Jean-Marc Ayrault s’est relancé dans ses fonctions de Premier ministre en promettant une grande réforme fiscale : la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Une prise de position attendue par Pierre-Alain Muet, député (PS) de la Croix-Rousse (Lyon 4e) et spécialiste des questions fiscales, qui lui répond : "Bravo" et "enfin". Pour lui, cette annonce doit sonner la fin de la cacophonie et des reculades du Gouvernement. Entretien.
Lyon Capitale : Que peut apporter au Gouvernement cette grande réforme, souvent promise et jamais réalisée ?
Pierre-Alain Muet : Je dis d'abord bravo. Cette réforme va donner de la perspective à l'action du Gouvernement. Jusqu'à présent, nous supprimions des niches fiscales de manière isolée, ce qui pouvait donner l'impression de créer plein de nouveaux impôts. Notre imposition devenait plus juste mais était illisible. Notre méthode était mauvaise. À chaque fois qu'un lobby se levait, le ministre des Finances reculait. Dans chaque niche, il y a un chien. Le ras-le-bol fiscal a été créé par la communication de Pierre Moscovici. Il fallait expliquer le but de notre démarche. Faire au coup par coup a conduit les citoyens à se dire que de nouveaux impôts étaient sans cesse créés. Tout a commencé avec les “pigeons”. Comme nous n'arrivions pas à expliquer pourquoi nous faisions les choses, nous avons reculé. Le Premier ministre vient de redonner la perspective de notre action fiscale. Les bases sont pourtant là. Des niches fiscales ont été supprimées et le revenu du capital est désormais dans l'impôt sur le revenu. Sans communication d'ensemble, ces mesures étaient impossibles à valoriser.
Quelle sera l’incidence de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG (contribution sociale généralisée) pour un particulier ?
Cette réforme se fera sur quelques années. Il faut d'abord supprimer les niches fiscales et ainsi passer tous les revenus au barème de l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui, tout le monde paie 8 % de CSG. L'impôt sur le revenu est de 3 %. Aujourd'hui, le taux d'imposition moyen est de 11 %, un niveau équivalent aux autres pays. Tous les contribuables sont actuellement au même seuil de CSG : 8 %. Demain, le taux commencera vers 0 % – pour les revenus les plus faibles – et montera au-dessus de 8 % pour les plus aisés. Il ne faut pas accroître la pression fiscale mais la rendre plus progressive. Jusqu'à présent, l'impôt n'est progressif que pour les salariés et les cadres salariés qui paient le plus d'impôts. Les dix Français les plus riches ont un taux d'imposition de moins de 20 %. Ceux qui ont les revenus les plus bas paieront moins d'impôts puisque leur CSG baissera. Les plus aisés paieront plus car leur CSG sera supérieure à 8 %. Pour les classes moyennes, il est difficile de faire des prévisions tant que des simulations n'auront pas été faites. Mais cette réforme doit être à rendement constant. L'État fera rentrer de l'argent en supprimant des niches fiscales. Il en reste 400.
Cette réforme, fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu prélevé à la source, est promise depuis des années mais s’est toujours heurtée à une mise en application difficile. Comment comptez-vous contourner le problème ?
La première année d'application, le contribuable ne paiera pas double. Il sera prélevé sur l'année en cours avec le taux de l'année précédente. Le prélèvement à la source sera effectué par l'entreprise comme pour la CSG mais il sera fixé par l'administration fiscale, qui communiquera à votre employeur votre taux d'imposition. Le sujet est technique et il faudra étaler la réforme sur deux ou trois ans pour la préparer. Il faudra aussi réfléchir à l'individualisation de l'impôt. Notre système date des années 1920, une époque où l’impôt était familial. Demain, il pourrait être individualisé. Pour mener à bien cette réforme, il serait aussi préférable de le faire en période de croissance pour limiter le nombre de perdants.