Le rein d’un porc génétiquement modifié continue à fonctionner après sa transplantation, le 14 juillet, sur un humain en état de mort cérébrale. Une avancée majeure dans un contexte de pénurie d’organes. C'est à Lyon, en 1906, que la première xénogreffe a été réalisée.
Le Lyonnais Mathieu Jaboulay a été l'auteur de la première xénogreffe mondiale, à savoir le greffon d'un donneur venant d'une autre espèce. C'était en 1906.
Il s'agissait d'organses reins de porc ou de chèvre à hauteur du coude chez deux femmes atteintes d'insuffisance rénale, dans le but "d'établir une suppléance fonctionnelle pour la sécrétion urinaire, en installant un rein étranger mais sain". Si ces tentatives échouèrent, Jaboulay fut le premier à tenter les greffes entre deux espèces différentes. Il avait ouvert la voie.
Un autre Lyonnais, descendant de cette lignée de médecins visionnaires, Jean-Michel Dubernard, l'un des saints patrons mondiaux de la greffe, décédé à l'été 2021, distinguait trois périodes dans l'histoire des transplantations des greffes à Lyon. "Difficile pour moi de ne pas parler de Lyon l'extraordinaire dans le domaine de la transplantation qui est le mien, expliquait-il à Lyon Capitale. Il existe une brise qui souffle dans le sens du progrès et porte les projets depuis longtemps. De Mathieu Jaboulay qui tenta la première greffe animale en 1906, à Alexis Carrel qui réalisa la première autotransplantation en 1908, c'est une longue histoire de la transplantation qui s'y est écrite. Je ne pense pas que j'aurais pu accomplir mes rêves et les confronter à l'imaginaire collectif si j'avais étudié dans une autre ville. C'est l'atmosphère de Lyon qui m'a poussé."
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Dans "Millénaire 3", le centre de ressources prospectives du Grand Lyon, Dubernard ajoute et poursuit : "on ne peut que constater l'intérêt très marqué pour la transplantation à Lyon. Depuis la fin du 19ème siècle, il ne s'est jamais démenti. Il tire sans doute son origine des pionniers en la matière Mathieu Jaboulay et Alexis Carrel. Leurs travaux ont fait rêver et depuis, l'imaginaire de la transplantation continue de génération (..) L'imagination et la multiplication des échanges sont les deux moteurs."
1896-1913 : les expérimentations de Mathieu Jaboulay et d' Alexis Carrel
Mathieu Jaboulay (1860-1913), né à Saint-Genis-Laval, est le chirurgien qui réalise les premières expériences françaises de suture artérielle – dont la revue Lyon médical en fait état 1896. Il s'agit du premier article de chirurgie vasculaire français. Ses travaux sont fondamentaux car la maîtrise des sutures de vaisseaux sanguins, qu'on ne savait alors pas ligaturer, permet les greffes d’organes. En 1906, Jaboulay est le premier chirurgien à réaliser des greffes d'organes d'animaux sur des humains (exogreffe) dès 1906. Si les opérations ont été des échecs, dans le car non fonctionnelles, Jaboulay a montré la faisabilité de la technique. Semeur d'idées, il établit à Lyon les rudiments de la chirurgie vasculaire, à une époque où aucune tentative n'avait encore été réalisée.
Alexis Carrel (1873-1944), né à Sainte-Foy-les-Lyon, interne de Mathieu Jaboulay, est le père de la chirurgie vasculaire. En 1902, il publie un article qui fera date : « Les anastomoses vasculaires et la transplantation des viscères». Il s’inspira des dentellières lyonnaises pour suturer les vaisseaux de petite taille. En 1908, il réalise la première auto-transplantation (greffe où le donneur et le receveur sont la même personne) rénale fonctionnelle sur une chienne, puis reproduit l'exploit avec d'autres organes, comme le cœur ou la thyroïde.
Il fut ainsi véritablement le pionnier de la transplantation d'organes.
Sa curiosité ayant été jugée trop avant-gardistes, déplacée ou mal placée, il est chassé de la faculté de médecine de Lyon. C'est donc aux Etats-Unis, à l'Institut Rockfeller de New York, qu'il poursuit ses travaux et reçoit, en 1912, le prix Nobel de médecine « en reconnaissance de ses travaux sur la suture vasculaire et la transplantation de cellules sanguines et d'organes »
« Les techniques qu'il a décrites sont encore utilisées aujourd’hui. Il avait un siècle d'avance. Il a anticipé sur toutes les transplantations. C'est incroyable ! » explique Jean-Michel Dubernard, auteur d'une biographie sur Alexis Carrel.
Dans un autre domaine médical, Louis Paufique, professeur de clinique ophtalmologique à la Faculté de médecine de Lyon entre 1956 et 1969, a fait école dans la greffe lamellaire de cornée qu'il réalise dès 1937. Peaufique est le père de l'ophtalmologie moderne.
1963-1988 : avancées importantes et nombreuses "premières"
C'est l'époque où les premières allogreffes (rein, cœur, foie, poumon, pancréas) sont réalisées. Lyon devient dès lors le premier centre de transplantation rénale, bénéficiant de la mise au point, à la fin des années 60, par le médecin néphrologue Jules Traeger, du sérum anti-lymphocytaire (utilisé en injection pour lutter contre le rejet lors de greffes), avec le soutien de Charles Mérieux.
En 1969 est réalisée la première greffe cardiaque par l'équipe du Pr Dureau, quelques mois seulement après la première européenne réalisée par le Pr Cabrol, à Paris. En 1976, Jean-Michel Dubernard est le premier au monde à réaliser une double greffe de rein et de pancréas. En 1978, Jean-Louis Touraine, chef du service de transplantation et immunologie clinique à l'hôpital Edouard Herriot, réalise la première greffe mondiale de foie foetal, et enchaîne, dix ans plus tard, par la première mondiale de greffe de cellules foetales in utero. La même année, Jean-Michel Dubernard réalise la première greffe au monde des surrénales.
Depuis 1998 : nouvel élan
Même si l'activité lyonnaise n'a jamais cessé au cours de la décennie 1980-1990, c'est, selon Jean-Michel Dubernard, Nantes qui a pris la première place pendant cette période. « Beaucoup de domaines prennent un nouvel élan : de nouveaux liquides de perfusion (IGL) sont mis au point, le phénomène de rejet est mieux maîtrisé, de nouvelles thérapies cellulaires sont développées pour le traitement du diabète... Sur le plan clinique, les greffes d'îlots de Langerhans (groupe de cellules du pancréas secrétant l'insuline) progressent, grâce au réseau GRAGIL (Groupe Rhin Rhône-Alpes Genève pour la transplantation des îlots de Langerhans ») notamment, les prélèvements à cœur arrêté se développent et les premières greffes de tissus composites (mains, visage) sont réalisées. » En 1998, Jean-Michel Dubernard et l'équipe internationale qu'il coordonne réalisent la première allogreffe d'une main. Deux ans plus tard, Dubernard récidive avec la première mondiale de double greffe bilatérale des mains et des avant-bras simultanée des mains. En 2005, il participe avec Bernard Dechauvelle à la première greffe partielle de visage.
A l'hôpital NYU Langone de New York, l’organe d'un porc greffé continue de fonctionner près de 32 jours après sa transplantation chez un homme.
HEH est plus qu'un hôpital, il est aussi une institution inscrite dans l'historique multiséculaire des HCL, qui plus est, classé sur le plan architectural années 20, dont la chapelle de style Art Déco, atelier Tony Garnier, en est un exemple.
Contribuable lyonnais, je suis satisfait de constater que cet ensemble pavillonnaire centenaire fait l'objet de rénovations continues comme le nouveau pavillon H avec son héliport et ses blocs opératoires modernes.
Le meilleur passage :
"Sa curiosité ayant été jugée trop avant-gardistes, déplacée ou mal placée, il est chassé de la faculté de médecine de Lyon. C'est donc aux Etats-Unis, à l'Institut Rockfeller de New York, qu'il poursuit ses travaux et reçoit, en 1912, le prix Nobel de médecine « en reconnaissance de ses travaux sur la suture vasculaire et la transplantation de cellules sanguines et d'organes »"
😀
Quelque chose me dit que les religieux lyonnais avaient encore frappé...
"l'Institut Rockefeller " Comme la faculté lyonnaise du même donateur !