"Le Temps: Croyez-vous au futur «gouvernement économique» de la zone euro proposé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ?
Jacques Delors: De quoi parle-t-on? D’un engagement général? D’un nouveau dispositif intergouvernemental destiné à afficher un minimum de coopération et à limiter tout transfert implicite de souveraineté? Tel quel, cela ne servira à rien. (…) Ouvrons les yeux: l’euro et l’Europe sont au bord du gouffre. Et pour ne pas tomber, le choix me paraît simple: soit les Etats membres acceptent la coopération économique renforcée que j’ai toujours réclamée, soit ils transfèrent des pouvoirs supplémentaires à l’Union. La seconde option étant refusée par une majorité des Vingt-Sept, reste la première.
– Renforcer cette coopération, cela veut dire prendre d’urgence des décisions ?
– Oui, en mutualisant partiellement les dettes des Etats jusqu’à hauteur de 60% de leur produit intérieur brut, le seuil conforme au Traité de Maastricht. Cela doit se faire au niveau des 17 pays dotés de la monnaie unique. Les Etats concernés seraient ainsi couverts par une garantie partielle de l’Union économique et monétaire, avec pour conséquence automatique de tirer les taux d’intérêt vers le bas. J’ai toujours dit que le succès de l’Europe, sur le plan économique, repose sur un triangle: la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit. Il faut passer à l’acte."