Première partie : la bataille pour la souveraineté des territoires. Lyon, Saint-Étienne, deux villes ennemies au football et qui pourtant furent presque comme des sœurs au Moyen Age. A l’occasion du 105e derby, retour sur les origines de la séparation entre les deux cités.
La famille des comtes de Lyon et de Forez est une dynastie qui, durant plus de trois cents ans, domina le même territoire et se battit à plusieurs reprises pour la souveraineté de Lyon. Une ville convoitée, soustraite à leur pouvoir et qui marquera leur perte.
Lyon, XIIe siècle. La capitale des Gaules n’est plus depuis de nombreux siècles. L’héritage a été démantelé, puis laissé à l’abandon. En 840, le forum de Fourvière s’effondre, ses colonnes se détachent et roulent selon leur bon vouloir, jusqu’à tomber en bas de la colline. Les sites antiques sont réduits à l’état de carrière dans lesquelles sont puisées les matières premières de plusieurs constructions. Les blocs sont ainsi utilisés pour fonder un pont sur la Saône, mais aussi celui de la Guillotière, ou bien encore pour ériger la basilique Saint-Martin d’Ainay. Durant le IXe et le Xe siècle, la cité est aussi pillée par les Hongrois.
Lyon et Saint-Étienne réunies dans le même territoire
Politiquement, après la disparition de l’autorité romaine, la cité fut burgonde, puis elle fit partie du royaume de Bourgogne, avant d’être intégrée à l’empire de Charlemagne, pour ensuite revenir à son fils Lothaire dans la Francie médiane, qui sera par la suite elle-même redivisée. Malgré ces changements réguliers, Lyon restera proche du royaume de Bourgogne, et sera intégrée par conséquent en 1032 à l’Empire romain germanique. Ironie géographique, la Saône et le Rhône délimitent la frontière entre la France et la Germanie. La rive droite appartenant à la première, la gauche à la seconde. Cette position centrale contribue à la complexité politique de l’époque.
Le pouvoir se partage via le système féodal, une échelle pyramidale où les rois confient une partie de leur territoire à leurs vassaux, notamment les comtes. Ainsi, au début du Xe siècle, le comté de Lyon regroupe le Lyonnais bien sûr, mais aussi le Forez, le Jarez et le Roannais. En 921, Guillaume Ier d’Aquitaine devient le premier comte de Lyon. Pourtant, loin de s’établir dans la ville, face à l’hostilité de la noblesse locale, sa lignée décide d’aller établir ses forteresses directement dans le Forez et réside à Feurs.
La maison du comte du Forez et du Lyonnais contre l’autorité religieuse
Par ailleurs, dans ce contexte, les territoires qui deviendront Rhône et Loire sont alors intimement liés. La ville de Saint-Étienne n’existe pas encore, il faudra attendre 1167 avec la construction du château de Saint-Priest-en-Jarez, puis 1184 avec la fondation de l’abbaye de Valbenoite, où apparaît pour la première fois le nom de Sanctus Stephanus de Furano, Saint-Étienne de Furan. Dès lors, laïques et religieux s’affrontent régulièrement pour obtenir la souveraineté de Lyon.
Dans ce combat permanent, les comtes se rapprochent des rois des Francs successifs tandis que les archevêques cherchent à obtenir la protection de l’Empire romain germanique. Dès lors, au début du XIe siècle, la domination du Lyonnais est partagée entre les comtes de Lyon et du Forez et les archevêques. Les deux autorités se partagent les droits et redevances.
La fin du partage
L’émergence de deux fortes personnalités dans les deux camps mettra fin à ce partage. Au milieu du XIIe siècle, le comte Guy II et l’archevêque Héracle de Montboissier veulent mettre fin à la situation et revendiquent tous les deux la souveraineté de Lyon. Le 18 novembre 1157, l’empereur Frédéric Ier Barberousse signe un édit accordant à l’archevêque “tous les droits souverains dans la ville de Lyon et dans la partie du diocèse à l’est de la Saône”. Guy II refuse de renoncer à sa moitié, prend les armes et s’allie au comte d’Albon. Guets-apens, escarmouches et batailles éclatent.
En 1158, Guy II remporte la bataille d’Yzeron ; en 1162, il marche sur Lyon et saccage les édifices religieux. En 1173, l’Empire romain germanique tranche une nouvelle fois et accorde la souveraineté de Lyon à l’archevêque, tandis que le comte doit se contenter du Forez. Guy II conservera néanmoins son titre de comte de Lyon jusqu’à sa mort, en 1210, et choisira de s’allier au roi de France en devenant son vassal. Malgré ce partage, la lignée de la seconde maison des comtes de Forez est loin d’avoir dit son dernier mot. A suivre...
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