Gérard Collomb © Tim Douet

Un rapport tacle la ville sur l’emploi de l’ex-compagne de Gérard Collomb

Le rapport de la chambre régionale des comptes sur l’emploi de l’ex-compagne de Gérard Collomb comme agent municipal est accablant pour la collectivité. L’enquête interne commandée par le maire pointe des défaillances quand les magistrats-enquêteurs restent sur leur conclusion : ils ne disposent pas d’éléments justifiant d’une activité effectuée sur une période de près de dix ans.

Ce ne sont que trois pages dans un rapport qui en comporte plus de trois cents. Mais elles vont assurément faire du bruit en période de campagne électorale. Lyon Capitale a pu parcourir le rapport de la chambre régionale des comptes sur la gestion de la Ville de Lyon qui sera présenté en conseil municipal le 18 novembre et ce mercredi matin par Gérard Collomb à la presse. Les magistrats-enquêteurs consacrent dans leur rapport un sous-chapitre au “cas particulier d’un agent administratif”. Son identité n’est pas mentionnée mais, depuis le mois de juin, elle a été rendue publique. Il s’agit de l’ex-compagne de Gérard Collomb. Lors de leur travail d’enquête, les magistrats de la chambre régionale des comptes avaient alerté le maire de Lyon sur la situation de cet agent ainsi que le Parquet de Lyon. Au titre de l’article 40 (1) du Code de procédure pénale, qui impose à tout officier public de signaler au procureur de la République la connaissance d’un crime ou d’un délit, Gérard Collomb avait procédé à un signalement. Le Parquet national financier s’était saisi du dossier et avait ouvert une enquête préliminaire sur un possible “détournement de fonds publics” au profit de l'ex-compagne de Gérard Collomb. Des perquisitions avaient été effectuées au domicile de Gérard Collomb ainsi qu’à l’hôtel de ville.

Des heures sup jusqu’en 2999

Le rapport de la chambre régionale des comptes apporte de nouvelles précisions sur cette “affaire” qui intervient dans un contexte électoral sensible. Et ses constations ne sont pas anodines : “Le contrôle de la chambre a révélé qu’un agent, adjoint administratif de 2e classe, a été rémunéré malgré l’absence d’éléments de nature à attester l’existence d’un service fait.” Voilà pour le préambule. Les magistrats expliquent ensuite comment ils en sont arrivés à s’intéresser au cas “particulier” de cet agent de la Ville de Lyon – il n'est nullement fait mention du contexte “particulier” de sa relation avec l'actuel maire de Lyon. Dans le logiciel des ressources humaines de la collectivité, l’ex-compagne de Gérard Collomb était la seule “à bénéficier d’un forfait mensuel de 25 heures supplémentaires”. Soit le montant maximum autorisé par la loi. Cette enveloppe lui était attribuée, selon les constatations de la chambre régionale des comptes, a priori, et ce jusqu’au 31 décembre… 2999. Lors du changement de logiciel des ressources humaines, en 2018, cette attribution d’heures supplémentaires est modifié, “avec un terme fixé cette fois au 31 décembre 2099”. “La ville n’a pas été en mesure de communiquer à la chambre les états d’heures supplémentaires mensuels de cet agent, visés par son supérieur hiérarchique”, poursuivent les magistrats-enquêteurs.

Un fantôme administratif

Les magistrats s’interrogent aussi “sur la réalité du service fait par cet agent sur la période courant de l’année 2009 au mois d’avril 2018”. Le rapport de la chambre régionale des comptes pointe que, sur cette période, l’agent en question n’a pas été évalué comme la loi l’impose, qu’il n’est jamais apparu dans l’organigramme d’un service et n’a pas pris de congés ou d’arrêt maladie de 2009 à avril 2018. Durant leur travail d’investigation, les magistrats ont échangé avec les services de la Ville de Lyon, notamment avec le directeur général des services. Lequel explique “avoir été avisé au mois d’octobre 2017 par la nouvelle directrice générale adjointe aux ressources humaines que cet agent était affecté à la DGRH mais que son poste ne semblait pas occupé. Il indique que la ville a alors convoqué l’agent à deux entretiens auxquels il ne s’est pas présenté, et précise qu’il a finalement été affecté, à compter du 3 avril 2018, sur un poste d’agent à la bibliothèque de Saint-Rambert puis (…) à la mairie du 3e arrondissement”. Au cours du travail d’instruction des magistrats, le directeur général des services reconnaît, d’après le rapport, que “la reconstitution de son parcours ne permet pas d’établir l’existence d’un service fait entre le mois d’août 2015 et le mois d’avril 2018” et que le versement des heures supplémentaires par un code dans le logiciel informatique a été supprimé. La Ville penche à l’époque pour la mise en œuvre d’une procédure de recouvrement des sommes indûment perçues.

Pour la Ville, des défaillances et une inertie

Entre les constatations de la chambre régionale des comptes et le rendu de son rapport, Gérard Collomb a lancé une enquête interne. Elle arrive à d’autres conclusions que celle des magistrats-enquêteurs et conteste l’absence de service fait sur la période examinée par la chambre. L’audit interne pointe “seulement des défaillances de la ville dans le suivi de carrière de l’agent, et non une absence de service fait”. L’enquête interne avec des témoignages attesterait de la présence de l’ex-compagne au local de la mission Serin, à laquelle elle avait été affectée. Lyon Capitale avait aussi recueilli des témoignages attestant de sa présence, mais également des doutes d’un de ses anciens collègues. Le rapport interne de la Ville pointe “l’inertie administrative regrettable qui a laissé libre cours à l’intéressé pour mener de lui-même des actions d’intérêt général”. Face à cette “contre-enquête”, la chambre régionale des comptes maintient son constat – “l’activité alléguée par la ville de cet agent (…) n’a fait l’objet d’aucune traduction administrative” – et précise que les “interventions ponctuelles relevées par l’enquête interne de la ville ont été réalisées en dehors de tout cadre hiérarchique”. La chambre régionale des comptes maintient donc sa position et déclare ne pas disposer “d’éléments matériels attestant du service fait par cet agent sur la période courant de l’année 2010 au mois d’avril 2018”. Tout en précisant que la rémunération mensuelle brute de l’agent en question s’élevait à 2 480 euros.

  1. “Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs” (article 40 du Code de procédure pénale)

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