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Quand les attachées de presse parlent de leur candidat...

CONFIDENCES - Ils apprécient leur sourire, elles louent leur force de travail. L'attachée de presse et son candidat forment le temps de la campagne un tandem intense. Interroger ces femmes de l'ombre, c'est aller au coeur des dispositifs de campagne. Petites indiscrétions.

Elles marchent dans leur ombre, tour à tour agenda, punching-ball, nounou, parfois même confidente ou coach. L'attachée de presse est une collaboratrice privilégiée du candidat aux régionales, qui gère son emploi du temps, s'emploie à créer l'événement, s'assure des bonnes relations avec la presse. Elle sert de lien entre le politique et les journalistes, essuyant les caprices des uns, les grosses colères des autres ; et réciproquement.

"Je ne pourrais pas m'en passer", souffle Philippe Meirieu, tête de liste Europe Ecologie, à propos de son assistante, Emeline Baume. Avoir une attachée de presse, c'est un luxe que seules les grandes formations peuvent s'offrir. Candidat FN, Bruno Gollnisch gère par exemple tout seul son agenda. De par leur présence permanente au coeur des dispositifs, ces collaboratrices sont des témoins du premier cercle qui entoure les candidats.

1 - Comment ils se sont rencontrés

Il y a encore six mois, Sylvie Perret et Emeline Baume ne connaissaient pas leur tête de liste. La première dirigeait sa propre agence de relations presse. Militante socialiste, elle avait contribué à la campagne de Pierre-Alain Muet aux législatives (il a été élu député du Rhône). C'est ce fait d'armes qui l'a propulsée comme attachée de presse de Queyranne.

Emeline Baume est élue dans le 1er arrondissement lyonnais, conseillère communautaire et collaboratrice du groupe les Verts à la Région. C'est donc une élue qui se met au service d'un homme qui ne l'est pas encore. Ils se croisent pour la première fois en octobre, puis une nouvelle fois en décembre pour une séance de travail.

A la différence de ses consoeurs, Ivana Gajic travaillait déjà pour Françoise Grossetête. Elle a elle aussi un profil politique, mais comme collaboratrice de cabinet. Assistante parlementaire d'un député UMP de l'Ain, elle est repérée par Grossetête qui est intéressée par deux qualités d'Ivana Gajic. D'abord sa fonction de responsable régionale des Jeunes populaires : Grossetête tient à s'attacher le soutien des jeunes militants. Bien joué : dans les meetings, ils font la claque à l'eurodéputée. Autre qualité : Ivana Gajic maîtrise parfaitement bien les nouvelles technologies. Lors des européennes, quelques mois plus tôt, elle avait bénévolement promu Grossetête sur Facebook et Twitter. Grossetête finit par la débaucher, en en faisant son attachée parlementaire puis son attachée de presse.

2. Ce qu'ils pensent l'un de l'autre

Emeline Baume et Sylvie Perret ne connaissaient pas leur candidat, mais elles avaient leur opinion. La première a été surprise par son approche des sujets. "Exceptés Buna et Tête, les élus Verts sont souvent terre à terre, ils s'appuient sur le terrain. Lui raisonne au global et n'a pas du coup le même point d'entrée sur les sujets", observe-t-elle. Elle relève aussi sa "grosse culture politique de gauche", marquée selon elle par mai 68 et François Mitterrand.

"Queyranne est conforme aux impressions que j'avais, témoigne de son côté Sylvie Perret. C'est un politique équilibré, avec beaucoup de sans-froid, pas colérique, respectueux de ses collaborateurs". L'inverse est aussi vrai, sa collaboratrice redoublant d'attention à son égard. "Cette campagne, c'est un moment physiquement pénible pour eux, expose-t-elle. Ils ont besoin d'être maternés. Je fais en sorte qu'il y ait le moins de grains de sable possibles". Un exemple : elle s'assure que les salles de presse soient toujours correctement chauffées, pour ménager la voix de sa tête de liste. Emeline Baume bichonne aussi Meirieu : elle le fournit en gâteaux - il aime le sucré -, notamment pour compenser des repas pris à la va-vite ou carrément sautés.

Elle veille surtout à sanctuariser quelques minutes avant les réunions publiques. Une respiration dans l'agenda du leader écologiste, un moment de pause ou de concentration dont il a besoin. Pour Emeline Baume, il faudrait que Meirieu apprenne à s'économiser, par exemple en ne répondant pas à tous les mails qu'il reçoit.

Queyranne, Grossetête et Meirieu ont-ils la même attachée de presse ? A l'instar de ses concurrents, l'écologiste trouve sa collaboratrice "particulièrement agréable, souriante". "J'ai vécu cette campagne de façon tendue. C'est chouette d'avoir auprès de soi quelqu'un qui relativise, qui a de l'humour. Elle a une forme de légèreté lumineuse". De son côté, Grossetête estime aussi que sa collaboratrice "a un relationnel très agréable". "Surtout elle sait garder le calme malgré le stress de la campagne", souligne-t-elle. L'inverse est-il vrai ? Ne pas se fier à son sourire éternel : l'eurodéputée est exigeante. "Quand elle est déçue, elle nous passe une engueulade, mais un quart d'heure après, on boit le café ensemble", relativise la collaboratrice.

Queyranne aussi aime la bonne humeur et le sourire de son attachée de presse : il goûte moins sa conduite. Il relate une virée dans le Beaujolais où Sylvie Perret était au volant, le portable vissée à l'oreille, appuyant férocément sur le champignon, avec un journaliste du Nouvel Obs à l'arrière. "Elle conduit à tombeau ouvert", lâche-t-il, pas encore remis.

3. Quand elles coachent leur candidat

Président sortant bénéficiant d'un staff opérationnel, Queyranne a besoin d'une attachée de presse, pas plus. Il est plus entouré que les autres candidats. Le rôle de Sylvie Perret est donc bien circonscrit, et elle n'empiète pas sur les missions des autres. Cela semble moins évident avec les deux autres attachées.

Novice en politique, Meirieu a eu besoin de coaching. Répondre aux interviews, le pédagogue sait faire. "Mais il avait l'habitude de la presse spécialisée, consacrée à l'éducation. Là, il a découvert des journalistes qui n'étaient pas très tendres avec lui", raconte Emeline Baume.

Même topo pour les débats : il connaissait les échanges courtois et éclairants entre spécialistes. Là il doit apprendre les piques, les effets oratoires, les fausses colères et les emballements sur-joués. "Il faut être vif et incisif. J'avais l'habitude de faire des démonstrations avec 7 sous-parties", plaisante l'intéressé. Au sortir du débat de Lyon Capitale le 6 janvier, il était déçu. Son attachée l'a rassuré. "Il a bien intériorisé le fait de répondre à une question par une proposition et/ou un exemple vécu dans la semaine", relève-t-elle. Point négatif : sa façon de se tenir. "Il a tendance à être courbé quand il n'a pas une table face à lui".

Grossetête, elle, est rodée à la vie politique. C'est une pro qui connaît les campagnes. Comme Meirieu, elle pêche cependant en maîtrise des dossiers, faute d'être une conseillère régionale sortante. "Elle ne peut pas avoir la même technicité que Jean-Jack Queyranne qui a dirigé la Région pendant six ans. Mais elle a un regard neuf", déclare Ivana Gajic. Celle-ci aide la candidate à bachoter. Comme les autres membres du staff de l'UMP, elle l'abreuve de notes, comme lors du week-end précédant le débat organisé par Le coup de Grâce consacré à la culture. L'attachée de presse UMP propose aussi des jeux de rôle à Grossetête : elle campe le rôle du journaliste tatillon et la soumet à une batterie de questions. "C'est un exercice où elle est très à l'aise, plus que le débat où elle se sent chronométrée".

Philippe Meirieu est lui aussi aidé : "Quand il ne connaît pas bien un sujet comme l'agriculture, il se l'approprie très vite à la suite d'une discussion", affirme Emeline Baume. "Elle assure une revue de presse très précieuse sur chaque sujet", indique Meirieu.

Le 21 mars, Ivana, Emeline et Sylvie pourront souffler. Après le sprint de l'élection, brusquement leur quotidien se relâchera. Souvent les attachées méritantes gagnent leur embauche, dans un cabinet ou auprès d'un groupe politique. Emeline Baume qui occupait déjà cette fonction, devrait retrouver son poste auprès du groupe écologiste à l'assemblée régionale. Ivana restera aux côtés de Françoise Grossetête, comme attachée parlementaire. "La campagne est trop intense pour penser à l'après", balaie-t-elle de toute façon. Quid de Sylvie Perret ? "Il ne m'a rien promis", affirme cette chef d'entreprise qui semble attachée à son indépendance. Queyranne lui proposera-t-il un poste ? Pas celui de chauffeur, en tous cas.

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