Après les incidents lors de Monaco - PSG et OL Besiktas, Jean-Michel Aulas et Xavier Pierrot, stadium manager, ont accepté de répondre à nos questions sur la sécurité du Parc OL.
Le Parc Olympique Lyonnais est-il sûr ?
Jean-Michel Aulas : Je pense qu’il est effectivement sûr, d’autant plus qu’on est passé au travers de deux expériences totalement différentes, mais qui viennent compléter notre courbe d’apprentissage. D’une part, en sous-traitance de la Coupe de la Ligue pour le match Monaco-Paris, d’autre part pour le quart de finale aller d’Europa League contre le Besiktas où nous étions en gestion directe. Après ces matchs, nous avons complété le dispositif. Nous avons pris conscience que, tout en respectant un certain nombre de règles de droit sur la vente de billets, nous sommes obligés, dans des circonstances particulières, de ne pas totalement les respecter pour que le Parc OL soit complètement sûr.
Les deux images qui sont restées dans l’esprit du public sont celles des événements lors du match Monaco – PSG et OL – Besiktas, comment rassurer les gens ?
Justement en répondant aux questions des médias. Nous devons corriger certains comportements et ne pas respecter toutes les règles franco-françaises dans le processus de vente de billets électroniques. Il a fallu qu’il y ait cet accident grave lors d’OL – Besiktas pour que nous puissions modifier la règle, notamment pour la demi-finale retour contre l’Ajax (NDLR : le club a mis en place des procédures de vente billets plus strictes pour favoriser les abonnés du Parc OL et les sympathisants).
Lorsque nous discutons avec des professionnels de la sécurité, ils disent tous que le Parc OL est sûr. Mais pour les matchs à risques, certains pensent que la seule solution est d’organiser des « no man’s land », c’est-à-dire de fermer des blocs et de ne pas vendre l’intégralité des places du stade. Êtes-vous prêt à faire cela ?
Est-ce qu’on est prêt à abandonner une partie de la recette pour la sécurité du stade ? La réponse est oui évidemment. Si on avait su que les billets étaient achetés par des supporters turcs, on aurait arrêté la vente . Pour le match contre l’Ajax, des blocs pourraient être laissés libres si nécessaire. Nous allons éviter de vendre des places dont on n’a pas la certitude du destinataire final. On va localiser des zones précises où il ne sera pas possible d’avoir des places directes et créer des "no man’s land" si besoin. Après il peut avoir des réseaux indirects ou des gens qui revendent leurs places, mais, dans la pratique, nous allons déjà résoudre ce problème-là en abandonnant les places qu’il faut pour que la sécurité soit pleinement assurée.
Quelles leçons avez-vous tirées en matière de billetterie ?
La réalité de ce qui s’est passé durant OL – Besiktas et le fait que la loi française instaure le refus de vente en billetterie électronique à distance, sont ce qui fait que nous nous sommes laissés déborder. Il y a eu des incidents, nous en assumons une partie de la responsabilité parce que c’est dans le stade et c’est à nous de régler les problèmes. Maintenant, est-ce qu’il y a eu des erreurs de notre part ? Au regard de la loi sur le refus de vente, de la procédure proposée par l’UEFA, on ne peut pas dire que ce sont des erreurs. Ce qu’on peut dire, c’est que maintenant, nous sommes informés qu’il y a des trous dans la raquette. Nous allons tenir compte d’un certain nombre de paramètres qui ne sont pas de notre ressort pour que le stade soit complètement sûr, quel que soit le type de match qui arrive.
Xavier Pierrot : J’ai eu l’occasion de rencontrer notre adversaire, l’Ajax, au tirage au sort et de faire un point complet avec eux. On est en face d’un club qui est bien mieux organisé que Besiktas dans la gestion de ses supporters à l’extérieur. Il n’y aura pas de difficultés à collaborer avec l’Ajax, cela va beaucoup aider dans l’organisation préalable du match. Deuxième point, nous avons clairement prévu un rendez-vous, avant le match retour de l’Ajax, avec les services de la Préfecture et les services de police de la DDSP pour mettre en place une meilleure gestion de la globalité du flux de supporters entre le centre-ville et le stade. Nous nous mettons en état de ne pas reproduire ce qui a été fait et d’évoluer dans le bon sens pour améliorer la sécurité du site.
Jean-Michel Aulas, beaucoup estiment que vous avez sauvé la tenue du match OL – Besiktas en descendant sur le terrain. Que s’est-il passé dans votre tête à ce moment-là ?
Le sens des responsabilités, on l’a ou on ne l’a pas. Quand j’ai vu que le terrain était envahi, je ne connaissais pas l’origine de ce mouvement. Je ne savais pas que des brigades anarchistes turques avaient pénétré de force dans le troisième niveau et qu’elles avaient inondé de projectiles nos supporters. D’une part, j’ai pensé que des incidents graves avaient amené les supporters à quitter leur place. Deuxièmement, j’ai trop l’habitude des décisions de l’UEFA pour avoir un temps imaginé que le match allait être arrêté, reporté, voire même annulé, et avec notre responsabilité totale. Cela voulait dire non seulement match perdu pour l’OL, mais probablement exclusion des Coupes d’Europe. Donc j’ai immédiatement réagi sans demander à personne. Je n’ai d’ailleurs pas eu Xavier Pierrot avant de pénétrer sur la pelouse, je l’ai eu après. J’ai réussi à trouver les responsables du Virage Sud pour leurs demander impérativement, en faisant appel à leur sens des responsabilités et à leur attitude de défense de l’institution, de regagner leur place. Puis là, j’ai commencé à prendre contact par téléphone avec Xavier et le Préfet pour comprendre ce qui se passait. Les responsables du Virage Sud m’ont indiqué qu’il y avait un bombardement systématique par des Turcs du troisième étage. On a alors commencé à mener l’action qui a permis de ramener les supporters dans la tribune.
Vous décidez alors de passer le match en tribune…
…J’ai senti que de dire que j’allais, moi aussi, rester là-bas, montrerait que le danger était écarté, que nous allions prendre toutes les mesures de protection pour ramener les choses dans le bon sens. Il y a eu des discussions avec les supporters, des échanges quelques fois assez violents pour les convaincre de revenir. Je remercie la Préfecture d’avoir envoyé au même moment des forces de l’ordre directement au troisième niveau. Je remercie aussi les responsables du Virage Sud qui m’ont beaucoup aidé. Ce sont eux qui ont récupéré tous leurs supporters, tous les fans. Je leurs ai expliqué qu’il allait falloir entre vingt minutes et une demi-heure pour prendre possession de la troisième volée. Ce qui a été fait en un petit peu plus d’une demi-heure.
Xavier Pierrot : La collaboration avec les kops est importante que ce soit avec le Virage Sud ou le Virage Nord. Je les remercie aussi de ne pas avoir bougé au moment où tout le Virage Sud descendait sur la pelouse pour se protéger. Les leaders ont été responsables et ont demandé à leurs troupes de ne surtout pas paniquer et de rester en tribune calmement. Cette gestion globale a permis justement de reprendre le match et, moi, je garde le côté positif. Si vous prenez les dernières présences de clubs turcs en France, à Marseille contre Fenerbahçe , à Paris contre Galatasaray et à Gerland pour France-Turquie, ça a toujours été des moments très difficiles, voire qui se sont terminés avec les forces de l’ordre en bord de pelouse. Là il y a eu un moment de tension très important. Mais ensuite, avec la présence du président en tribune et la reprise en main par les équipes de sécurité avec l’aide des gendarmes mobiles, il n’y a plus eu d’incident jusqu’à l’évacuation finale. Elle s’est particulièrement bien passée. Une évacuation en deux-temps avec la volée basse d’abord et intermédiaire pour éviter les mélanges. Dans la réaction, je pense que tout a été bien fait. En sectorisant la volée haute et la volée basse, la conception du stade a permis de ne pas avoir d’incident en fin de match.
Jean-Michel Aulas : En complément de ce qu’a dit Xavier Pierrot. Je suis allé dans le Virage Sud parce que c’est là que sont nées les attaques de ces groupes turcs de la troisième volée. Mais j’avais aussi proposé de passer la deuxième mi-temps avec le Virage Nord, parce que ça me paraissait essentielle qu’il y ait équité. Cela n’a pas été possible. Pour rendre hommage au Virage Nord, j’ai donc participé à l’entraînement en Turquie avec leur écharpe. Je me suis présenté devant la presse avec cette écharpe, certains journalistes n’ont pas compris pourquoi. C’était pour remercier le Virage Nord, et rappeler ce moment important où ils ont eu leur heure de sécurité et de maîtrise.
Allez-vous faire appel de la décision de l’UEFA (Les deux clubs seront exclus de toute compétition européenne si des incidents venaient à se reproduire dans un délais de deux ans. Les deux clubs écopent également d’une amende de 100 000 euros) ?
Xavier Pierrot : Nous avons demandé les attendus du jugement, puis nous avons cinq jours pour faire appel une fois que nous les recevons. Pour l’instant, nous ne savons pas pour quelles raisons les décisions ont été prises. Donc tant que nous n’avons pas ces éléments-là, nous ne pouvons pas nous positionner sur le fait de faire appel ou pas.
Jean-Michel Aulas : L’UEFA a géré cette situation de crise de manière très professionnelle en prenant cette décision avant que le match à Besiktas se déroule, c’est-à-dire mercredi soir. Elle a permis que le match se passe correctement et que nous puissions avoir une chance de l’emporter. Et cela a été le cas. Après nous verrons avec les attendus s’il y a matière à faire appel ou pas.
Est-ce que vous n’auriez pas intérêt à internaliser les stadiers et les équipes de sécurité au sein d’une structure OL et de ne pas faire appel à des entreprises externes comme c’est le cas aujourd’hui ?
Jean-Michel Aulas : C’est toujours une question que nous pouvons nous poser. Pour l’instant, je n’ai évidemment pas les éléments qui permettent de savoir si nous aurions autant de souplesse, d’efficacité et de disponibilité.
Xavier Pierrot : Certains clubs en France ont des services de sécurité interne sur des quantités minimes. L’encadrement est interne, mais les stadiers sont externes. C’est quelque chose que nous avons commencé à regarder il y a quelques mois en arrière. On n’a pas donné suite, car la situation juridique française fait que c’est très compliqué d’avoir une société interne.
Jean-Michel Aulas, que ressentez-vous à l’idée que vous allez recevoir la décoration d’officier de la Légion d’honneur des mains du président François Hollande (NDLR : l’interview a été réalisée avant la cérémonie) ?
C’est une belle satisfaction, une grande fierté. Les couleurs rouge et bleu du grade d’officier vont bien ensemble et cela me rapproche des couleurs de l’OL et de la France. J’en suis très fier. Pour rien au monde, je n’aurais manqué cette opportunité de la recevoir des mains du Président de la République. Les choses se sont décidées quand il est venu pour la finale de la Coupe de la Ligue. Je n’avais pas osé faire une demande personnelle, c’est François Hollande qui me l’a proposé. Je le remercie du fond du cœur.
Cette année, vous fêtez vos trente ans à la présidence de l’Olympique lyonnais. Pour cet anniversaire, il se passe beaucoup de choses belles et moins belles… Est-ce que vous imaginiez une trentième année comme celle-là quand vous avez commencé ?
Non parce que je ne pouvais pas savoir que nous serions au plus haut niveau du football français et maintenant européen. Il y a eu des moments très difficiles… Par contre, pour tout l’or du monde, jamais je ne renierai tout ce qui a été fait et ce sont trente années de bonheur, de grandes responsabilités et quelques fois de grandes inquiétudes. Seulement, c’est une histoire tellement riche sur la nature humaine, la société en général. Pour rien au monde, je ne regrette ces trente ans.
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