Pierre-Alain Muet (PS) : “oui mais” au gouvernement Valls

Une centaine de députés PS ont signé une lettre ouverte à François Hollande proposant un "contrat de majorité" au Gouvernement. Parmi eux, figure Pierre-Alain Muet. Le député PS de la Croix-Rousse a contribué à la rédaction du texte, notamment sur la partie qui dénonce les politiques d'austérité menées en Europe. Il votera demain mardi la confiance au gouvernement de Manuel Valls, mais critique le pacte de responsabilité. Entretien.

Lyon Capitale : Le texte parle de réorientation de l’Europe. Comment y parvient-on quand la Commission, la Banque centrale européenne et l’Allemagne soutiennent l’assainissement budgétaire ?

Pierre-Alain Muet : La France n'est pas seule. J'ai participé à des réunions de partis socialistes européens qui veulent que cesse cette politique d'austérité. J'ai aussi assisté à des réunions de parlementaires européens, toutes sensibilités confondues. À l'exception des Allemands, ils disaient la même chose. Bien sûr, il faut continuer à réduire les déficits. Mais la façon extrêmement brutale avec laquelle ont été appliquées ces politiques explique la récession que l'on connaît en Europe depuis trois ans. L'Europe a créé une récession alors que les États-Unis sont sortis de la crise. En Europe, la plupart des pays n'ont pas retrouvé leurs niveaux de production de 2008. De nouvelles élections se profilent et il faudra se souvenir du bilan calamiteux de la commission Barroso.

Ne craignez-vous pas la réaction des marchés – dont on dépend pour emprunter – si on laissait filer les déficits ?

Il faut être très clair : il ne faut pas laisser filer les déficits. Il faut retrouver un rythme de réduction compatible avec le retour de la croissance et la baisse du chômage. C'est un problème de coordination des politiques en Europe. Il faut une politique subtile et plus équilibrée. Sous Lionel Jospin, on a réduit les déficits en favorisant le retour de la croissance. Les marchés s'inquiètent autant de la faiblesse de la croissance européenne que du niveau des déficits.

Vous ne voulez pas du pacte de responsabilité (qui prévoit une baisse de 10 milliards d’euros des charges sociales, en plus des 20 milliards déjà votés dans le cadre du pacte de compétitivité) ?

J'ai travaillé sur la mise en œuvre du rapport Gallois, qui a abouti au crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE). Il ne va produire des effets qu'à moyen terme. Ce qui va nous faire sortir de la crise, c'est la demande ; c'est la consommation des ménages qui entraînera la reprise des investissements des entreprises. C'est pourquoi il faut être attentif au pouvoir d'achat des ménages. Pour ma part, je souhaitais plus d'emplois d'avenir. Les élections municipales ont montré que nos concitoyens n'étaient pas satisfaits de la politique économique du Gouvernement. Il ne faut pas être unidimensionnel. La compétitivité, c'est important, mais ce n'est pas la clé de la reprise.

Votre lettre parle d’un “pacte national d’investissement” plutôt que du pacte de responsabilité. En quoi consisterait-il ?

Le pacte de responsabilité doit être orienté vers la reprise des investissements des entreprises. C'est pourquoi il faut y poser des conditions. L'objectif n'est pas d'augmenter les dividendes versés aux actionnaires. Sous la pression de François Hollande, a été adopté en 2012 un pacte européen de croissance qui consistait à développer des investissements correspondant à 1 % du PIB européen. Cela aurait compensé les politiques d'austérité. Hélas, il n'a pas été réellement mis en œuvre. L'important, c'est de faire redémarrer l'investissement, y compris celui des collectivités locales. J'avais suggéré, lors du CICE, de conditionner le crédit d'impôt à des dépenses d'investissement.

Pourriez-vous ne pas voter demain mardi la confiance au nouveau gouvernement ?

Non, c'est évident que je voterai la confiance. Nous ne faisons pas de procès d'intention au Gouvernement, mais nous voulons peser sur les choix politiques. Ne pas voter la confiance conduirait seulement à ajouter une crise politique à la crise économique.

Et pourriez-vous voter contre ce pacte de responsabilité ?

Non, les députés joueront leur rôle d'amender le texte. Mais on aimerait autant discuter avant avec le Gouvernement. Le président de l'Assemblée nationale est sur la même ligne, en faveur d'une politique économique équilibrée qui ne sacrifie pas tout à la baisse des déficits.

Vous regrettez le choix de Manuel Valls comme Premier ministre en réponse aux résultats des municipales ?

Non, c'est un homme populaire, dynamique. Il est volontariste. La question n'est pas le choix du Premier ministre mais l'orientation de la politique économique.

Vous êtes proche de Martine Aubry. Pensez-vous qu’elle doit jouer un rôle plus important ?

Elle vient d'être réélue maire de Lille. Je pense qu'elle souhaite s'y consacrer pleinement. C'est aussi ce qu'a en tête Gérard Collomb.

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