Olivier Ginon avec le maire de Lyon, Gérard Collomb, en 2013 © Tim Douet
Olivier Ginon avec le maire de Lyon, Gérard Collomb, en 2013 © Tim Douet

Subvention du LOU : comment la ville de Lyon a joué “contre ses intérêts”

Charges supportées par la ville de Lyon, redevances sous-évaluées, non réclamées par la municipalité et non payées par le club, “manque de transparence”, le rapport de la chambre régionale des comptes tacle sévèrement la gestion par la ville de Lyon des déménagements successifs du LOU Rugby à Vénissieux et à Gerland.

Dans un rapport qui sera présenté ce lundi au conseil municipal de la ville de Lyon, la chambre régionale des comptes a critiqué la gestion par la ville de Lyon des deux déménagements successifs du Lou Rugby, d'abord à Vénissieux en 2011, puis à Gerland en 2016. Dans leurs conclusions, les magistrats écrivent que “la ville a peu protégé ses propres intérêts financiers” en mettant “à disposition des biens relevant du domaine public”. Explications.

Printemps 2011. le Lou Rugby est proche d'obtenir sa montée en Top 14, l'élite du Rugby français. Jusqu'ici le club d'Olivier Ginon évoluait au stade Vuillermet dans le 8e arrondissement de Lyon. Une enceinte de 4000 places trop petite pour les ambitions du club lyonnais. La municipalité propose alors un terrain situé Plaine des Jeux des États-Unis à Vénissieux pour construire un stade modulaire via un bail emphytéotique (de très longue durée, Ndlr) de 18 ans. Un “loyer” annuelle de 209 000 euros révisable est fixée. Le montant des travaux est annoncé à 9 797 000€. Selon la chambre, “dès l'origine, le bail contient des clauses contradictoires au détriment des intérêts de la ville”. D'une part, la collectivité “attribue des droits réels (au LOU, NdlR) pour une durée de 18 ans”. D'autre part, “elle souhaite que le club quitte le stade de Vénissieux pour s'installer à Gerland dès le départ de l'Olympique lyonnais”. Mercredi dernier, lors de la présentation du rapport de la CRC, Gérard Collomb a expliqué avoir signé un bail de 18 ans à Vénissieux “parce qu'il y avait un débat sur l'installation de l'OL sur le terrain du Grand Montoux et parce qu'il s'agit de la durée minimale d'un bail emphytéotique”. Quant à la clause de déménagement inséréé au bail, le maire de Lyon a expliqué ne “pas avoir voulu avoir un stade de Gerland vide”, parce que le LOU Rugby “était libre de construire son stade où il le voulait”.

Très cher déménagement

Après seulement cinq ans d'occupation, ce qui devait arriver arriva. L'OL déménage à Décines et Gerland se retrouve vide. Le 13 décembre 2016, la ville de Lyon résilie le bail du LOU à Vénissieux pour “un motif d'intérêt général tiré de la valorisation et de l'optimisation des grands équipements sportifs lyonnais” et conclut un nouveau bail à Gerland. Une opération qui n'est pas à somme nulle puisque la collectivité va verser 11,8 millions d'euros. Un montant bien supérieur aux plafonds prévus par le code du sport : 1,6 M€ par an. La CRC souligne une nouvelle fois que la ville a joué contre ses intérêts : “Cette résiliation s'est ainsi effectuée dans des conditions peu protectrices des intérêts de la ville qui a notamment indemnisé des investissements auxquels elle a consenti tardivement”. Une référence à la construction par le LOU d'une tribune en 2014 pour 2,6 M€. Faute d'amortissement dans le temps, la municipalité a supporté ces travaux à hauteur de 2,2 M€. Les magistrats notent par ailleurs que sur la somme totale versée par la ville, “une part importante des travaux indemnisés ont été réalisés par des entreprises appartenant au même groupe”. Ces entreprises sont celles des trois actionnaires principaux du LOU, Yvan Patet (EM2C) pour 800 K€, Guy Mathiolon (SERFIM) pour 3,5 M€ et Olivier Ginon (GL Events) pour 7,3 M€.

Le LOU mauvais payeur ?

La chambre note par ailleurs que pendant les cinq années d'occupation du LOU Rugby à Vénissieux, le club n'a pas été un très bon payeur et la ville de Lyon n'a pas été un créancier proche de ses sous. En effet, “la ville n'a émis aucun titre à l'encontre du LOU entre le 23 juin 2011 et le 2 juillet 2014”. La municipalité évoque “une erreur détectée en 2014”. Quant au club, “il ne s'était pas manifesté entre-temps pour s'acquitter de la redevance de 209 000€”. Le LOU fait finalement son 1er versement semestriel de 90 000€ en mars 2015, “soit un montant inférieur à une échéance pour un semestre”, note le rapport. Finalement, à la date de résiliation du bail sur plus d'un million d'euros “dus à la ville” pour l'occupation du stade, le club n'en aura payé que 457 000€. “La ville a ainsi supporté, pendant plusieurs années, les difficultés de trésorerie du LOU Rugby”, déplore la CRC.

Un nouveau jardin pour le LOU

Le LOU s'installe finalement à Gerland en 2016. Le conseil municipal de Lyon officialise le déménagement le 4 juillet 2016. Un bail de 60 ans à compter du 1er janvier 2017. Un programme d'investissement à réaliser sur les 10 premières années est inscrit au bail pour un montant de 46M€ puis 20 millions d'euros sur les 50 ans restants. Un “loyer” annuel de 300 000 €HT ré-évaluable est aussi fixée. Cette redevance “respecte l'avis du Domaine” daté de juin 2016, écrit la chambre. Cependant, cet avis a été émis sur la base d'un plan local d'urbanisme (PLU) qui “n'autorisait les constructions, travaux à destination d'hébergements hôteliers et de restauration”. Ce PLU est révisé par la métropole de Lyon le 29 août 2016 et approuvé en mars 2017 pour prendre en compte d'autres activités comme celles liées “au commerce, la location d'immeubles à usage de bureaux, de commerce ou d'habitation et les activités événementielles”. La ville ne sollicite pas de nouveau l'avis du Domaine pour actualiser la valorisation de l'occupation au vu de ces nouvelles activités rendues possibles. Alors que les usages du terrain avaient changé, le loyer lui n'avait pas bougé.

Si l’on n'avait pas été dans les conditions d'un bail emphytéotique, il aurait fallu, pour avoir un club de rugby qui joue dans des conditions correctes, que nous déboursions nous-mêmes les sommes nécessaires à l'investissement réalisé”, a plaidé Gérard Collomb la semaine dernière. Le maire de Lyon a pris pour exemple les travaux de couverture de Gerland pour l'Euro 84 de football qui “avaient coûté 43 millions d'euros à la ville de Lyon”.

Le LOU pas meilleur payeur à Gerland

En retard sur ses créances à Vénissieux, le LOU l'est tout autant à Gerland. “À la date du 2 septembre 2019, note le rapport, la ville de Lyon n'avait émis aucun titre à l'encontre du LOU pour le paiement de la redevance variable”. La ville a répondu aux magistrats “que des analyses complémentaires étaient nécessaires pour déterminer le montant de cette redevance pour 2017.” Pourtant, la ville n'a infligé aucune pénalité de retard au club “contrairement à ce qui est prévu par le bail”, conclut la chambre.


En plus : À qui vont profiter “Les Jardins du LOU” ?

La ville de Lyon a autorisé en mars 2018 la cession partielle de droits à construire par le LOU à six SCI (Sociétés civiles immobilières) détenues à 99% par la foncière Polygone, détenue par Olivier Ginon, et 1% par le club dans un projet appelé “Les jardins du LOU”. Un dossier dont vous avez parlé Lyon Capitale en juin 2018 (lire ici). Une cession là encore approuvée par le conseil municipal de la ville de Lyon alors que celui-ci, notent les magistrats, “était dans l'impossibilité de s'assurer que le club sportif demeure le véritable bénéficiaire des investissements portés par les six SCI et que les recettes prévisionnelles n'étaient pas connues”. Selon la chambre, deux ans après l’approbation de cette délibération, alors “que les “Jardins du LOU” ne sont pas encore commercialisés et que l'assiette de calcul des redevances est limitée, la ville rencontre déjà des difficultés à contrôler la bonne application de la clause”. Les magistrats se demandent même comment la ville réussira à procéder “à la liquidation des redevances” auprès des six SCI et du LOU Rugby ?” Gérard Collomb a estimé “l'opération équilibrée” vis-à-vis du montant des travaux engagés par le LOU Rugby sur le stade de Gerland.


 

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