Manifestation extrême gauche place des Terreaux
Moran Kerinec

Soirée électorale : l’extrême gauche joue à cache-cache avec la police

L’“assemblée de lutte” avait appelé à manifester contre le résultat de l’élection présidentielle ce dimanche 7 mai à 20h sur la place des Terreaux. La place ayant été rapidement évacuée, les manifestants ont joué au chat et à la souris avec les forces de l’ordre toute la soirée dans les pentes de la Croix-Rousse.

L'extrême gauche manifeste contre l'élection présidentielle place des Terreaux.

Moran Kerinec
L'extrême gauche manifeste contre l'élection présidentielle place des Terreaux.

En bordure de la place, d’importantes forces policières attendent les manifestants de pied ferme ce dimanche 7 mai à 20h. Onze bus de CRS, un canon à eau et trois motos de police ont été déployés. Une voiture de patrouille circule aux alentours, attentive aux rassemblements. À l’intérieur des fourgonnettes, les CRS en combinaisons renforcées prennent leur mal en patience, regardant de loin la foule s’étoffer. Par petits groupes, des membres des Jeunesses communistes, des étudiants, des anarchistes, quelques lycéens et des curieux de tout âge ont investi la place sous l’œil goguenard des clients en terrasse.

Les résultats électoraux à peine tombés, des cris s’élèvent de la place des Terreaux : Macron, démission !, Capitalistes, fascistes, démission ! Lunettes rondes et blouson en cuir, Alex est venu au rassemblement de la place des Terreaux pour protester contre [le] système qu’il juge antidémocratique. Mais pour l’heure les manifestants restent relativement calmes, seuls quelques slogans sont chantés par à-coups. On attend de voir ce qu’il se passe, je pense que les gens sont en train de digérer la soirée. On verra bien comment la manifestation progresse. Pour Gisèle, sexagénaire à la veste multicolore, l’abstention n’a pas été suffisante. En tant qu’anarchiste, je suis déçue, confie-t-elle à Lyon Capitale. Bon, je suis venue ce soir pour être avec les jeunes et les moins jeunes, montrer qu’on a une voix et qu’on ne la fera pas taire.”

La place des Terreaux verrouillée par le dispositif policier

Plus de 300 personnes sont alors réunies, dans une ambiance relativement calme, place des Terreaux. L’atmosphère s’échauffe à l’arrivée des camions de gendarmerie venus renforcer le dispositif policier. Sous les huées de l’assemblée, les CRS forment des cordons aux quatre coins de la place, et redéploient le canon à eau en direction des quolibets. La vérité, il y a plus de flics que de manifestants, glisse une jeune femme à son ami. Dans la foule, deux fumigènes, rapidement éteints l’un et l’autre, ont été allumés. Deux autres ont été jetés à proximité d’un mur de CRS. Accrochée à la grille de l’hôtel de ville, une banderole “Face à Macron et au capital, Lutte Sociale” est maltraitée par la pluie et le vent.

Des fumigènes ont été allumés sur la place des Terreaux par des militants de l'extrême gauche.

Moran Kerinec
Des fumigènes ont été allumés sur la place des Terreaux par des militants de l'extrême gauche.

“On va s’évacuer tranquillement, lance un des organisateurs.C’est ça, oui… On va plutôt se regrouper sur l’esplanade de la Croix-Rousse, murmure un militant. Tranquillement, des petits groupes s’éloignent par le chemin contrôlé par les forces de l’ordre. Exception faite au croisement de la place des Terreaux et de la rue Paul-Chenavard où une centaine de manifestants, bloqués par les forces de l’ordre et un deuxième canon à eau, ordonnent aux policiers impassibles de les laisser passer. Tout ça pour ça ? déplore une militante du Parti communiste devant la place vide. Forcément, avec un dispositif aussi impressionnant et les deux canons à eau, ça calme, confie un CRS.

Cache-cache à la Croix Rousse

“Il y avait une manifestation d’extrême gauche place des Terreaux, déclare le préfet Henri-Michel Comet au même moment. Le mouvement a donné ordre de dispersion, il y a trente minutes. Certains ne l’ont pas suivi et les policiers sont intervenus. L’objectif est de les contrôler pour qu’ils n’aillent pas à Bellecour et vers les QG des candidats. Mais les manifestants ont d’autres idées en tête : On va aller foutre le zbeul [le bazar] dans les pentes de la Croix-Rousse !”

L’impulsion enfin donnée, le cortège qui regroupe plus de 200 personnes s’engage en direction du Gros Caillou. Les manifestants scandent en chœur Lyon ! Debout ! Soulève-toi ! De leur fenêtre, quelques familles regardent passer l’attroupement. Jeune étudiante, Alissa affiche entre deux slogans son vote nul : “Ce système est foireux. Je n’ai pas l’impression de vivre en vraie démocratie. Nous sommes forcés de voter pour des candidats prédéterminés avec les mêmes agendas politiques. C’est pour ça que nous sommes là ce soir, pour montrer qu’on existe et qu’on se laissera pas faire.”

Deux casseurs brisent les vitres d’un abri-bus sur le chemin du cortège. “Vous êtes cons ! C’est nous qui allons le payer, ça ! les apostrophe une jeune femme. Avec quelques minutes de retard sur la manifestation sauvage, plusieurs fourgonnettes de police talonnent les manifestants. La colonne est finalement dispersée à grand renfort de gaz lacrymogènes rue Neyret. “J’ai connu des désodorisants plus parfumés”, plaisante un anarchiste, les larmes aux yeux derrière son foulard. Provoqué par un manifestant isolé, un CRS lui lance un lacrymogène qui atterrit aux pieds des clients du bar L’Atmo et les force à se réfugier à l’intérieur.

En bas des Pentes, une vague d’arrestations aura brisé le dernier élan de la manifestation. Peu avant minuit, une quarantaine de manifestants sont “nassés” par les CRS sur le quai Saint-Vincent. Ils en sortiront dans le calme, après avoir été contrôlés un par un par les CRS. Les dernières poches de résistance se dissolvent alors peu à peu, en direction des bars pour les uns, des lits pour les autres. “Être là ce soir, c’était montrer [que Macron] n’a pas notre consentement, lâche Isham, étudiant à l’université Lyon 3. On va voir comment il gère les gens qui manifestent, ça nous dira qui il est vraiment.”

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