Saint-Etienne se bat contre ses actifs toxiques

La Deutsche Bank réclame 1,2 million à la ville qui l'assigne en justice. La Seine-Saint-Denis pourrait attaquer Dexia.

Les "emprunts toxiques" contractés avant la crise financière par de nombreuses villes donnent des maux de tête aux élus et aux citoyens. Début avril, Saint-Etienne a eu un avant-goût, amer, de ce qui attend ces communautés locales dans les prochaines années. Elle a reçu une facture surprise de 1,2 million d'euros de la Deutsche Bank. Le taux d'intérêt du prêt conséquent a explosé, passant de 4% à 24 % !

Saint-Etienne connaît la même situation qu'un grand nombre de municipalités en France et dans le reste de l'Europe. Pour alléger le poids de sa dette, elle a été séduite par des produits financiers aussi complexes qu'alléchants. Des "actifs toxiques", véritables bombes à retardement.

"Ce système peut être très dangereux", avouait en octobre 2008 le nouveau maire PS de Saint-Etienne, Maurice Vincent. Les finances de la ville demeurent malades, même si l'administration municipale a réussi à faire diminuer de 70% à 47% la part de sa dette qui relève d'actifs toxiques. Le premier avril, la Deutsche Bank lui a envoyé une facture salée de 1,2 million d'euros. D'un jour à l'autre, le taux d'intérêt sur un prêt de 20 millions d'euros est passé de 4% à 24%, affirme Dominique Damian. La responsable de la communication du cabinet du maire explique que la ville avait misé sur un produit financier, un swap, qui se basait sur une forte livre sterling face au franc suisse. Mauvais pari spéculatif. Depuis deux ans, la monnaie britannique s'est fortement repliée.

Pour Saint-Etienne, les conséquences sont graves. Ce changement subit du taux d'intérêt, constitue une dépense additionnelle de 3,7 millions d'euros par an (l'équivalent d'une augmentation des impôts de 4%). Pour échapper à ce piège spéculatif, la ville pourrait payer 18 millions d'euros à la Deutsche Bank. Mais Saint-Etienne a plutôt décidé de résister. "On ne paie pas puisque l'on a assigné la banque en justice [pour obtenir l'annulation du contrat, ndlr]", répond Dominique Damian.

Les taux d'intérêt futurs inconnus

La ville est aussi en négociation avec d'autres banques pour éponger ses actifs toxiques, dont Dexia, géant du financement public en Europe. En cas d'échec, d'autres actions en justice seront engagées.

Dans les années 2000, de nombreuses collectivités locales ont misé sur ce genre de produits financiers. Le maire Maurice Vincent expliquait à Rue89 : "Nous avons un certain nombre d'emprunts pour lesquels les taux d'intérêts sont faibles durant quelques années. On en a même un qui est à zéro pour cent, c'est un vrai miracle !". Mais après quelques années, la ville peut perdre le contrôle. "Les taux d'intérêts qui sont supportés par notre ville à partir de 2011 sont, pour une grande part, inconnus", avouait-il. A présent, les effets secondaires de ces prêts, intéressants à court terme mais risqués, commencent à se faire sentir. À Saint-Etienne, les impôts municipaux ont augmenté de 7,5% en 2009 et de 2% cette année.

Même situation en Seine-Saint-Denis

Le conseil général de Seine-Saint-Denis connaît des problèmes similaires. Les emprunts toxiques constituaient la quasi totalité des emprunts du département en 2008 (94%). Même si le département a réussi à faire diminuer la part de ce poison à 74 %, un problème de taille se dessine à l'horizon. La banque Dexia, qui a prêté le reste de ces actifs toxiques, demeure inflexible et refuse de renégocier. En juin, les taux d'intérêt de cet emprunt pourraient exploser, comme pour Saint-Etienne.

"C'est assez probable que Claude Bartolone [le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, ndlr] porte plainte", affirme son attachée de presse Marriane Zalc. Un recours en justice qui pointerait le manque d'information fournie par la banque. Mais avant de passer à l'action, il attend le rapport du médiateur Eric Gissler, qui doit déposer ses conclusions et pistes de solutions à la mi-mai.

Les problèmes de Saint-Etienne et du conseil général de Seine-Saint-Denis ne sont que deux exemples parmi d'autres. Selon Bloomberg, plus de 1 000 municipalités en France détenaient des prêts risqués en 2009, pour une valeur approximative de 11 milliards d'euros.

Gaétan Pouliot

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