Le célèbre homme de télé, devenu l'un des plus proches de François Bayrou, sort Une marche dans le siècle, un livre qui dévoile son parcours et explique ses convictions.
François Bayrou que vous soutenez, a tenu des propos assez durs sur l'indépendance des médias...
C'est une question de concurrence et de pluralité. François Bayrou questionne : "Des groupes de presse qui font une partie importante de leur chiffre d'affaires sur des commandes d'Etat* sont-ils totalement libres de critiquer cet Etat quand c'est nécessaire ?" C'est une bonne question parce qu'il s'agit d'un frein porté à la démocratie. Ce n'est pas à vous, Lyon Capitale, que je vais l'apprendre.
Que pensez-vous du système d'aide à la presse ?
Il ne devrait y avoir aucun lien entre l'aide à la presse - quelle que soit sa forme - et l'action politique. Ce devrait être distribué, régi et géré par un Institut neutre. Si la vie démocratique est sous influence, ce n'est plus la démocratie. D'autre part, quand un homme politique se met à juger tel ou tel journal, à émettre des jugements de qualité, c'est désastreux !
Vous avez une double expérience, d'homme de média et d'homme politique. Que vous ont appris ces deux univers ?
La chose fondamentale c'est que pour bien traiter un problème, l'exprimer publiquement, et un jour le diriger, il faut être bien informé. Avec la spectacularisation des médias, on retient les petites phrases plus que les analyses. On ne peut pas continuer comme ça.
Pourquoi la télévision ne s'intéresse-t-elle pas plus à l'Europe ?
La France est très égocentrée et la pédagogie de l'information sur l'Europe est extrêmement faible. La presse écrite en parle plus que la radio, et la radio, plus que la télévision. Ça s'explique par des choix éditoriaux mais aussi parce que l'Europe n'est pas très présente dans les discours des politiques. Il y a une sorte d'alliance du silence. L'autre contradiction c'est que 60% des lois auxquelles nous obéissons sont imaginées et votées à Bruxelles et simplement transposées à Paris. Toutes ces lois sont passées sous silence. C'est un déficit démocratique important.
Comment trouvez-vous le candidat Sarkozy sur l'Europe ?
En homme très concret, il est sur la bonne voie dans la recherche d'une solution, mais c'est insuffisant. A l'UDF, nous sommes nettement plus européens. Il faut relancer la construction européenne car si nous n'avancons pas, l'Europe va se détricoter très vite. Et la France sans l'Europe, c'est 1 emploi sur 3 en moins, c'est même une dévaluation catastrophique de notre pouvoir d'achat de l'ordre de 15 à 20%. Il faut arrêter de dire des bêtises comme le font les extrèmes. Il faut ouvrir les yeux.
Vous reconnaissez-vous dans l'expression "extrême-centre" ?
Totalement, c'est moi qui l'ai créée il y a 4, 5 ans ! L'extrême-centre, c'est aller à l'extrémité des problèmes, ne pas les effleurer. Et sur des dossiers de grande gravité, mettre la droite et la gauche autour de la table. L'immigration illégale pourrit le sentiment du bien vivre ensemble et déséquilibre la société. Il faut organiser un Grenelle de l'immigration. Et aussi un Grenelle social, sinon, on ne réformera pas par peur de la rue. Et les caisses seront vides un jour.
Qu'est-ce qui vous rapproche le plus de François Bayrou ?
C'est un européen total et convaincu. C'est la chose la plus importante pour moi dans la vie. Vous le verrez dans mon livre, je suis un enfant de la guerre, qui a vu sa famille dispersée. On a fusillé des résistants sous mes yeux et j'ai toujours craint les conflits en Europe. Et puis François (Bayrou) s'est lancé depuis quelques années dans une analyse assez radicale de ce qui ne marche pas en France et j'ai la même analyse. Il faut rétablir la démocratie et le Parlement, tout en redessinant un contrat économique et social.
A la marche du centre
Jean-Marie Cavada, né en 1940, a été notamment présentateur du journal de 20 heures et chef du service de politique étrangère de 1972 à 1975 sur la deuxième chaîne. Il a participé à la création de la Cinquième avant de devenir directeur d'antenne chargé de l'information et de la programmation à France 2 (1990-1999). De 1990 à 1999, il est le célèbre producteur-animateur de La marche du siècle. Il a été aussi administrateur de l'ENA et de l'AFP... avant d'être élu en 2004 député (UDF) au Parlement européen où il est Président de la Commission des Libertés civiles de la Justice et des Affaires extérieures.
Ça marche pour lui
Dans Une marche dans le siècle, l'ancienne figure de la télévision raconte sa vie et le parcours qui l'ont mené à être aujourd'hui un européen convaincu, un proche de François Bayrou et un de ses plus fidèles soutiens à l'élection présidentielle. L'ouvrage est déjà un très gros succès de librairie.
Lyon Capitale Semaine du 5 décembre 2006 - N°595