Economie, Parc OL, naming, Chine : les vérités de Jean-Michel Aulas

OL Groupe, la holding cotée qui exploite les activités de l'Olympique lyonnais a atteint un chiffre d'affaires de 218,1 millions d'euros au cours de l'exercice 2015-2016, soit une progression de 111%. L'occasion d'évoquer de nombreux sujets économiques avec Jean-Michel Aulas.

Lyon Capitale : Comment analysez-vous ces bons chiffres avec un CA jamais atteint jusque-là ?

Jean-Michel Aulas : Nous sommes très heureux d'annoncer 218,1 millions d'euros de chiffres d'affaires mais nous sommes surtout heureux que ça soit en ligne avec les prévisions qui, quelques fois, n'avaient pas été tenues dans le passé. Nous arrivons à démontrer, dès l'année d'ouverture, que le business modèle du stade va être le bon. Nous sommes très heureux de faire +111 % de progression. Il y a très peu d'entreprises qui parviennent à faire ça.

Cela vous conforte dans votre choix d'être propriétaire de votre stade ?

C'est la démonstration qu'effectivement lorsqu'on ne paie pas les frais financiers comme les PPP (partenariat privé-public) on parvient à de tels résultats. Les investisseurs qu'on peut attirer, c'est d'ailleurs l'un des objectifs de la Cour des comptes, se substituent à l'argent public qui se fait de plus en plus rare. Quand on arrive à ce genre d'opération, non seulement on donne de la satisfaction aux investisseurs mais indirectement les contribuables en bénéficient. C'est à double ressort : un retour sur investissement et la suppression de centaines de millions de frais dues à des PPP et dépenses publiques que l’État et les collectivités ne peuvent plus se permettre aujourd'hui.

Votre souhait est-il toujours de dépendre de moins en moins du sportif ? Est-ce réalisable ?

Ecoutez, à court terme ce n'est pas encore réalisable. Par contre, on donne un sens qui fait que tout ce qui n'est pas lié au sportif vient représenter progressivement des dizaines de millions d'euros. C'est la mutation à l'intérieur des ressources, non pas entre le sportif et l'événementiel mais entre le BtoC donc le consommateur et le BtoB, les entreprises. Et là aussi, je voudrais faire le parallèle avec ce que je vous disais précédemment au niveau de l'argent public et les contribuables. Ce modèle est vertueux car il permet aux supporters de base, les fans dont on a besoin, de pouvoir bénéficier d'une infrastructure qui est financée par les entreprises sans avoir à payer le vrai coût de la place. On voit bien qu'à Lyon, il y a un développement fantastique des supporters. On a des fans formidables. Tous nos groupes de supporters ont de plus en plus de monde et notamment les Bad Gones (association Kop virage Nord) avec plus de 6000 adhérents (c'est donc le premier groupe de France). On voit bien que notre modèle avec le développement du BtoB permet d'avoir de nouvelles entreprises qui viennent s'installer à Lyon et cela profite à la Métropole de Lyon, aux communes de Décines, Meyzieu et demain Saint-Priest et Vaulx-en-Velin. Ils en bénéficient car on a créé des emplois de proximité et je ne serais pas étonné d'ici 5 à 10 ans lorsqu'on va faire la cartographie du produit national brut (PNB) régional produit par ces villes locales, qu'elles soient les grandes gagnantes de cette opération.

"Le naming ? Une entreprise française et régionale"

Quels sont les leviers que vous comptez encore activer pour poursuivre cette spirale vertueuse?

Tout d'abord, il y a le naming qui n'est pas comptabilisé puisqu'il n'est pas signé définitivement. Ensuite, on a qu'une demi année de stade sans Ligue des champions. On espère que dans le futur, on passera le cap des 8es et si possible des quarts ce qui va donner une ampleur là aussi très importante. Enfin, on le sait, tous les clignotants sont au vert au niveau du sponsoring. On attire des grandes entreprises. On vient d'annoncer un partenariat avec un grand groupe coréen Kumho Tyre Co (l'un des leaders mondiaux de la fabrication de pneus), d'autres partenaires nous rejoignent comme le prometteur Alila (acteur dans l'habitat social). On a reconduit nos contrats avec Hyundai, Groupama, Cegid, Intermarché… Bref, on voit bien qu'il y a un levier important sur le sponsoring. Après, il y en a un troisième qui est le développement du business center, des activités périphériques. On est en train de finaliser tout ce qui avait été prévu, c'est-à-dire l'hôtel, le centre de loisirs, l'immobilier de bureaux, la maison médicale, la brasserie Bocuse et notre académie (Meyzieu).

On a des leviers de croissance dans un parc OL qui est diversifié et nous permet de créer des flux. On découvre au fur et à mesure des choses auxquelles on n'avait même pas pensé. On n'a pas encore révélé nos résultats mais uniquement le chiffre d'affaires. Le résultat réel qu'on devrait annoncer entre le 15 et 30 septembre sera significativement positif. Tout le monde va se rendre compte que nous sommes dans le modèle que j'avais décris au départ. Il fonctionne en Allemagne, en Angleterre, dans de nombreux pays mais pas en France parce qu'on était sur un modèle tournant autour des collectivités territoriales alors qu'on sait bien qu'elles n'ont plus les moyens. C'est pour ça que je suis étonné qu'on vienne mettre en péril l'équilibre qui a été créé (il évoque le projet du LOU au stade de Gerland). On s'est donc dépêché d'afficher nos recettes pour montrer qu'on était bien en ligne. Si un jour, ça ne marchait plus, c'est que dans la définition du périmètre des activités, il y aurait eu quelque chose de nuisible.

Avez-vous avancé au niveau du naming ?

On a avancé. J'entends dire que je retarde l'échéance mais c'est le cas. L'annonce des résultats prouve que nous ne sommes pas pénalisés par l'annonce du naming. Et le calcul que nous avons fait avec le Conseil d’administration, c'est se dire qu'il vaut mieux attendre un peu, parce que nous sommes maintenant en bonne santé, afin d'avoir le naming tel qu'on l'avait imaginé. Je rappelle qu'au départ, on voulait un naming entre 8 et 10 millions d'euros et qui incluait le sponsoring. On a résigné le sponsoring pour environ 3,5 millions d'euros par an. Par rapport à nos ambitions, il reste 6 millions d'euros à trouver, là-dessus, on a déjà un premier naming qui est intervenu avec Groupama (centre d'entraînement et l'académie). C'est la raison pour laquelle, on n'est pas pressés mais ça chauffe énormément. S'il n'y avait pas eu l'annonce du faux naming bradé d'Orange avec le stade Vélodrome de Marseille, je l'aurais déjà annoncé. Cela nous a vraiment perturbés parce que ça été fait de manière bradée avec une collectivité qui n'a pas le sens de l'intérêt général.

Vous souhaitez toujours en priorité signer avec une entreprise française ?

C'est pour ça que c'est un peu plus long parce que ce sont des gens coriaces (sourire). Je vais vous livrer le fond de mon analyse. On a fait franco-français et régional. Quelque chose qui paraissait, il y a quelques années, impossible à faire. Du fait de l'organisation administrative française, du colbertisme, de la centralisation, de l'organisation des banques françaises et des grandes structures financières qui gagnent beaucoup d'argent autour des PPP (partenariat privé-public). Et aujourd'hui, on veut démontrer et c'est pour cela que je me bats sur tous les dossiers, l'organisation régionale d'un projet d'envergure de ce type là, mérite qu'on mette, comme on l'a fait au niveau du capital, un namer qui s'implique dans la vie moderne de la métropole. La vision du Parc OL de demain avec tout ce qu'il y aura autour, c'est pour montrer que lorsqu'on gère d'un point vue régional, on est toujours plus performant. Il y a beaucoup d'optimisation à faire. Aujourd'hui, les Français sont malheureux individuellement. Essentiellement parce qu'une partie du produit national brut (PNB) est captée par l’État, les collectivités et qu'il faut vraiment arrêter de vouloir trouver des solutions ponctuelles et non pérennes. J'espère qu'on va réussir dans ce projet qui a une visibilité à l'international.

Concernant vos projets d'ouverture sur la Chine, l'OL peut-il être une référence là-bas ?

C'est une excellente question. Je reviens de Chine. Nul n'est prophète dans son pays mais peut être prophète dans les pays qui s'émerveillent et prennent leur destin en main. J'ai été reçu par les plus grands responsables sportifs du pays, les plus grands investisseurs dans le football, les plus grands clubs de football chinois, les personnes qui gèrent les droits télé car pour le moment, la Ligue 1 est maltraitée en Asie. Et là, j'ai vu que l'OL était une référence dans sa conception du sport, c'est-à-dire masculine, féminine et de l'académie où nous sommes leaders. Pour l'équipe masculine nous allons le redevenir progressivement. Ils se rendent compte de ce qu'on a réussi à faire envers et contre tout : comme de lutter contre l’État qatari qui investit beaucoup plus parce que ce ne sont pas les mêmes poches… Eux, ce sont des poches profondes. Vous êtes donc obligés de faire preuve de beaucoup plus d'innovation, d'imagination. Eh bien, cela les Chinois l'ont percuté. Ce n'est pas être prétentieux que de vous dire que l'OL a la meilleure image en Chine de tous les clubs français et de beaucoup de clubs européens.

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