EN APARTE - Jean-Alain Boumsong, défenseur de l'Olympique lyonnais se livre à Lyon Capitale en toute sincérité.
Lyon Capitale : Quel est votre parcours. Avez-vous toujours voulu être footballeur ?
Jean-Alain Boumsong : Oui, j’ai toujours voulu être footballeur même si tout gamin, je rêvais aussi d’être médecin. Je suis né au Cameroun. Là-bas, après la religion, il y a le foot. J’ai commencé à jouer à l’âge de cinq ans avec les copains du quartier. Je n’ai jamais signé de licence au Cameroun. Je suis arrivée en France à l’âge de 14 ans et un an plus tard je me suis inscrit dans un club à l'US Palaiseau, en banlieue parisienne.
Sans le foot, que seriez-vous devenu ?
J’aurais vraiment essayé de devenir médecin. J’ai toujours voulu faire quelque chose pour l’humanité. La médecine pour moi, c’était d’aider un certain nombre de personnes. À soigner, guérir,…c’était participer à leur bien-être.
Comment qualifierez-vous votre enfance ?
J’ai eu une enfance heureuse. Avec un cocon familial stable. Après à un moment donné, j’ai eu des responsabilités qui sont venues très vite…les péripéties de la vie font qu’on est souvent soumis à certaines épreuves. Il faut trouver les bonnes solutions. Je ne me suis jamais laissé abattre. Même si forcément, comme tout à chacun, il y a des moments plus difficiles que d’autres. C’est le parcours de chaque être humain ; de l’enfance jusqu’au crépuscule de sa vie, on est soumis à des épreuves. Jusqu’ici, je n’ai pas flanché…
Vous avez récemment déclaré que vous étiez sûr d’être présent avec l’équipe de France au mondial sud-africain. Qu’est-ce que ça représente pour vous de jouer en Afrique du Sud ?
Il y a plusieurs raisons. C’est la première fois qu’une Coupe du monde va se disputer en Afrique. C’est la terre, le continent où je suis né. C’est un beau symbole d’avoir organisé cette Coupe du monde en Afrique du Sud. Jouer une telle compétition, lorsqu’on est footballeur, c’est un événement formidable. C’est le top ! Et puis, lors de la précédente Coupe du monde (Ndlr : En Allemagne en 2006), je n’ai pas du tout joué. J’avais fait pratiquement tous les matches éliminatoires. Cette fois-ci, j’ai vraiment envie de jouer, de participer à la fête. Je pourrais raconter à mes petits-enfants, que j’ai disputé une Coupe du monde en Afrique.
Pensez-vous que l’OL peut réussir une grosse saison ? Qu’est-ce qui a changé par rapport à la saison dernière ?
Lyon peut réussir une grosse saison. L’une des choses qui à ce jour a changé par rapport à l’année dernière, je dirais qu’il y a une certaine homogénéité. Cette équipe est plus forte. C’est plus solide. Ceux qui sont considérés comme titulaire, lorsqu’ils sont absents, sont parfaitement bien remplacés. On a une équipe homogène et c’est l’une des forces des grandes équipes.
Quels sont vos rapports avec Claude Puel ?
Au début, nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. On en a parlé. On avait des points de divergences. Lui avait certaines idées, moi j’en avais d’autres. Lorsqu’il est arrivé, je ne faisais pas partie de ses joueurs majeurs. Mais les événements ont fait que j’ai eu la chance de jouer. Il a finalement vu que je méritais une meilleure place que celle qu’il m’attribuait au départ. Je trouve que c’est un bel exemple, car c’est quelqu’un qui a débarqué à Lyon avec beaucoup d’idées. C’était assez rigide. Très souvent, la plupart des entraîneurs, ils s’entêtent. Lui, il a compris qu’il fallait changer certaines choses. Je trouve ça remarquable car c’est une belle preuve d’humilité.
Vous considérez-vous comme le grand frère du vestiaire lyonnais ?
Non. Après peut-être que mes conseils peuvent être quelques fois écoutés par les plus jeunes. Par rapport à mon expérience de footballeur et de la vie. Mais disons que j’apprends aussi des autres.
Vous avez été écarté des terrains durant plus de trois mois. Avez-vous eu des moments de doutes, de réflexions ?
Oui, tu réfléchis. Surtout que je vais avoir 30 ans. C’était la première fois que j’étais blessé aussi longtemps. Il y a eu des moments de réflexions mais pas vraiment de doute. Sinon, on commence à avoir des questions négatives et ce n’est pas bon du tout.
Vous avez davantage réalisé que vous étiez vraiment fait pour ce métier. C’est sur le terrain où vous semblez le plus épanoui…
Ah, c’est comme si vous saviez ce qui était dans ma tête (rires). Dans ces moments là, on se dit : qu’on fait un métier fabuleux. Là, j’ai vraiment envie de jouer jusqu’au bout. J’ai envie de « kiffer » jusqu’à la fin de ma carrière. Durant cette période de blessure, je me suis dis, qu’il me restait encore cinq, six ans à jouer au haut niveau… donc, il faut savourer. Je vais encore être plus enthousiaste, profiter de tous les bons moments qui vont accompagner le reste de ma carrière.
On a le sentiment, que la critique est difficilement acceptable pour un footballeur ?
C’est dur. Ce n’est pas évident d’être soumis à la critique. Le football, c’est le sport numéro un en France. Quand il y a un quotidien, un hebdomadaire ou un mensuel qui sort, il y a des millions de gens qui lisent. À titre de comparaison, quand un écrivain est critiqué, c’est uniquement dans le monde littéraire. Tandis que pour un footballeur, la critique est plus forte. Elle ne se limite pas à la sphère professionnelle. On peut se faire critiquer même lorsqu’on marche dans la rue. On le ressent au quotidien. Puis des fois, on a le droit de ne pas être d’accord avec une critique et là-dessus, on n’a pas la possibilité de se défendre. De toute façon, pour moi le bon footballeur, c’est celui qui arrive déjà à faire sa propre auto-critique.
Comme l’ensemble des Français, ne trouvez-vous pas que les footballeurs sont trop payés ?
Pas du tout. Ça serait bien qu’une étude soit réalisée sur les revenus indirects générés par le football. Quand l’OL joue un gros match contre Liverpool et bien regardez tout le chiffre d’affaires des restaurants ou bars qui diffusent le match. Et regardez quelle est l’augmentation de leur chiffre d’affaires par rapport à une journée normale. Si Canal + a mis plus de 600 millions d’euros pour retransmettre les matches de Ligue 1, c’est que derrière ça leur rapporte de l’argent. Le football, c’est un spectacle. Tout le monde ne peut pas être footballeur. Derrière, comme pour les artistes, il y a de nombreuses années de travail. Je peux comprendre que ça puisse choquer mais j’invite les gens à réfléchir à tout ce qui est généré par le foot. Puis, à titre comparatif, Johnny Hallyday, il est nettement plus riche que le plus gros salaire de Ligue 1. Est-ce que les gens se plaignent de son revenu ?
Que pensez-vous du débat sur l’identité nationale lancé par Eric Besson ?
Je pense qu’il faut que chaque français soit fier d’être français. C’est essentiel. J’ai beaucoup voyagé à l’étranger, et même si tout n’est pas parfait, la France est un très beau pays où il y a de très belles vertus. Maintenant, imposer ce débat, je ne suis pas sûr que ça soit une bonne chose. J’espère qu’on ne met pas en avant ces questions là pour cacher le manque de solutions qui ne sont pas trouvées aux vrais problèmes. Sincèrement, je préférais qu’on se penche plus sur la question de l’éducation. Et puis, il faudrait faire de bonnes réformes qui soient utiles pour la société et pas seulement des réformes démagogues. Finalement, les choses sont belles, lorsqu’elles sont comprises et acceptées.
Êtes-vous agacé qu’on dise de vous que vous êtes un footballeur intello ?
(Silence). Je ne suis pas vraiment agacé dans le sens où je ne trouve pas que je suis un intellectuel. Je suis simplement quelqu’un de curieux.
En même temps, ce ne sont pas tous les joueurs qui vont participez comme vous dernièrement à une conférence intitulée « les conversations essentielles »…
(Rires). Disons, que je m’intéresse à beaucoup de chose. Et j’espère que jusqu’à la fin de ma vie, j’aurais toujours cette même recherche. Que je serais curieux de connaître, je ne sais pas, par exemple, les secrets de la nature, etc…bref, j’ai une soif d’apprendre.
Ne ressentez-vous pas un certain décalage au sein du vestiaire. Lorsqu’on sait que certains de vos coéquipiers ne connaissent même pas le nom du Premier ministre français...
C’est possible. Mais il faut de tout pour faire un monde. Le plus important dans la vie, c’est d’être libre et d’être heureux. Après chacun trouve son équilibre à sa manière. Effectivement, on peut reprocher à certains footballeurs de ne pas s’intéresser à ce qui se passe dans la société. Parce qu’on vit dans une bulle, dans une sphère et lorsqu’on en sort, souvent on n’est pas préparé et ça peut faire mal. C’est pour cela, que moi, je ne me suis jamais considéré comme une star. Ce que je ne serais jamais. Ce n’est pas parce qu’on gagne beaucoup d’argent, qu’on passe à la télé, qu’on est supérieur à qui que ce soit. Il y a des gens qui sont dotés de connaissances qui peuvent être enrichissantes pour l’humanité et dont on ne parle jamais.
En tant que footballeur vous avez beaucoup voyagé. Quel est votre regard sur la ville de Lyon ?
J’adore cette ville. C’est beaucoup moins stressant qu’à Paris. Pour la vie familiale, ici, c’est très bien. Ainsi que d’un point de vue culturelle, moi qui aime bien aller au cinéma, à l’opéra. Lyon, c’est un grand village, tout se sait. Cela peut devenir un problème quand on a envie de faire les choses discrètement (rires). Mais il y a quelque chose d’assez sain, il y a une bonne énergie dans cette ville qui fait qu’à ce jour, j’ai envie de rester ici jusqu’à la fin de ma carrière et le reste de ma vie. J’ai vraiment envie de m’installer à Lyon.
Lyon étant la Capitale de la Gastronomie, on est obligé de vous demander quel est votre plat préféré ?
Ah oui, il faut en parler de la gastronomie, c’est important (sourire). Je suis un épicurien. À Lyon, il y a de nombreux restos. Je n’ai pas vraiment de plats préférés. Une belle viande, un poulet de Bresse avec une belle sauce ou une belle dorade grillé,… c’est que du bonheur. J’ai vécu deux ans dans le nord de l’Angleterre et je peux vous dire, il faut faire des bornes pour trouver un bon restaurant (rires).
Qu’avez-vous pensé de l’affaire Sidney Govou*. Pensez-vous qu’un footballeur se doit d’être exemplaire ?
Un footballeur se doit d’être bon sur le terrain. Bien sûr que le footballeur est médiatisé. Il ne doit pas oublier qu’il peut être un exemple pour beaucoup de jeunes. Mais avant tout ça reste un être humain, qui est libre de ses actes et qui a le droit de faire ce qu’il veut, à partir du moment où il est performant dans son métier. Concernant Sidney, je trouve qu’on en a fait toute une histoire alors qu’il a le droit de faire ce qu’il veut dans la mesure où le samedi, il est bon. Chacun trouve son équilibre à sa manière. S’il a besoin de faire la fête pour être bien, c’est son droit. Il ne faut pas sous-estimer la dimension psychologique. Un joueur, c’est un peu comme un artiste, il a besoin d’être libre dans sa tête, pour pouvoir créer, s’exprimer. Pour en revenir à Sidney, franchement, on a en trop fait, c’était exagéré. Surtout qu’humainement, c’est un bon mec. C’est un des rares joueurs de l’équipe avec qui je pourrais partir en vacances.
Vous avez un rapport fusionnel avec votre mère. A-t-elle joué un rôle essentiel dans votre carrière et votre vie d’homme ?
Ma mère, c’est mon alter-ego. Elle était là le premier jour de ma vie. Elle a toujours été présente dans toutes les grandes décisions que je dois prendre. Elle est d’un soutien incommensurable. (Un brin ému) Pour moi, ma mère c’est tout. C’est ma mère, c’est ma fille, ma copine,… c’est la personne à qui je fais le plus confiance au monde. Elle est irremplaçable.
Quel type de père êtes-vous ?
Un peu père cool, un peu père fouettard. À mes enfants, j’essaye de leur inculquer certaines vertus d’humilité, de générosité, de respect. Quand ils font quelque chose de bien, je les encourage et quand ils font une bêtise, je les punis, tout en leur donnant des explications.
En dehors du foot, quelle personnalité aimeriez-vous rencontrer ?
(Il coupe) Nelson Mandela. Sans aucune hésitation. C’est un bel exemple d’humanité. Ce monsieur s’est battu pour la liberté de son peuple. Il a fait des années de prison et quand il est sorti, il a pardonné. C’est un rassembleur.
* Deux jours avant le Derby contre Saint-Etienne, Sidney Govou avait participé à une soirée dans une discothèque installée dans le village du Grand Prix de Tennis de Lyon.
BONUS -
Au sein du vestiaire
:
Qui est une vraie pipelette ?
Jérémy Toulalan, il est pas mal ! Surtout, quand il est en forme. Mais il n’est pas le seul. Il y aussi Rémy Vercoutre qui est une vraie pipelette (rires).
Le plus gourmand ?
Je vais être honnête, entre Jérémy Toulalan et moi, il y a match. On est deux gros mangeurs (rire).
Celui qui raconte toujours des histoires farfelues ?
Je dirais Miralem Pjanic (il éclate de rires).
Le mois dernier, Anthony Réveillère nous a confié que vous étiez un sacré danseur...
Ça va, je me débrouille. On ne dirait pas comme ça, moi qui m’habille souvent en costard-cravate mais je peux vous dire que j’ai le sens du rythme.
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