PORTRAIT - Mais qui est donc le nouveau préparateur physique de l’OL ? Arrivé en pleine tourmente en septembre dernier, le jeune homme revient sur cet épisode et évoque aussi les contours de son métier, si important dans le football moderne et pourtant peu mis en avant.
Ces dernières années, des blessures à répétition parasitaient le club lyonnais. Claude Puel, déjà fortement chahuté en interne à l’orée de l’automne 2010, s’est vu dans l’obligation de stopper ce cycle infernal. Premier fusible, le préparateur physique. Exit Vincent Espié, place à Alexandre Dellal. “La situation était très délicate. Les joueurs étaient très fatigués, moralement, physiquement. C’était un gros challenge”, assure le nouveau préparateur physique de l’OL. Surtout que l’affaire a failli ne jamais se concrétiser : “Quand j’ai vu Claude, c’est là que tout a changé. Avant l’entretien, c’était du 50-50, j’étais intéressé mais sans être emballé. Le courant est tout de suite bien passé. Chez lui, j’ai senti une grande chaleur. Si je n’avais pas ressenti ce côté humain, je ne serais pas venu.” Des propos forts tant l’entraîneur général de l’OL véhicule une image austère. Quand on aborde le sujet avec Claude Puel, celui-ci s’esclaffe : “Ah bon, vous êtes sûrs de ce que vous dites (rires) ?”
“Je n’ai pas tout révolutionné”
Le technicien rhodanien semble avoir trouvé en Alexandre Dellal l’homme idoine. “C’est quelqu’un de très avenant, à l’écoute, jeune mais avec une certaine maturité”, explique l’entraîneur lyonnais. Avant de glisser, non sans ironie, “même si, de temps en temps, il a un côté un petit peu naïf. Il croit toujours gagner au tennis-ballon, ce qu’il n’arrive jamais à faire.” Un feeling immédiat qui a permis à l’ancien poulain de Vahid Halihodzic d’être adopté d’emblée au sein de la maison OL : “Très vite, je me suis senti bien. Je ne voulais pas arriver et tout révolutionner. C’était une transition, apporter autre chose, un autre regard, une sensibilité différente. Mais je ne pouvais le faire qu’en étant accueilli de la sorte.” Alexandre Dellal narre sans détours les raisons de la réussite lyonnaise des dernières années : “Lyon a beau être un club de très haut niveau, cela reste un club familial. Après, comme dans toute famille, des problèmes existent. On se dit les choses en face, en toute franchise. Les gens sont liés, pas toujours d’accord, mais viscéralement attachés au club.”
“Avec Gomis, on a beaucoup progressé”
La mission première d’Alexandre Dellal était de redonner envie aux troupes, usées et fatiguées, n’ayant plus le goût à l’effort. Une initiative payante, comme en témoigne le cas concret de Bafétimbi Gomis : “Quand je suis arrivé, la première remarque que j’ai faite à un joueur, c’est à Bafé [Gomis]. Je trouvais que sa pose d’appui n’était pas qualitative. Il s’enfonçait toujours au sol, manquait de réactivité. On a travaillé dessus. C’est un joueur avec qui on a beaucoup progressé.” Pas seulement avec lui.
Aujourd’hui, l’ensemble du groupe adhère à ce fonctionnement. “Pour moi, ça n’a pas de prix quand un joueur, avant ou après l’entraînement, vient faire des séances en plus. Il a compris l’intérêt d’être au top pour se sentir mieux sur le terrain”, concède le natif de Mulhouse.
Trop jeune pour le job ?
Se définissant comme “un humaniste”, Alexandre Dellal peut parfois sembler déroutant tant il échange avec assurance. À contre-courant d’une profession souvent feutrée et renfermée sur elle-même. “Je marche à l’affect, clame-t-il haut et fort. On ne peut pas se sublimer dans un rapport professionnel froid. Un mec comme Delgado [l’Argentin qui a enchaîné les blessures], j’avais mal pour lui.” Pourtant, dans ce milieu, ces propos peuvent être perçus comme une forme de naïveté, qui aurait pu lui causer du tort : “On en a souvent parlé ensemble, car j’avais peur au départ que certains joueurs profitent de son jeune âge et de sa gentillesse pour faire un peu n’importe quoi”, explique Vahid Halilhodzic. “Je sais fixer les barrières et dire les choses crûment s’il le faut”, assure son ancien protégé.
Son avenir, l’Alsacien le voit à Lyon : “Mon travail se juge dans la durée. J’ai signé un contrat de deux ans [jusqu’en juin 2012]. Si je reste six mois, un an et demi, ça sera un échec. Je suis venu pour rester le plus longtemps possible. Je suis bien ici.” Après avoir beaucoup voyagé, aux quatre coins du globe, le Gone d’adoption, une partie de sa famille réside d’ailleurs à Lyon, désire aujourd’hui se poser un peu. Avec une envie démesurée et une passion intacte.
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Un parcours atypique
De mère française et de père tunisien, Alexandre Dellal, 30 ans aujourd’hui, aspire au départ à devenir footballeur. Une courte expérience à Reims l’en dissuade. Passionné par l’aspect technico-tactique du football, par la psychologie de l’effort, il suit un doctorat en sciences du sport à Strasbourg. Il rencontre ensuite son mentor, Vahid Halilhodzic, qu’il suivra en Turquie, en Arabie saoudite puis avec la sélection ivoirienne (2008-2010), sa meilleure expérience : “On a vécu tellement de choses fortes, inoubliables.” La plus cruelle aussi : “coach Vahid” est limogé juste avant la Coupe du monde en Afrique du Sud. “J’ai pris un gros coup sur la tête, j’ai encore un pincement au coeur aujourd’hui, rien que d’y penser.” Alexandre Dellal est aussi l’auteur de trois ouvrages : De l’entraînement à la performance en football, Le Foot en 7 langues et Entraîner les jeunes footballeurs.
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L’hommage de “coach Vahid”
Vahid Halilhodzic, l'ex-coach de Lille, du PSG et de la sélection ivoirienne. “Sur le terrain, c’était mon adjoint, en dehors mon copain. Je suis touché par ce qu’il vous a dit à mon sujet [Alexandre Dellal le considère comme un père]. Il n’a pas oublié tout ce qu’on a vécu ensemble. Malgré son jeune âge, il a de la personnalité et le caractère nécessaire pour se faire respecter. Alexandre, c’est un travailleur, il ne laisse rien au hasard, je ne doute pas une seconde de sa réussite à Lyon.”