Thomas Fabius : le flambeur met le feu au Rocher

L’affaire de la dette de jeu du fils Fabius sème le trouble à la Société des Bains de mer. Et la justice française ne lâche pas la piste du blanchiment.

Une scène surréaliste s’est déroulée voici quelques jours à Monaco, à l’occasion de l’assemblée générale de la Société des Bains de mer. Face à face : le président délégué de la SBM, Jean-Luc Biamonti, et un petit porteur belge très remonté contre l’affaire Fabius. Et on le comprend. Depuis quatre ans en effet, la SBM connaît de grosses difficultés financières. Elle n’a pas versé le moindre dividende à ses actionnaires. Alors, imaginer que d’un revers de manche la direction ait pu effacer une dette de jeu de 700 000 euros ne pouvait qu’irriter des actionnaires qui avalent de travers les chiffres noirs : perte de 51 millions sur le dernier exercice, moins 15 millions de chiffre d’affaires pour les jeux… Visiblement gêné face aux questions de notre porteur, le président eut une réponse péremptoire : “Nous n’effaçons pas les dettes de jeu, nous ne l’avons jamais fait et nous n’avons pas l’intention de commencer.”

Affaire d’État

Ce que l’on baptise ici “affaire Fabius” sonne désormais comme une affaire d’État. Ou plutôt d’État dans l’État, car la SBM est le principal moteur de l’économie locale. À Monaco, on chouchoute les meilleurs joueurs, on les invite au “trou”, une salle réservée dans le casino de Monte-Carlo pour les fortunes les plus dépensières sur le tapis vert. La SBM paie chambre d’hôtel, avion, restaurant et autres petits extras. Parmi ces VIP du jeu figurait en 2011-2012 un certain Thomas Fabius. Le roi de la flambe aurait perdu près de 1,9 million d’euros en juillet 2012, date qui marque sa dernière apparition sur le territoire de la Principauté. Information qui demeure à confirmer.

Jadis persona grata, Thomas Fabius est voué aux gémonies princières depuis que deux magistrats du pôle financier de Paris – Roger Le Loire et René Cros – ont lancé une commission rogatoire pour élucider cette affaire des 700 000 euros et tenter d’identifier l’origine des fonds dépensés par le fils du ministre des Affaires étrangères. Condamné en juin 2011 pour “abus de confiance”, Thomas Fabius est désormais visé par une instruction pour détournement de fonds et blanchiment après avoir acquis à Paris un appartement de 285 m2 au prix de 7 millions d’euros. Problème : il n’est pas imposable.

Thomas Fabius jouait les seigneurs

La piste monégasque n’en prend que plus d’importance. Y a-t-il eu ou non effacement de dette de jeu ? Pour tenter d’en savoir davantage, les policiers français ont procédé à l’audition le 19 septembre d’un haut cadre de la SBM. D’après certaines sources, il semble qu’après avoir bénéficié à plusieurs reprises des largesses de la Société de financement et d’encaissement (SFE) qui ouvre des lignes de crédit aux joueurs, Thomas Fabius se soit engagé à ne plus recourir à cet organisme. Malheureusement, la “bourde” d’un inspecteur inexpérimenté lui aurait permis de jouer 700 000 euros sans apporter de garantie… Hâbleur, fringant et bruyant dans les salles de jeux, le “fils de” avait coutume de jouer les seigneurs. Il n’hésitait pas à lancer d’imposants pourboires au personnel, jusqu’à une plaque de 50 000 euros laissée un jour aux croupiers, avec ces mots pleins de suffisance : “Mesdames et messieurs, vous allez assister au plus gros pourboire jamais donné aux valets.” On peut comprendre qu’un cadre ait pu se laisser abuser.

Jeu… de mots à Monaco

Du côté du gouvernement monégasque, on s’attend d’ici quelques semaines à une perquisition au sein du département des finances, qui supervise les activités de la SBM. Le ministre d’État Michel Roger a d’ores et déjà ouvert le parapluie en s’exprimant dans les colonnes de Monaco Hebdo. Celui qui est l’équivalent de notre ministre de l’Économie et des Finances évoque “une affaire interne au casino et purement française”.

S’il n’existe pas d’effacement de dettes à proprement parler, il est en revanche prévu des “remises sur pertes” pour les plus gros montants et les plus gros joueurs. À Monaco, on sait manifestement jouer aussi sur les mots.

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