Interdits de stade à cause de leur nationalité

Pour la saison 2010/2011, le club de football villeurbannais de l'Association Sportive Universitaire Lyonnaise (ASUL) n'a pas pu délivrer leur licence à au moins deux mineurs, sous prétexte qu'ils étaient étrangers. À l'origine de cette décision, le règlement de la Fédération Française de Football. Une discrimination pointée du doigt par l'Observatoire de lutte contre les discriminations de Villeurbanne. Explications.

Pour la rentrée 2010, les parents d'A. souhaitent inscrire leur fils de 10 ans au club de foot villeurbannais de l'Association Sportive Universitaire Lyonnaise (ASUL). L'enfant étant de nationalité étrangère, le club demande à la famille une liste interminable de pièces justificatives, dont une attestation prouvant que l'enfant réside sur le territoire français depuis au moins 5 ans. Ce document est obligatoire, précise le club, pour tous les mineurs étrangers souhaitant s'inscrire pour la première fois dans un club de foot.

"Impossible d'inscrire ce gamin au club"

Les parents d'A. se rendent au club pour la deuxième fois, justificatifs en mains. Mais ne sachant pas où se la procurer, il leur manque cependant la fameuse attestation. Le club tente tout de même d'inscrire l'enfant. Mais "même en détournant le logiciel informatique, impossible d'inscrire ce gamin au club", explique le vice-président de l'ASUL, Marc Roux. Le jeune n'obtiendra sa licence qu'en septembre 2011, après avoir présenté un certificat de scolarité.

"C'est la Ligue via la Fédération Française de Football (FFF) qui impose aux clubs de demander cette attestation"

Afin de protéger les mineurs étrangers d'un éventuel trafic international, la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) a imposé un règlement en octobre 2009 qui oblige les clubs à se renseigner sur l'origine de leurs joueurs. Dès lors, elle laisse le soin à chaque fédération nationale d'appliquer à sa façon le règlement international. En France, la FFF "demande aux ligues de s'assurer que le jeune est bien installé avec ses parents", explique l'un des membres de la direction des affaires juridiques, chargé des transferts internationaux à la FFF. Il ajoute que par conséquent, cette attestation est obligatoire seulement dans le cas où les parents ne sont pas en mesure de présenter une attestation ou un contrat de travail, un justificatif de domicile, un extrait de filiation, ainsi qu'une autorisation de séjourner sur le territoire. "Quand il manque des pièces justificatives, on demande aux clubs de nous les faire parvenir. On fait passer le dossier à la FFF seulement quand le dossier est complet", explique la responsable administrative de la Ligue de football de la Région Rhône-Alpes.

Pourtant, le vice-président de l'ASUL affirme qu'A. n'a pu être inscrit alors même que ses parents avaient présenté tous les documents requis. "C'est la Ligue via la FFF qui impose aux clubs de demander cette attestation", répète Marc Roux. Pourtant, les autres clubs de la ville assurent n'avoir jamais entendu parler de ce document. Certains d'entre eux ajoutent que l'inscription pour un mineur étranger exige exactement les mêmes documents que pour un mineur français. Le président de l'AS des Buers de Villeurbanne déclare même avoir obtenu une licence pour un jeune camerounais encore domicilié au Cameroun au moment de l'inscription.

Plusieurs cas de discriminations sont repérés dans le milieu du foot chaque année

Une autre famille victime de la même inégalité de traitement à l'ASUL a signalé l'incident en septembre 2010 à la Chargée de Mission pour la Lutte contre les discriminations de Villeurbanne. L'affaire est ensuite remontée à l'adjoint aux Sports de Villeurbanne, Gilbert-Luc Devinaz, et à la députée de la circonscription, Pascale Crozon. Aux vues du nombre d'enfants potentiellement concernés dans la ville, cette dernière a posé une question parlementaire à ce sujet à l'Assemblée Nationale le 18 octobre dernier restée sans réponse concrète de la part du gouvernement. " S'assurer qu'un maximum de jeunes puissent pratiquer le football sans discrimination est l'un des objectifs principaux de la Fédération Française", justifie Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative. Pour l'adjoint aux Sports de Villeurbanne, "la FFF doit assouplir son système, et se mettre d'accord avec ses ligues" si elle veut continuer à faire du stade de foot un lieu d'égalité pour tous.

Protection ou discrimination ?

À l'Observatoire de Lutte contre les discriminations de Villeurbanne, on estime que le cas de A. constitue une discrimination. Elle est relevée dans le rapport 2010 de l'Observatoire. De même pour Maître Shebabo, spécialiste du droit des étrangers, qui considère qu'une demande obligatoire d'attestation comme celle-ci est "discriminatoire en pratique car celui qui ne vit pas sur le territoire français depuis 5 ans ne peut pas être candidat". Les parents d'A. n'ont pour autant pas porté plainte.

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