Alors que des manifestations sont en cours à Lyon, dans le Rhône et partout en France, ce samedi 17 novembre marque la première mobilisation du mouvement des gilets jaunes, né de la protestation contre l'augmentation annoncée, par le gouvernement, du prix de l'essence, en janvier prochain. Mouvement spontané hors de tout syndicat et parti, malgré les tentatives de récupérations, le gros de ses troupes est fourni par les Français les plus dépendants de leur véhicule personnel, pour aller travailler notamment.
Ils veulent paralyser le pays. Dans le Rhône, les gilets jaunes coupaient dès les premières heures du jour les accès aux centres commerciaux et organisaient des opérations escargot et barrages filtrants, sur l'A6 notamment. Des actions sont prévues tout au long de la journée. Le mouvement s'est construit de manière spontanée, sur internet, via les réseaux sociaux et une pétition en ligne, lancée sur le site Change.org. Pétition qui comptabilisait ce samedi matin plus de 860.000 signatures. Les gilets jaunes s'opposent à l'augmentation, annoncée par le gouvernement, du prix de l'essence, à l'horizon janvier 2019. La goutte d'eau qui fait déborder le réservoir pour les automobilistes, alors que l'abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes nationales avait déjà cristallisé les tensions.
Que veulent-ils ?
Les prix à la pompe ont déjà augmenté depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, de 14%pour le SP95 et 22% pour le Diesel sur entre octobre 2017 et octobre 2018 selon l'Union française des industries pétrolières. La nouvelle hausse annoncée par le gouvernement était de trop pour les automobilistes. Une hausse présentée comme une taxe écologique. Mais les "gilets jaunes" ne seraient pas anti-écolos pour autant. Ils pointent notamment le fait que les taxes actuelles sur le carburant ne sont qu'en faible partie consacrées à la transition énergétique. En 2018, 20,5% des 34 milliards d'euros de taxes perçues par l'Etat au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sont allés à la transition énergétique, soit 7 milliards d'euros. 13 autres ont été fléchés vers son budget général et le reste partagé entre départements et régions. Avec l'augmentation de 6 centimes du diesel et de 3 de l'essence, l'Etat devrait percevoir 4 milliards d'euros de plus.
De quoi remettre en cause les déclarations du ministre de l'Action et des comptes publics, Gérald Darmanin sur "une fiscalité dite écologique, c’est-à-dire des taxes que l’on met sur ce qui est polluant". Prétendant que l'ensemble des 34 milliards de TICPE était dévolus à la transition énergétique il assurait hier sur RMC, que "l’Etat ne prend pas un euro dans l’opération fiscale que les gens dénoncent". Faux donc. De quoi émousser les gilets jaunes, qui dénoncent l'habillage écologique d'une taxe qui ne sera pas utilisée à la transition énergétique. "Ce surcroît de recettes ne sera pas affecté à la transition énergétique mais au budget de l'Etat qui, par ailleurs, est en déficit de 60 milliards d'euros", estimait ainsi Albéric de Montgolfier (LR), rapporteur de la commission des finances au Sénat, au micro d'Europe 1. Selon différents sondages, la grande majorité des Français estiment que la grogne des "gilets jaunes" est justifiée. Ces derniers demandent également une hausse du pouvoir d'achat, donc des salaires et des retraites, et mettent parfois en perspective le cadeau fiscal sur l'ISF avec les augmentations des taxes sur les carburants.
Qui sont-ils ?
Du bonnet rouge au gilet jaune. Comme en 2013 avec l'écotaxe et ses portiques, le mouvement est né de la contestation d'une taxe présentée comme écologique sur le transport routier. L'appel initial a été lancé sur Facebook par deux chauffeurs routiers de Seine-et-Marne à la mi-octobre, avec un évènement intitulé "Blocage national contre la hausse du carburant", largement relayé sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui 200.000 personnes se disent intéressées par l'évènement. Une pétition sur le site Change.org rassemble 860.000 signatures numériques. Les "gilets jaunes" sont avant tout des automobilistes concernés par la hausse du prix de l'essence, car dépendants de leur véhicule personnel, pour aller travailler notamment. Ils vivent donc plutôt en périphérie des centres urbains et à la campagne. Les mobilisations les plus nombreuses ne sont pas celles des villes d'ailleurs. Quelques dizaines de manifestants à Lyon seulement. Cela tient aussi à la forme des manifestations, qui visent à bloquer les axes de circulations et les centres commerciaux.
Des gilets jaunes aux couleurs politiques bigarrées. Né hors de tout syndicats et parti, le mouvement rassemble au-delà des étiquettes. A Lyon, un évènement a été lancé par un ancien du NPA de Rive-de-Gier alors que celui de Givors est largement soutenu et relayé par l'élu RN Antoine Mellies. Les soutiens se trouvent plutôt à droite et à l'extrême-droite, mais aussi dans les rangs de la France insoumise comme la souligné Jean-Luc Mélenchon, avec sa formule des "fâchés pas fachos". Certains députés de son mouvement participeront "à titre personnel" à des manifestations. Ce sera le cas de Alexis Corbière, Adrien Quatennens et François Ruffin, mais pas de Clémentine Autin par exemple. Les écologistes, qui soutiennent la taxe carbone ne soutiennent pas le mouvement mais leur chef de file, Yannick Jadot veut s'adresser aux plus modestes et pointe le manque d'efforts des constructeurs automobiles. Du côté des socialistes Olivier Faure a dit entendre la colère mais regretter sa forme.
La récupération politique guette, notamment chez Debout La France, alors que Nicolas Dupont Aignan, souhaitant s'ériger en chef de file de la grogne, a lui même distribué des gilets jaunes. A droite, Laurent Wauqiuez participera lui aussi à une manifestation. Mais il ne parvient toujours pas à faire l'unanimité chez les siens puisque Bruno Retailleau patron des sénateur Les Républicains ne partage pas cette position. A l'instar d'Antoine Mellies qui soutient le mouvement à Givors, Marine Le Pen a assuré les manifestations de son support. Mais la présidente du Rassemblement national n'ira pas sur le terrain. Une opposition de masse au gouvernement et à la politique d'Emmanuel Macron après 18 mois d'exercice.