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Sytral : Collomb et Rivalta défendent le "juste prix"

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Réagissant au rapport de la chambre régionale des comptes, le président du Sytral et le maire de Lyon ont soutenu le fonctionnement de la commission d'appel d'offres, pourtant épinglé par les magistrats. "Le Sytral, comme son président, n'est pas au-dessus des lois", a attaqué Denis Broliquier.

Un signe ne trompe pas : Gérard Collomb était là. Le président du Sytral sait qu'il peut compter sur lui. Aux moments critiques, il est toujours sur sa gauche, se muant en avocat. Ce jeudi, les élus prenaient connaissance du rapport de la chambre régionale des comptes. Un moment potentiellement pénible pour Bernard Rivalta, notamment après l'affaire de ses indemnités indûment perçues. Et pourtant, le rapport n'est pas si dur que cela. Il fallait voir son air calme, sa petite chemise bleu azur pour comprendre que son humeur était au beau fixe.

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"Ces modalités de notation ne servent pas les intérêts du Sytral"

Le document souligne notamment la bonne situation financière du syndicat des transports en commun lyonnais. Les charges d'exploitation et l'endettement sont stables (respectivement 390,6 millions d'euros et 1 255 millions d'euros) et l'épargne brute est en augmentation (elle passe de 114 millions d'euros en 2005 à 203 millions d'euros en 2009).

Mais voilà, le rapport de 75 pages revient sur des dysfonctionnements au sein de la commission d'appel d'offres. Les magistrats recommandent de mettre un terme aux modalités de notation du critère prix, en fonction de l'estimation du maître d'œuvre. "Ces modalités de notation, outre leur caractère juridiquement contestable, conduisent à des incohérences et ne servent pas les intérêts du Sytral." Révélé par Lyon Capitale, ce système de notation a permis à une entreprise qui présentait l'offre la plus chère (1 069 000 euros) de remporter un appel d'offres alors que ses concurrents se positionnaient entre 499 000 euros et 817 000 euros. Pour obtenir la meilleure note, il suffisait de se rapprocher le plus possible de l'estimation du maître d'œuvre, selon une technique qui s'apparente au jeu télévisé "Le juste prix". Après une plainte des candidats évincés, l'affaire a conduit le Sytral à retirer le marché.

Trop de contractuels bien payés

La Chambre, qui a mené l'enquête, a mis à jour quatre autres marchés de ce type, passés entre 2009 et 2010, mais moins sujets à questions. En réponse à ces observations, Bernard Rivalta considère que "la méthode n'est pas critiquable en tant que telle mais son application peut-être plus ou moins adaptée et doit être mise en œuvre avec beaucoup de précautions et de soins (…) D'ailleurs depuis août 2010, une note du directeur général impose systématiquement le jugement de ce critère en comparant le prix de l'offre considérée avec l'offre la plus basse."

Sur un autre registre, le rapport dénonce le recours systématique à des contractuels au détriment d'agents titulaires. "La structure du personnel est marquée par une part importante de la catégorie A (61% de l'effectif total) ainsi que par une forte présence des agents contractuels au sein de la catégorie A (58% des cadres A sont des non-titulaires) (…) La chambre a observé que les agents contractuels de catégorie A recrutés récemment l'ont été de façon irrégulière, soit par défaut de publicité, soit par la mention systématique du fait que le poste est pré-affecté." D'après les magistrats, le Sytral a largement dépassé le niveau de rémunération applicable compte tenu du profil des personnes recrutées.

Les fonctionnaires décident-ils à la place des élus ?

Ce jeudi, le comité syndical du Sytral était largement consacré à ce rapport. C'est le maire du 2e arrondissement, Denis Broliquier (divers droite) qui est le premier à dégainer l'index. Des questions, il voulait bien en poser. Et interpeller Rivalta : "la chambre met directement en cause le fonctionnement de la commission d'appel d'offres". L'opposant estime que les fonctionnaires ont tendance à se substituer aux membres de la commission, remarquant que les choix proposés par les techniciens sont systématiquement retenus. "Les élus doivent jouer leur rôle", insiste-t-il. Le maire du 2e arrondissement redoute que les fonctionnaires ne soient approchés par les entreprises. Une accusation voilée qui laisse pourtant le président du Sytral placide. Ce jeudi n'est pas coutume, les critiques glissent sur lui comme l'eau de pluie. L'opposant UMP "regrette" que le rapport ne fasse pas allusion aux indemnités non remboursées. "Le Sytral comme le président n'est pas au-dessus des lois", assène-t-il. Rivalta avale tranquillement son café.

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Vient le tour de l'autre opposition, celle de Béatrice Vessiller (Europe Ecologie) qui commence par l'affaire des contractuels. Pour elle, dans l'informatique, la communication ou la sécurité, il doit y "avoir moyen de trouver dans la fonction publique territoriale". Rivalta n'écoute pas vraiment, il ricane avec ses voisins de table. Vient ensuite le fonctionnement de la commission d'appels d'offre. Alors que le problème du "juste prix" est signalé en juin 2009, elle "s'étonne" que le directeur n'ait appliqué la règle "qu'en août 2010". "On ne sert pas les intérêts du Sytral", observe-t-elle. Rivalta, qui s'est bien contenu jusque là, marque son impatience, la pressant de conclure.

Jean-Louis Ubaud (PS) défend la commission d'appel d'offres, épinglée par Denis Broliquier. "Que vous mettiez en cause le travail et l'honnêteté intellectuelle des membres de la commission, je trouve cela choquant".

Collomb oublie le critère qualité

Vient le tour du maire de Lyon. La chambre régionale des comptes "dit ce qu'est le droit, elle ne dit pas ce que serait le meilleur état du droit", souligne-t-il. Gérard Collomb en a fait les frais, quand celle-ci a remis en cause les primes de nuit des personnels des HCL, provoquant "une grève de six mois". Le maire de Lyon a tenu à rappeler qu'il ne siège pas à la commission d'appel d'offre. Manière de marquer sa distance par rapport à son fonctionnement. Mais il témoigne de son expérience au Grand Lyon : parfois a été retenu "le moins disant". Autrement dit le moins cher. "Quelques mois après, on s'est aperçu que le service rendu n'était pas terrible terrible".

Affirmant cela, le président de l'agglomération occulte le fait que le critère qualité est intégré dans tous les appels d'offres et qu'il peut faire l'objet d'un coefficient élevé, marquant l'exigence de la collectivité à un travail bien exécuté. Exigence qui n'a pas à figurer aussi sur le critère prix. Le maire de Lyon s'est presque lancé dans un éloge de la cherté. Pour lui, il ne faut pas habituer les entreprises à trop baisser leurs prétentions. "Pour avoir le marché, elles cassent les prix et elles se cassent la figure".

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Les trémolos dans la voix, Georges Barriol veut parler. Rivalta, tout à Collomb, l'avait presque oublié. Le vice-président évoque "des propos difficiles à accepter". "Nous n'avons rien à nous reprocher". Les autres opinent. Bernard Rivalta conclut. Il brandit un rapport. Pas celui de la chambre régionale des comptes, celui du Certu, cabinet indépendant. Il souligne la bonne fréquentation des transports en commun lyonnais qui recense 305 voyages par habitants, contre 128 à Lille ou 152 à Marseille. Revenant sur l'embauche de contractuels, Bernard Rivalta y trouve l'explication : "la magistrate de la chambre régionale des comptes, elle est fonctionnaire. Par définition, elle défend le statut". "Quand on cherche à recruter, on n'y arrive pas".

Selon lui, les profils recherchés ont été formés au sein d'entreprises. Il faut donc leur proposer un salaire à l'avenant. "Je ne bougerai pas d'un iota. Au Sytral, nous avons besoin de profils spécialisés et notamment des ingénieurs informaticiens qu'on ne trouve pas dans la fonction publique", a-t-il conclu. "Madame Vessiller, personne ne m'a créé mon poste", lâche-t-il, plein de sous-entendus que lui seul comprend. L'intéressée riboule des yeux, incrédule. "Vous savez pourquoi", ajoute-t-il. "Pas du tout", réplique l'élue.

Collomb parle d'un monsieur 3% chargé de racketter les entreprises

Le président du Sytral en vient à défendre le fonctionnement de la commission d'appel d'offre. Il met en avant "la pression" qu'il exerce sur les fonctionnaires pour qu'ils n'aient pas de relation avec les candidats. Lui aussi aime le juste prix, notamment pour être sûr que l'entreprise tienne les délais. "Plus ça prend du temps (les travaux, Ndlr), plus ça coûte cher et plus on a des réclamations". Il conclut en disant qu'il "est très satisfait du rapport de la chambre régionale des comptes".

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Curieusement le débat rebondit avec l'intervention de Robert Thevenot (UMP). "Il n'est pas bon de s'affranchir des règles de droit", observe-t-il. Il s'attaque subitement au président de l'agglomération, rappelant qu'il avait nommé lors de son premier mandat un vice-président en charge des marchés publics, Patrick Bertrand. Un "homme estimable" qui avait démissionné. Pourquoi ce poste n'a-t-il pas été reconduit au début du 2e mandat ? "Soit tout allait bien, soit l'ampleur de la tâche était considérable". Collomb, piqué, répond du tac au tac : "La différence entre la période passée et la période actuelle, c'est qu'il n'y a pas monsieur 3% chargé de racketter les entreprises". On aurait aimé qu'il développe un peu plus…

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