyon Capitale (paru dans le numéro de novembre dernier) dans lequel elle prenait définitivement ses distances avec Gérard Collomb.
"Avec Collomb la page est tournée"
Nathalie Perrin-Gilbert était jusqu'alors présentée comme la "dauphine" de Gérard Collomb. Elle a fait le choix de s'émanciper.
Lyon Capitale : Maire du 1er depuis 2001, vous avez plusieurs fois pris des positions plus "tranchées" que celles de Gérard Collomb, notamment sur les sans-papiers, le logement... Êtes-vous insatisfaite de sa politique sociale ?
Nathalie Perrin-Gilbert : Il y a un paradoxe chez Gérard Collomb. Beaucoup d'actions ont été menées en matière de logement social, d'éducation ou d'aide sociale. Mais il ne veut pas communiquer dessus. Il ne l'assume pas. Comme s'il craignait que cela vienne en négatif dans son bilan au regard de tout ce qu'il a fait sur un plan économique et international.

Il cultive l'ambition de faire entrer Lyon dans le top 15 en Europe...
Si les bénéficiaires ne sont pas directement les habitants, ça n'a pas de sens. Or je constate qu'il y a un décalage de plus en plus criant entre d'un côté une volonté de rayonnement international pour l'agglomération, et de l'autre côté des habitants qui ont de plus en plus de mal à boucler leur budget. Pour moi, une ville européenne, c'est d'abord une ville où les habitants sont heureux de vivre. Je ne veux pas qu'un certain nombre de réseaux bénéficie de cette dynamique internationale tandis que des pans entiers de la population se sentent exclus de ce mouvement. Les réseaux sont très présents à Lyon et Gérard Collomb est plutôt dans la logique de les conforter. Je crois au contraire qu'il faut décloisonner et susciter une adhésion vraiment populaire sur nos projets. Il nous faut aussi une autre gouvernance, une gestion plus collective, pour que les décisions soient partagées par l'ensemble de la majorité. Le conseil municipal ne doit pas être une simple chambre d'enregistrement.

Les annonces faites pour ce nouveau mandat vont-elles dans le bon sens ?
Du fait de la situation budgétaire, le maire de Lyon a demandé aux adjoints et aux maires d'arrondissements de revoir leurs projets à la baisse. Pour l'instant les arbitrages ne sont pas totalement tranchés. Mais je suis plutôt inquiète. Pourtant, sur le logement social, l'éducation et l'aide sociale, le maire doit tenir ses engagements et ne pas baisser les budgets. De la part du maire de Lyon, j'attends que des signes forts soient aussi donnés aux associations culturelles ou de Droits de l'Homme. J'aurais par exemple aimé entendre Gérard Collomb s'exprimer sur l'affaire du repérage des agents musulmans. Mais j'ai l'impression que la priorité sera mise sur le rayonnement international et la politique des grands projets, comme le stade de l'OL.

On vous sent "remontée" sur l'OL...
Un peu comme avec les antennes relais, ce dossier est révélateur d'une volonté politique qui abdique par rapport au pouvoir économique. Le chef d'orchestre doit rester le maire. Parfois j'ai l'impression qu'à Lyon le pilotage est plus économique que politique. C'est ce décalage là qui me gêne. Si l'OL est un ambassadeur de la ville, très bien, je ne demande que ça. Mais est-ce normal qu'un club de foot augmente ses tarifs au point que certains supporters n'arrivent plus à venir voir ses matchs ? C'est cette dimension populaire qui m'importe. Pour moi, l'OL c'est Gerland !

A propos des antennes relais, comprenez-vous la position de Gérard Collomb qui a déclaré au Progrès : "nous pouvons avoir des capacités de médiation mais pas plus" ?
Je ne crois pas que les opérateurs aient envie de partir de Lyon... On peut donc émettre des conditions, sur le principe : "vous vous développez, mais installez des antennes qui émettent moins d'ondes". Il ne faut pas abdiquer sur nos convictions en matière de principe de précaution.

Au sein du PS, Gérard Collomb tente de promouvoir un "modèle lyonnais". Et vous ?
C'est une construction théorique, un discours... Je ne suis pas sûre que le modèle lyonnais soit concrètement visible dans la vie quotidienne des Lyonnais. Personnellement, dans le cadre du congrès de Reims, j'ai rejoint Bertrand Delanoë. Je ne me suis pas retrouvée dans le positionnement politique de Collomb, notamment sa volonté d'alliance avec le Modem. Delanoë assume son positionnement à gauche, quitte à perdre deux arrondissements.

Delanoë assume aussi un positionnement libéral !
Oui, car il ne nie pas la réalité. Mais il n'abdique pas son courage politique, quand il propose de récupérer trois milliards d'euros sur les stocks options ou quand il prend position pour le droit de vote des étrangers. Il y a dans son projet une vraie volonté de justice sociale.

On vous a longtemps présentée comme la "protégée" de Gérard Collomb...
J'ai vieilli (rire), j'ai grandi, j'ai pris des coups. Je suis venue en politique par et grâce à Gérard Collomb. Je ne l'oublierai pas. Depuis j'ai construit mon propre projet politique. Et il ne colle pas complètement à celui de Gérard Collomb. Je ne serai pas celle qui vote toujours les yeux fermés parce que Gérard est le chef à Lyon.

Vous tournez définitivement la page Gérard Collomb ?
Ça fait un moment qu'elle est tournée. En tout cas lui et moi, nous le savons. Je vais continuer à avancer, sur mon projet, sur les valeurs que je défends. Et on verra où ça nous mène.

On sait que Gérard Collomb n'apprécie guère l'opposition au sein de son propre parti. Vous pensez pouvoir exister politiquement à Lyon ?
Gérard Collomb n'est pas mon centre de gravité. Je ne serai jamais dans une opposition systématique. Si parfois on se retrouve tant mieux... et ça arrive ! Si jamais on ne se retrouve pas je garderai ma liberté de parole. Certes je fais partie d'une majorité municipale, mais j'ai désormais la légitimité d'une maire sortante qui a été réélue dans son arrondissement, avec son équipe, son bilan et son projet. Le rôle de Gérard Collomb aujourd'hui est de préparer la suite. Peut-être fera-t-il un troisième mandat, mais il doit permettre aux jeunes générations d'émerger. Mes convictions passent avant le reste. Je ne vais pas faire "le bon petit soldat" pour être sûre d'être sur les listes de Collomb dans six ans !

"Le personnel de la Ville de Lyon doit être valorisé"
En matière de gestion des ressources humaines, Nathalie Perrin-Gilbert tacle une nouvelle fois le maire de Lyon. "Alors que Gérard Collomb vient d'embaucher une nouvelle chargée de mission et qu'il augmente le salaire de l'un de ses conseillers, la direction des services a annoncé que les femmes parties en congés maternité ne seraient pas remplacées. En plus d'être totalement discriminatoire, cette politique consiste à demander toujours aux mêmes de faire des efforts. On ne doit pas aligner les salaires de certains contractuels du cabinet sur ceux du privé et en même temps mépriser les fonctionnaires de catégorie B ou C".

Bio Express

Nathalie Perrin-gilbert, maire (PS) du 1er arrondissement

Née le 28 octobre 1971
Mariée, 3 enfants

étude : Maîtrise information et communication à Lyon 3

Premier mandat : 1995, adjointe au maire du 1er arrondissement à la jeunesse et aux sports

Maire du 1er arrondissement et conseillère communautaire depuis 2001 (réélue en 2008).

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