L'architecte qui construit actuellement à la Duchère est aussi candidat à la présidentielle du Mouvement de l'utopie concrète (MUC). Ses 89 propositions, souvent pertinentes, sont à découvrir sur utopiesconcretes.org. Roland Castro montre que ce n'est pas parce qu'on n'a aucune chance qu'on n'a rien à dire, au contraire. Lyon Capitale donne tout naturellement la parole à cet "intellectuel agissant", remuant et rafraîchissant.
Lyon Capitale : Est-ce difficile pour un petit candidat d'obtenir ses 500 signatures ?
Si vous me traitez de petit candidat, je vous traite de petit journaliste. Je suis candidat, voilà ! (rires)
D'accord. Et pour vos signatures ?
J'en suis à 147. Je fais donc appel aux maires. Sous De Gaulle, il fallait 100 signatures, c'était l'esprit de la Ve république que de permettre le dialogue singulier entre un citoyen et un peuple. Puis c'est devenu 500. Ensuite ces 500 ont dues être publiques. Tout est fait pour renforcer le PS et l'UMP.
En 68 vous étiez gauchiste, très opposé à de Gaulle...
J'ai toujours dit que la qualité de 68 avait rapport avec la qualité du père. Et puis je l'ai découvert ensuite comme écrivain.
En somme vous êtes gaullo-gauchiste ?
Oui, communiste-gaullo-gaucho. Communiste parce que comme le jeune Marx, je pense que l'émancipation de chacun est la condition de l'émancipation de tous. Gauchiste car je déteste la hiérarchie, j'aime les circuits courts. J'ai horreur de tout ce qui ressemble aux constructions autoritaires. Gaulliste parce que j'adore les mots. Avec eux, on peut faire bouger les choses, je pense à 40. En tous cas, je ne laisse pas De Gaulle à la droite. Les jeunes ont du mal à comprendre, ce n'est pas grave.
Vous êtes architecte et vous êtes connu pour avoir mené "banlieues 89", la première restructuration des banlieues. Aujourd'hui, le bilan est amer.
Dès le lendemain du 10 mai 81, j'ai pensé que la question des banlieues était centrale. En 1983, je suis devenu délégué à la rénovation des banlieues. Ça fait 25 ans que je pense que c'est là que ça va péter, que se joue l'avenir de la France. J'ai dit ce qu'il fallait faire et je suis confirmé par l'Histoire. Mais je n'ai pas été assez entendu. Je peux me le reprocher. Et je peux reprocher à Mitterrand de ne pas avoir voulu vraiment transformer la société française.
Qu'est-ce que Mitterrand n'a pas compris ?
Mitterrand n'était pas un révolutionnaire. Il faisait la politique un peu comme Cocteau : "feignons d'organiser ces événements qui nous dépassent". C'était un personnage romanesquement agréable, représentatif, prestigieux, intelligent, mais il n'était pas à la hauteur des questions de la société française. Son bilan : les riches sont plus riches, les pauvres plus pauvres, la société est en lambeaux, le communautarisme a progressé. Le bilan n'est pas formidable ! Mais le personnage était merveilleusement intéressant si on le compare à Jacques Chirac ou à Ségolène Royal.
Un leader brillant est-il plus dangereux ?
Non, Churchill était brillant, De Gaulle était un intellectuel remarquable. Le danger c'est quand les leaders ne sont que brillants, passionnés d'eux-mêmes et pas vraiment du pays qu'ils ont à servir. C'était le cas de Mitterrand. De Gaulle s'était fait "une certaine idée de la France", Mitterrand une certaine idée de lui-même. J'ai rompu avec lui au moment de Bousquet et j'ai quitté le PS quand Tapie est devenu ministre de la Ville. Trop c'est trop !
Vous n'êtes pas tendre avec Ségolène Royal.
Ségolène, ça va marcher parce que son statut de femme lui donne une présomption d'innocence, et ça c'est terrible. Car c'est quand même une femme de droite. Elle ne résoudra pas les problèmes de la société française.
Et Sarkozy ?
C'est un tacticien admirable et un stratège lamentable. Pas décisif. En plus, avec les défauts politiques de Bush - le communautarisme - et les défauts de caractère de Poutine - pour le côté despote et abus de pouvoir. On le voit par rapport aux journalistes.
On connaît ça aussi à Lyon.
Avec Collomb ? Alors ils sont peut-être tous comme ça ! (rires)
Vous voilà candidat à la présidentielle. Une question d'ego ?
Mon ego est peut-être surdimensionné mais moi je l'avoue. J'avoue aussi que j'ai une passion de la France. Comme petit juif sauvé par les maquis communistes de Guingouin, j'ai une dette envers ce pays, une passion pour sa littérature, pour sa pensée. Devant Bush, je serais droit comme je l'étais devant Mitterrand. J'ai vu Jack Lang devant Mitterrand. Je ne le prendrais pas en auto-stop, j'ai vu un roquet. Et Jean-Louis Bianco ! Le directeur de campagne de Ségolène Royal mesure
1, 90 mètre. Il était courbé devant Mitterrand au point qu'il faisait 1,60 mètre.
Qui êtes-vous, qu'est-ce qui vous motive ?
Mes hommes politiques s'appellent Jaurès, Mendès, De Gaulle. Mes intellectuels s'appellent Lacan, Derrida, Molière et Rimbaud. Ce n'est pas BHL. Mes journalistes s'appellent Camus, pas Laurent Joffrin ! Je trouve qu'il y a une perte en ligne monstrueuse dans les élites françaises, dans les couches politiques, médiatiques et intellectuelles. Comme beaucoup de gens, j'en souffre. On n'est pas obligés de les laisser au pouvoir. Ça vaut la peine de tenter une sortie.
Pour dire quoi ?
L'idée France est plus forte que les Français. Les Français ont envie de l'entendre mais, pour suivre les sondages, on leur parle Ordre juste, Travail, Famille, Région ! J'ai horreur de la phrase de Ségolène Royal, "la France des régions", c'est la France d'avant Louis XI ! Je suis pour une France mondiale.
Dans vos 89 propositions, vous réclamez le droit à une ville "également belle", à un service public du bâtiment. Comment faire ?
Aujourd'hui, il faut 5 ans pour projeter un bâtiment et le construire, c'est une horreur ! Il faut en terminer avec le juridisme monstrueux et sortir de l'enfer de la précaution, du contentieux et de toutes ces conneries : je suis pour virer les Verts de toute la vie politique pour rendre ce pays dynamique. Il faut des permis de construire en deux mois et 15 jours pour le recours des tiers. Pas plus. Et puis, tous les endroits d'une métropole ont droit à la beauté. Le discours muet de la ville quand elle est belle est très apaisant. Ne raisonnons pas seulement en terme technique de nombre de logements. Je dis : Venise pour tous !
Comment voyez-vous cette élection ?
Si c'est Sarko, ça dure trois mois avant que ça pète. Si c'est Royal, un petit peu plus. Mais ça pétera parce que les socialistes sont par structure incapables de rendre compte de ce qui se passe dans la société française et dans le monde. Historiquement, ils ont montré leur incapacité à comprendre les grandes questions. Pour fabriquer une République métissée, ils mettront des rustines, ils n'ont pas de réponse de fond à cette question de fond.
Vous brassez beaucoup d'idées mais vous faites l'impasse sur l'écologie.
Le parti de la peur, de la névrose, du saumon pollué, ça m'énerve... La mal-bouffe de Bové c'est annexe par rapport au mal de vivre. Les tentatives de suicide des jeunes en Picardie, c'est beaucoup plus grave que Mac do ! Je déteste toutes ces saloperies consuméristes, protectionnistes, pseudo de gauche ; je déteste José Bové que je conchie comme une sorte de saloperie franchouillarde. Je déteste cette bonasserie à base de fromage bio. J'adore l'asphalte, la pollution, je déteste la loi contre les clopes ; je ne suis pas pour que tout le monde baise en capote. J'ai horreur de cette quête gaucharde de la victimisation. Les politiques qui s'appuient sur les rentiers à droite et sur les victimes à gauche sont débectants.