Renouvellement des listes ou comment les partis se débarrassent des sortants

ANALYSE - UMP/PS/Europe Ecologie : tous présentent un taux important de nouveaux candidats, de 50, de 60%. Renouveler, c'est le leitmotiv des listes aux régionales, qui doivent, du coup, faire place nette. Nombre de conseillers régionaux ont été remerciés. Récit.

La parité, obligatoire, n'est plus un enjeu. En revanche, afficher une liste renouvelée tient lieu de discours, avant même que le programme ne soit rendu public. C'est une belle vitrine, comme présenter des candidats issus de la diversité ou de la société civile. D'aucuns pourraient renverser l'argument et ériger en vertu une liste d'élus chevronnés, expérimentés, fins connaisseurs de la région et de son évolution. Mais non une liste pleine de sortants, c'est négatif.

Alors la plupart des listes renouvellent, de 50, de 60% sur des rangs éligibles. Problème : pour afficher pareille performance, il faut libérer des places. En remerciant des sortants, qui pour le coup portent parfaitement bien leur nom. "Ca n'arrive pas à quelqu'un qui a fait un super boulot", nuance toutefois un élu de gauche.

Ceux qui passent volontairement la main...

Heureusement pour les états-majors, nombre de conseillers régionaux ne souhaitent pas rempiler. "Un certain nombre ont renoncé après avoir été élus aux municipales de 2008", explique Hervé Saulignac. Exemples : Roger Fougères, élu à Villeurbanne et Christian Avocat, président de l'agglomération roannaise. "Ceux-là nous facilitent grandement la tâche", souffle Jean-Claude Carle, président du groupe UMP au conseil régional.

Yvon Deschamps, 67 ans, va glisser doucement vers la retraite. Il reste en effet président de Grand Lyon habitat, un poste qui n'a rien d'honorifique. "Je veux profiter du temps qui me reste. Mon épouse, Martine Roure, n'a pas souhaité être réélue députée européenne donc je suis incité à alléger mon emploi du temps. Autre raison : je suis conseiller régional depuis 1986. Il est temps de passer la main", témoigne-t-il. Toutefois - et Yvon Deschamps le reconnaît à demi-mots -, il a failli revenir sur sa décision. "Jusqu'au bout, il a espéré qu'on vienne le chercher", souffle un de ses collègues.

...et ceux qui s'accrochent à leur fauteuil

Beaucoup d'élus s'accrochent à leur fauteuil : il faut clairement leur montrer la porte de sortie. Yvon Deschamps, et ses 67 ans, est un jeunot à côté d'Albert Rosset, le doyen de l'assemblée sortante avec ses 83 printemps. Ce conseiller régional frontiste était volontaire pour rempiler. Il avait proposé de poursuivre puis de s'effacer à mi-mandat : peine perdue, on l'a sommé de raccrocher. "Il va s'occuper d'une association d'anciens", plaisante un élu.

Un de ses collègues, Jean-Pierre Barbier, est chef d'entreprise. A l'emploi du temps bien chargé. On a dû le convaincre de passer la main. "Il est tout à fait capable de mener une campagne, par exemple pour les législatives, moins de détenir un mandat de six ans et d'assurer une présence sur un territoire", observe Bruno Gollnisch. Toutefois, le FN n'a pas fait de grand ménage. La totalité de ses têtes de liste sont des conseillers régionaux sortants. "Notre objectif, c'est trois mandats pas plus, confie le vice-président du FN. Ce n'est pas une règle absolue. La preuve : j'en ai fait plus (ndlr : il est conseiller régional depuis 1986). Mais je me serais bien appliqué ce principe à moi-même". Aucun n'a cependant souhaité le remplacer.

"Le sentiment qu'on les enterre"

Remercier un élu n'est pas chose facile. "C'est un déchirement de se séparer de ses collègues. C'est tout de même plus facile d'annoncer une naissance que de présenter ses condoléances", compare Jean-Claude Carle. L'image n'est pas anodine : certains recalés "ont le sentiment qu'on les enterre", selon Bruno Gollnisch.

Alors ils se battent, et très en amont. "Certains ont rencontré Grossetête, lui ont passé des coups de fil, envoyé des mails", raconte Sébastien Girerd, directeur de campagne de l'UMP. Un intense travail de forcing, de lobbying personnel. Peine perdue : c'est surtout la commission d'investiture nationale qui accordait le précieux sésame. "Je suis capitaine de l'équipe, pas Domenech", confirme Jean-Claude Carle.

"Ils veulent sauver leur peau, alors à l'approche de la campagne ils ont appelé tous ceux qui comptent dans le parti, dénigrant ceux qui leur ont été préférés", cafte Hervé Saulignac (PS). Pour faire passer la pilule, on promet de penser à eux pour des échéances futures, cantonales, sénatoriales ou même législatives.

A la différence de l'UMP et du FN (s'il dépasse les 10%), la liste PS de 1er tour ne sera pas la même au second tour. Entre temps, viendront se rallier le Front de Gauche, Europe Ecologie (si les écologistes sont bien derrière les socialistes) voire le NPA. D'où la nécessité pour Queyranne et son équipe de faire de rétrograder en position non éligible des élus qui pour l'instant sont en bonne place. C'est le cas d'une jeune femme issue de la société civile. "En plus, nous étions vraiment allés la chercher", raconte, penaud, Hervé Saulignac.

Une pépinière de futurs élus

Si les listes s'attachent tellement à renouveler, ce n'est pas seulement pour le marketing politique. Ce sang neuf, c'est aussi une pépinière pour les partis. De jeunes élus qui font leurs armes et prennent de l'épaisseur. "Surtout que le mandat ne va durer que quatre ans", note Jean-Claude Carle. En ligne de mire les cantonales de l'an prochain ou les législatives de 2012, au scrutin uninominal. Là les candidats devront se faire élire sur leur nom propre.

Curieusement, pour les mêmes raisons, d'autres abandonnent leur mandat régional. Ces sortants n'ont pas besoin d'un tremplin. "Ils souhaitent dégager du temps pour travailler leur territoire", explique Sébastien Girerd. Et accessoirement se poser en pourfendeur du cumul des mandats. Un autre argument qui passe très bien auprès des électeurs.

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