Premier adjoint, conseiller général et ex-maire de la ville, Raymond Terracher s'est éteint dans la nuit du 23 au 24 mars. Engagé dans la promotion de la culture, il avait piloté la rénovation du TNP et le lancement du pôle audiovisuel Pixel. Ses collègues soulignent ses qualités humaines.
Villeurbanne perd son premier adjoint, décédé la nuit dernière, à l'âge de 68 ans. Atteint d'un cancer du poumon et soigné depuis la rentrée 2009, Raymond Terracher a fait montre de courage. Fort de résultats médicaux encourageants, il a fait sa rentrée politique en février. Mais c'est le coeur qui a lâché, conséquence des traitements lourds qu'il a subis. C'est un nouveau coup dur pour Villeurbanne qui a déjà déploré le décès en 2006 de Nathalie Gauthier, adjointe et députée de la ville.
Militant socialiste, élu municipal depuis 1983, Raymond Terracher a été formé par Charles Hernu, maire de la ville jusqu'en 1990. Cet ancien étudiant à l'INSA avait en charge les relations entre la ville et son campus. Il a ensuite assuré l'intérim de Gilbert Chabroux à la tête de Villeurbanne, lors de l'invalidation de celui-ci, entre 1997 et 1998. Témoignage de cette époque, une photo trônait dans son bureau de l'hôtel de ville où on le voyait aux côtés de Martine Aubry, ministre des Affaires sociales : il signait alors son premier emploi-jeune. Villeurbanne était en effet l'une des toutes premières villes de France à s'engager dans cette mesure phare du gouvernement Jospin.
Terracher caressait alors l'ambition d'être le candidat socialiste aux municipales de 2001. Il a cependant perdu lors de la primaire qui l'opposait à Jean-Paul Bret. La campagne a été tendue - des accusations de fraude ont plané - mais la réconciliation entre les deux hommes s'est vite opérée. Terracher, adjoint loyal, était devenu le pivot de l'exécutif municipal. Un homme sur lequel Bret s'appuyait en toute confiance. Premier adjoint, conseiller communautaire et conseiller municipal, il avait en charge la culture. Cet ami de Roger Planchon était un fou de lecture, et des arts en général. Comme adjoint, c'est lui qui a piloté la rénovation du théâtre national populaire et celle de l'école de musique.
C'est aussi lui qui a convaincu le maire de lancer sur le territoire communal un pôle audiovisuel, les studios 24 puis Pixel, quitte à passer pour un élu prodigue. Simple, chaleureux et généreux, il était très apprécié de ses collègues, dans la majorité comme dans l'opposition. Une figure consensuelle qui s'est employée à pacifier les conflits qui ont émaillé la fédération socialiste, après les évictions de Bernard Rivalta et de Lilian Zanchi. Voici les réactions de ses collègues à l'annonce de sa disparition.
Pascale Crozon, députée : "des qualités de cœur"
"Je suis très peinée de perdre un ami avec lequel beaucoup partagé depuis 30 ans. C'est un homme qui savait rassembler, tolérant, humaniste. Je l'ai rencontré il y a quelques jours : sa chimio lourde avait fatigué son coeur. Il a fait un arrête cardiaque dû à la lourdeur du traitement. Il avait beaucoup d'espoir. Je l'ai vu dimanche : il avait bonne mine et un mental d’acier.
Il nous laisse dans la peine. Raymond est élu depuis 1983. J'ai apprécié son passage en tant que maire. Il s'est toujours battu pour la culture et l'action sociale. En tant qu'adjoint, il a fait un gros travail. Il a beaucoup soutenu le TNP. C'est un homme formidable, un grand humaniste avec des qualités de coeur formidables, admiré par tous, tolérant, fidèle".
Gilbert Chabroux, ancien maire : "un courage incroyable"
"Je suis infiniment triste, je ne croyais pas que c’était vrai. L'information de son décès m'a été donnée tôt par Bret, je ne reconnaissais pas sa voix. J’ai eu Raymond au téléphone lundi soir et il m’avait expliqué qu'il devait être hospitalisé pour passer des examens. Il était inébranlable dans sa volonté de vaincre la maladie. C’était Raymond. Tellement confiant que cela m’a rassuré. Je pense qu’il était sincère, qu’il croyait que cela allait s’arranger. J’ai encore le son de sa voix en tête. Ca allait marcher. Il avait repris ses activités d’élu. Il avait un courage incroyable. Beaucoup de souvenirs me remontent.
C'est un homme qui avait des quaités humaines exceptionnelles, ouvert, généreux, tolérant, toujours prêt à rendre service et fidèle. Il n’aurait trompé personne. J’en sais quelque chose. Il n'y a pas beaucoup d’exemple d’un conseil municipal qui démissionne pour provoquer de nouvelles élections. Raymond Terracher n’a pas tergiversé pour me permettre d'être à nouveau maire.
Etudiant à l’INSA, il avait créé une troupe de jeunes acteurs et joué des pièces et écrit certaines. C’était un passionné et il aimait tous les arts. Pour lui la culture était le passage obligatoire de la démocratisation. Studio 24, TNP, école nationale de musique : il suivait ces dossiers et il les a portés. C'est un homme de grande valeur".
Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne : "Il savait se faire aimer des autres"
"Raymond Terracher nous a quittés cette nuit après avoir affronté la maladie. Il a mené ce combat en ayant confiance en la médecine et en étant déterminé à l'emporter. Il a toujours gardé sa bonne humeur et sa jovialité. Nous garderons le souvenir d’un homme généreux à la faconde tout empreinte du théâtre qu’il aimait tant. Avec Raymond Terracher disparaît un humaniste épris de culture qui a toujours su rester proche des gens.
Raymond Terracher est élu à Villeurbanne depuis 1983, année où il rejoint la deuxième équipe municipale de Charles Hernu. Il est alors directeur du Centre d’actualisation scientifique et technique (Cast) de l’Insa, dont il est diplômé depuis 1965. Son travail au sein de cet organisme en faveur de la formation continue des ingénieurs et cadres, lui vaut l’insigne de Chevalier de l’Ordre national du mérite que Charles Hernu lui remet en 1982. Raymond Terracher a, en effet, introduit en France la notion de qualité dans la formation et, jusqu’en 1995, date à laquelle il est nommé directeur des relations extérieures et de la prospective à l’Insa, il aura développé les actions du Cast à l’étranger.
Réélu en 1989, Raymond Terracher est nommé adjoint en charge de la Population, des relations avec l’université, de l’accueil et de la vie associative. Dans cette délégation éclectique, il donne toute sa dimension à la vie associative qu'il estime essentielle à la démocratie et à la vie locales. Son sens du contact et de la relation humaine en feront un interlocuteur aimé des associations.
En 1992, il est élu dans le canton centre de Villeurbanne. Il succède à Gilbert Chabroux — alors maire et conseiller régional — au Conseil général du Rhône. Il sera réélu en 1998 et en 2004. En 1997, il devient maire de Villeurbanne, après l’invalidation de Gilbert Chabroux. Un an plus tard, il lui « rend les clés » comme il s’y était engagé. En 1998, il se voit alors confier la délégation à la Culture, une délégation "à la mesure l'homme "qui, en plus du théâtre, aimait la littérature et l'opéra. C'est ce que dira Louis Besson, secrétaire d’Etat au Logement le 3 avril 1999, lorsqu'il lui remettra la Légion d’Honneur à Raymond Terracher.
Deux projets gardent l’empreinte de Raymond Terracher. Le Studio 24 tout d’abord : un projet de salle de théâtre et de studio de cinéma voulu par Roger Planchon. Raymond Terracher a essuyé la critique, mais il a œuvré pour que le projet se réalise. Aujourd’hui, grâce à sa conviction, tout un pôle dédié au cinéma a pris corps autour du Studio 24. Il a également créé la Fête du livre Jeunesse en 1999 parce qu’il était convaincu qu’il fallait transmettre le plaisir de lire aux enfants. Défenseur des réseaux de lecture publique, Raymond Terracher n’était pourtant pas un habitué des bibliothèques. Il aimait tellement les livres qu’il préférait les acheter.Il les lui fallait près de lui.
Homme fidèle, il l’était aussi à ses origines limousines. Il n’a pas cultivé la terre à laquelle il était prédestiné parce qu’une institutrice a décelé en lui un élève brillant comme savait le faire alors l’école de la République. Mais il aimait donner l’image d’un homme de terroir, d’un terrien goûtant avec simplicité les plaisirs de la vie. Il aimait fraterniser, rassembler les personnes, à l’instar de la vie au sein des troupes de théâtre qu’il affectionnait tant et dans lesquelles on apprend, partage et crée ensemble.
Raymond Terracher allait avoir 68 ans le 25 mai. Sa première petite-fille est née en janvier. Alice, 'son bonheur'. Avec lui disparaît un homme rare, de ceux qui faisaient l’unanimité. Même ceux qui ne partageaient pas ses idées savaient apprécier ses qualités. La plus grande d’entre elles était de savoir se faire aimer des autres".
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