Le ministre de l’économie, invité (presque) surprise d’un grand débat. ET/Lyon Capitale

Rhône : un grand débat apaisé avec Bruno Le Maire

Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, était l’invité (presque) surprise d’un grand débat à Craponne lundi 4 mars, sur une initiative du député Thomas Gassilloud (LREM). Immersion dans une soirée constructive, mais pas forcément représentative.

Sol gris, murs blancs, chaises noires autour d’une scène centrale, la lumière nette des quatre spots est éblouissante. Ici tout le monde semble se connaître : on s’appelle par son prénom, on se tutoie. 160 places sont prévues. C’est finalement 230 personnes qui viennent faire salle comble. Cinq gilets jaunes s’installent au fond. Une autre partie du public s’agite, enthousiaste à l’idée d’un “invité“ annoncé par l’animateur de la soirée. Une phrase attrapée à la volée à l’entrée ne trompe pas : “Ça fait bien dix ans que l’on n’a pas reçu un ministre“. “Si ce n’est pas spontané, ça ne vaut rien“, chuchote une dame à sa voisine quelques minutes avant le grand débat prévu lundi 4 mars. Malgré l’accueil chaleureux de l’équipe du Conseil des Circonscriptions, une partie de la salle des fêtes de Craponne paraît sceptique et personne n’est dupe de ce qui est encore présenté comme une surprise.

Première soirée d’un marathon de grands débats à travers le département du Rhône, l’initiative revient au député LREM, Thomas Gassilloud (Xe circonscription). Tous les maires des villes aux alentours sont présents ainsi que David Kimelfeld, le président de la métropole de Lyon : “Je suis venu pour écouter“. Il reste pourtant une chaise vide entre lui et le député alors que le débat commence. 1min30 par proposition, pas plus. Composé majoritairement de retraités, le public écoute d’une oreille distraite, car le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, vient de surgir du fond de la salle avec ses équipes, et est allé s’asseoir au premier rang. Une pause s’impose, la prise de parole est interrompue, l’animateur salue le ministre. La soirée peut vraiment débuter.

Le débat reprend, il est 21h. La salle ressemble de plus en plus à un plateau de télévision. Les gilets jaunes du fond de la salle s’agitent. Dans un premier temps, plusieurs participants défendent le gouvernement et la majorité. Presque toute la salle leur paraît acquise.

-“Pourquoi un RIC (Référendum d’initiative populaire) ? On vote tous les cinq ans : c’est trop !

(Huées timides dans l’assemblée)

-Donc vous proposez un retour au septennat ? interroge l’animateur,

-Je ne sais pas, mais dans une démocratie participative on doit accepter les choix de la majorité. » (Applaudissements)

L’attention du public est tangible et les prises de paroles contrastées. Certaines, très argumentées sont interrompues faute de temps. Les participants se répondent, débattent. Les discussions semblent apaisées. L’ambiance change lorsque le sujet des retraites est abordé. Certains témoignent de leurs difficultés quotidiennes avec émotion. “Ras le bol de la CSG, je vais bientôt aller aux Restos du cœur“ lance une retraitée. “On n’a pas un débat constructif parce que vous ne nous écoutez pas“ reproche-t-elle au ministre qui réplique en rappelant les corrections d’Emmanuel Macron en pleine crise des “gilets jaunes“, relevant le seuil pour les petites retraites. “On désire la libération du peuple. On veut retrouver notre souveraineté“ crie un gilet jaune à travers la salle. Place des élus, besoin des citoyens de s’exprimer plus souvent, transition écologique, fiscalité étouffante, prix des carburants, difficultés des agriculteurs, projet européen, les sujets s’enchaînent. Bruno Le Maire répond à chaque intervenant.

La mâchoire serrée et s’exprimant sur un ton ferme au début du débat, le ministre de l’Économie paraît paradoxalement de plus en plus à l’aise malgré un public davantage critique. Les attaques se font peu à peu virulentes : “C’est facile pour vous. Vous gagnez combien ? “. Impassible, Bruno Le Maire appelle ses contradicteurs par leur prénom. “Vous savez Céline, les politiques ont aussi des familles, des amis. Ils voyagent et prennent leurs voitures au moins le week-end. Il n’y a pas “les politiques et nous“, il y a les Français. Et il faut renouer un dialogue permanent. “ L’équipe chargée de distribuer le micro accélère le rythme. Derrière le public, les conseillers du ministre paraissent s’inquiéter de l’heure. Il est déjà 23h quand Bruno Lemaire critique “le concours Lépine des propositions fiscales, venant parfois même [du] gouvernement“ ; faisant implicitement écho à l’idée d’un impôt sur le revenu pour tous, avancée en février par la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.

En dépit des désaccords, chacune de ses interventions est applaudie. Certaines plus que d’autres, comme lorsqu’il évoque la nouvelle taxe “à 3% sur le chiffre d'affaires des géants du numérique, réalisé en France à partir du 1er janvier 2019“.

Avant le buffet, le débat se clôt à 23h30 sur un sondage à main levée par un journaliste de France 3 Rhône Alpes sur l’intérêt du débat. Si tous les participants ne sont pas convaincus par les propos du ministre, la plupart croient en l’utilité de ces discussions, à l’image de Rémy, gilet jaune, qui en est à son 3e grand débat. Reste encore à convaincre les absents, ceux qui battent le pavé chaque samedi.

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