À l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, à Lyon 8e, les soignants dénoncent le manque de moyens humains qui met en danger leurs patients.
Patients et soignants en souffrance à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Le 31 mai dernier, trois infirmières et une patiente se faisaient agresser par un autre patient de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, à Lyon 8e, dernière agression en date d’une longue série. Sous les frondaisons des arbres imposants du parc de l’hôpital psychiatrique, une cinquantaine de soignants se sont rassemblés aujourd’hui à 13h au son des slogans « Psychiatrie en colère » et « Patients en danger ». Une mobilisation qui vise à montrer leur soutien envers les collègues agressés, mais aussi à mettre en lumière le manque criant de moyens humains.
Un hôpital qui perd son humanité
En sous-effectif dans tous les corps de métiers, les soignants mobilisés dénoncent en premier lieu le manque de moyens humains. Ils sont actuellement deux infirmiers de service pour 26 patients. « On cherche à limiter le recours à l’isolement et à la contention, mais pour du soin humain, il nous faut des personnes humaines », s’emporte David Michallet, élu du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’hôpital. « Il y a un flou artistique sur les postes vacants », renchérit Robert Gouillon, délégué syndical central CGT, qui déplore le non-remplacement des soignants qui démissionnent, partent en arrêt maladie ou arrivent tout simplement au bout de leur CDD. En effet, sur les 1643 CDD que compte l’hôpital, 1513 soignants sont en fin de contrat, et tous ne seront pas remplacés selon Robert Gouillon. Une situation qui entraîne un très fort turn-over du personnel, avec un taux allant jusqu’à 14 % pour les infirmiers et les médecins.
Des agressions récurrentes
Pour les soignants, les agressions et violences récurrentes (139 pour l’année 2017 et déjà 30 sur le premier trimestre de 2018) sont une réaction logique et prévisible au manque de moyens humains. Ainsi, ils réclament entre autres le rétablissement du 11e poste infirmier par unité, mis en place pendant deux ans puis supprimé l’année dernière, ainsi qu’une augmentation des effectifs dans les unités de soin. Pour «remettre de l’humain” au sein du dispositif, se pose aussi la question de la sous-traitance des agents des services hospitaliers (ASH). Chargés de l’hôtellerie et du confort des patients (repas, linge…), les ASH ont initialement aussi pour mission de faire du lien avec les personnes soignées. Avec la sous-traitance de ces prestations auprès des entreprises Derichebourg et Alpes Nettoyage, les ASH sont désormais cantonnés à des activités d’hôtellerie. « À terme, c’est la disparition d’un métier », fait amèrement remarquer David Michallet.
Des patients en danger
Autre revendication : la fin de la fermeture des lits de l’hôpital. Avec un taux d’occupation de 105 % pour l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, le sous-effectif des soignants a de graves répercussions sur le quotidien des patients. Et ce pourcentage n’est pas près de baisser. En effet, la tendance est à la suppression des lits, alors qu’il y a déjà sept couchettes dans l’hôpital. Une patiente témoigne : « des fois il n’y a plus de peignoirs, plus de serviettes, plus de T-shirts… ». Saint-Jean-de-Dieu est loin d’être le seul hôpital touché : au Vinatier, au Rouvray ou encore à Saint-Cyr-au-Mont-d’or, tous rencontrent les mêmes problèmes. Et l’issue est partout la même : le manque de moyens provoque la souffrance des patients. Pour Anthony Boucher, psychologue, il s’agit de la conséquence logique « de choix purement économiques qui ne tiennent pas compte de ce qui serait bon pour le patient ». Selon lui, on oublie trop souvent les patients qui devraient être au centre du dispositif et influencer les politiques. Une patiente résume parfaitement la situation : « quand on est malades on souffre, et ceux qui nous soignent souffrent aussi ». Une délégation du personnel mobilisé est actuellement en discussions avec la direction de l’hôpital.