EXCLUSIF - Devenu la tête de Turc d’une partie du public lyonnais, Jean II Makoun ne fait pas mystère d’un départ lors du mercato hivernal. Dans un entretien qu’il nous a accordé, le milieu de terrain livres sans concession “ses vérités”.
Lyon Capitale : Quel bilan tirez-vous depuis que vous êtes à Lyon ?
Jean II Makoun : Je peux difficilement parler de cette saison puisqu’elle débute. Les deux premières saisons, j’ai disputé pas mal de matches. J’ai apporté tant que j’ai pu tant défensivement qu’offensivement. J’ai marqué pas mal de buts (huit toutes compétitions confondues lors de la saison 2008/2009, deux en 2009/2010, NDLR). Si vous regardez mes stats, elles sont plutôt bonnes. J’ai fait deux saisons pleines. Le point négatif, c’est qu’on n’a pas gagné de titres. Comme les joueurs qui sont arrivés à cette époque, c’est difficile de passer derrière des joueurs titrés. Cependant, on a tout de même franchi un palier en Ligue des Champions, en accédant à cette demi-finale l’an dernier contre le Bayern Munich.
Lors de votre arrivée, on a beaucoup évoqué cette somme de 14 millions d’euros que Lyon a déboursée pour vous recruter...
Je ne me suis jamais focalisé sur cette somme. Je ne me suis pas mis de pression. Je suis un sportif et c’est avant tout le terrain qui m’intéresse. Vous le savez bien, si ça se passe bien, on fait vite abstraction de tout ça. Dans le cas contraire, on vous rappelle vite le prix que vous avez coûté.
Avec du recul, ne pensez-vous pas que cette somme était excessive ?
Non, je ne pense pas. Lyon ne m’a pas recruté sur un coup de tête. J’avais déjà failli signer à l’époque de Gérard Houllier. Les choses ne se sont pas faites car Lille s’était requalifié en Ligue des Champions et souhaitait me conserver. Les dirigeants lyonnais ne sont pas fous. S’ils ont déboursé une telle somme, c’est qu’ils estimaient que je le méritais.
Comment expliquez-vous qu’au fil du temps, et malgré de bonnes statistiques individuelles, votre image à Lyon s’est dégradée progressivement ?
Les spécialistes du football, les personnes objectives, le savent très bien. Ce souci avec les supporters ne vient pas de mes performances sportives. Je sais que ça ne vient pas du stade. Ça vient d’ailleurs. Certaines personnes insinuent que je suis le “fils“ du coach.
Même les représentants des Bad Gones vous ont reproché ouvertement d’être le protégé de l’entraîneur...
Ils m’ont tout de suite parlé du coach. On ne me parle pas du terrain mais immédiatement du coach. Qu’est-ce que cela a à voir ? Pffff...Ça m’énerve plus qu’autre chose.
"Même certains de mes coéquipiers me chambrent avec cette histoire de fils du coach... c’est lourd"
Est-ce que vous trouvez ça injuste ?
C’est très injuste. On peut me reprocher mes performances sportives, il n’y a pas de souci. J’accepte toutes les critiques à ce sujet. Mais pas ce prétendu lien avec le coach...
Certes, mais le coach semble vous apprécier particulièrement...
Mais pas plus qu’un autre. Avec le coach, on se dit bonjour et ça s’arrête là. On peut discuter comme un entraîneur avec un joueur, mais rien de plus. À force de dire que je suis le “fils“ du coach, certains de mes coéquipiers me chambrent avec ça. Je sais que c’est de l’humour. Mais, au bout d’un moment, c’est lourd.
Selon nos informations, à plusieurs reprises depuis le début de saison, vous vous êtes accroché avec Claude Puel...
Oui, mais les gens ne le savent pas. Ou alors ils le savent mais croient que c’est du cinéma. C’est difficile à expliquer.
Aujourd’hui, vous êtes un joueur qui ne peut jouer qu’à l’extérieur...
C’est incroyable ! Je ne comprends pas. Ne pas me faire jouer à domicile à cause de personnes qui me sifflent. Vous trouvez ça normal ?
Mais comment se fait-il qu’un entraîneur accepte de sacrifier un joueur car le public siffle ?
La première fois que c’est arrivé, c’est contre Boulogne (la saison dernière, NDLR). Et après, j’ai quand même joué beaucoup de matches à Gerland. Et le public était le même. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je n’ai pas envie d’entrer dans la tête du coach... Je garde tout pour moi.
Vous avez déclaré à plusieurs reprises que ces sifflets récurrents ne vous touchaient pas. On n’y croit pas une seconde. Franchement, ça vous perturbe forcément non ?
Attendez, celui qui va vous dire que ça ne le touche pas, c’est un menteur. Je ne vais pas vous dire que la situation me plaît. Après, je ne vais pas me mettre non plus à faire la guerre. Je fais avec, je n’ai pas le choix. Rien que de voir des gens de ma famille hésiter à venir au stade de peur d’entendre ces sifflets... c’est très difficile à vivre. Après, j’essaie de faire mon travail du mieux que je peux.
Est-ce que la situation actuelle peut jouer sur votre avenir ?
Il y a un mercato qui va arriver (la période hivernale des transferts débutera le lundi 3 janvier 2011 et s’achèvera le lundi 31 janvier 2011 à minuit, NDLR). S’il y a des opportunités, il faudra que je prenne la bonne décision. Maisc’est sûr que rester malgré ce qui se passe, ça va être très dur. S’il faut encore attendre six mois après le mercato, ça sera très difficile. Je n’arriverai pas à supporter cette situation jusqu’à la fin de saison. J’arrive à tenir car je me dis que c’est bientôt terminé.
“Avec la sélection du Cameroun, nous nous sommes comportés comme des amateurs”
Êtes-vous soutenu par vos coéquipiers ?
Énormément. Mes coéquipiers ont toujours été là. Mais ils se sentent impuissants.
Certains supporters vous reprochent aussi de sourire après les défaites...
C’est encore des excuses qui ne doivent pas exister. C’est vraiment n’importe quoi. Je n’ai rien à me reprocher de ce côté là.
A contrario, certaines personnes vous apprécient et vous demandent des autographes régulièrement...
Oui, ils me disent que c’est injuste ce qui m’arrive. Après, je n’ai pas envie d’entrer en conflit avec qui que ce soit. Je ne veux pas entrer dans la polémique.
Concernant votre avenir, Didier Deschamps, l’entraîneur de l’OM, vous aurait appelé l’été dernier. Lui nie. Qu’avez-vous à dire ?
Je n’ai pas envie de faire de commentaires mais je ne savais pas que la question lui avait été posée.
Donc on en déduit qu’il a vous appelé...
(Il hausse les épaules puis sourit)
Quel est votre regard sur les performances des jeunes ?
À chaque fois qu’on leur donne une chance, ils la saisissent très bien. Ils font des bons matches et s’investissent beaucoup au quotidien. Il faut leur tirer un gros coup de chapeau.
Selon vous, Lyon peut-il encore gagner le championnat ?
Oui, bien sûr. On n’est pas loin des équipes de tête malgré notre mauvais départ. Après, il ne faut pas se voiler la face. On ne domine pas notre sujet. À nous de bosser et de corriger ça. Et réaliser un match référence de la 1ère à la 90ème minute.
Un petit mot sur ce qui se passe au sein de la sélection camerounaise. Visiblement, c’est un peu la cacophonie...
Ça fait huit ans que je suis avec la sélection, c’est toujours la même chanson. On était en train de changer avec Paul le Guen, il nous a amené un cadre à l’européenne. Malgré ça, on n’a pas su profiter du bien qu’il nous avait apporté. On avait tout pour nous. Franchement, nous les joueurs, on n’a pas fait ce qu’il fallait. On a eu des problèmes d’ego et nous nous sommes comportés comme des amateurs. Personne ne le dit mais on n’a vraiment pas aidé le coach. Le staff avait fait ce qu’il fallait pour nous préparer au mieux. On n’a pas respecté notre maillot.