Perquisitions chez Claude Guéant : à la recherche du spectre de Mouammar Kadhafi

Les locaux de Claude Guéant, perquisitionnés hier dans l'affaire Tapie/Lagarde (lire ici), l'ont également été dans l'enquête préliminaire sur les accusations de financement illicite de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

A huit jours du second tour de l'élection présidentielle de 2012, Mediapart avait publié un document choc, attribué à un ex-dignitaire libyen, affirmant que Mouammar Kadhafi avait accepté de financer pour "50 millions d'euros" la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. La perquisition intervenue hier chez Claude Guéant s'inscrit dans le cadre de l'enquête ouverte après une plainte pour faux et usage de faux de l'ancien chef de l’État contre le site dirigé par Edwy Plenel. L'enquête avait été élargie en janvier afin de permettre l'audition de l'intermédiaire Ziad Takieddine, lequel avait affirmé détenir les preuves d'un financement par la Libye de la campagne de M. Sarkozy.

M. Takieddine, plusieurs fois mis en examen dans le volet financier de l'affaire Karachi (lire ici), a fait ces déclarations le 19 décembre dernier au juge Renaud Van Ruymbeke, qui les a transmises au parquet. L’intermédiaire a aussi affirmé que plusieurs rencontres avaient eu lieu avant l'élection présidentielle entre Bechir Saleh, alors secrétaire particulier de Mouammar Kadhafi, et Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy. M. Guéant avait réagi en évoquant des « affabulations ».

Des dignitaires libyens prêts à témoigner

Maître Marcel Ceccaldi avait indiqué fin janvier au procureur de Paris que plusieurs anciens dignitaires du régime étaient prêts à témoigner sur ces graves accusations, d’autant plus troublantes que le ministre libyen du pétrole, un certain Choukri Ghanem, ancien proche de Mouammar Kadhafi -qui avait rompu avec le dictateur en mai 2011 et s’était installé en Autriche- avait été retrouvé noyé dans le Danube au mois de mai de l’année dernière. "Selon nos informations, la famille de Choukri Ghanem était apparemment en contact avec un journaliste étranger", avait alors affirmé Roman Hahslinger, porte-parole de la police de Vienne, en présentant à la presse les premiers éléments de l’autopsie du corps.

Une mort supecte

"Ce journaliste a parlé à un média à Vienne, qui a ensuite relayé l’information erronée selon laquelle Choukri Ghanem était mort dans son appartement", avait conclu le policier. "Ghanem fut surtout l’un des acteurs clés de la diplomatie menée pour réconcilier le régime libyen avec l’Europe, et en particulier avec la France", avait pour sa part écrit Mediapart. "À partir de 2003, il engage une politique de libéralisation de l’économie et la privatisation partielle du secteur public", poursuivait le site, qui concluait : "Ce décès suspect d’un des hommes forts du régime Kadhafi survient alors que plusieurs enquêtes sensibles visent les ventes d’armes et de pétrole entre l’Europe et la Libye, et au lendemain des révélations de Mediapart". Aujourd’hui, on est en droit de s’interroger sur ces perquisitions très médiatiques. Car dans ce type d’affaires, il n’y jamais de dossiers proprement étiquetés "financement de Kadhafi", que ces dossiers soient cartonnés ou numériques. Mais la justice avance.

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