Pour un journaliste, Hugo Lloris n’est pas à proprement dit ce qu’on appelle un bon client. Le gardien de l’OL et de l’équipe de France a vite appris et mis en pratique les codes de la langue de bois si répandus dans le milieu du football. Dans cet entretien paru dans Lyon Capitale daté de février 2012, Hugo Lloris lève un peu le voile sur sa personnalité, pas si convenue qu’elle en a l’air.
Lyon Capitale : C’est votre quatrième année à l’OL et vous n’avez toujours pas glané le moindre titre. À un moment donné, vous ne vous êtes pas dit : “je suis le chat noir”.
Hugo Lloris : Non, parce que je m’investis à fond. Et à partir du moment où l’on s’investit dans un collectif, il n’y a pas trop de regrets à avoir. C’est pour ma conscience. On sait qu’une carrière est à la fois courte et assez longue, il faut profiter de chaque année. Et c’est vrai que lorsqu’on a l’occasion de pouvoir jouer un trophée, il faut le gagner. Même si, depuis mon arrivée au club, on n’a rien gagné... Pour un club ambitieux comme l’OL, j’ai bien conscience qu’il faut rectifier le tir.
L’objectif minimal de l’OL, c’est clairement le podium ?
Oui, clairement ! Ça a toujours été le podium. À nous d’y être à la fin de saison.
Cette saison, votre rôle a-t-il changé au sein du vestiaire ?
Mon rôle, même si je suis considéré comme un cadre par mon statut, c’est d’être gardien de but (sourire). Ma fonction est toujours la même, c’est-à-dire, d’être le plus performant possible pour mes coéquipiers. Après, il y a des périodes où l’on est plus en réussite que d’autres. Mais c’est valable pour n’importe quel joueur. Le plus important, c’est de s’inscrire dans un collectif, d’être le plus compétitif. Pour cela, il faut être performant lors des matchs. Il faut toujours entretenir une certaine relation avec ses coéquipiers afin de faire avancer les choses. Ça peut paraître bateau mais c’est primordial, car un groupe ça reste fragile. Le moindre détail peut faire basculer d’un côté comme de l’autre.
Pensez-vous que l’OL va gagner un trophée cette saison ?
On se rend compte que ce n’est pas une chose facile de gagner un titre. Ça ne dépend pas que d’un ou deux joueurs mais véritablement d’un collectif. On sait bien qu’un collectif, ça reste fragile surtout sur une saison entière. D’être régulier tout au long d’une saison, ça demande beaucoup d’investissements et d’efforts. Sur les trois dernières saisons, ça s’est joué à pas grand-chose et au final, on n’a rien obtenu. En championnat, rien n’est joué, la saison est loin d’être terminée même si on voit que le PSG réalise une bonne saison. Ça reste encore ouvert. C’est toujours une question de régularité. Si on arrive à enchaîner quatre, cinq bons matchs, on peut revenir très vite.
Donc, selon vous, l’OL n’a pas dit adieu au titre ?
Pour le titre, tout est encore possible. Certes, on a pris du retard sur Paris mais en tant que compétiteur, on se dit que rien n’est encore joué. Il faut pour cela réaliser un bon parcours à domicile en remportant tous nos matchs et lâcher le minimum de points à l’extérieur. Il faudra aussi pouvoir compter sur un effectif au complet, et être le plus compétitif possible. Car sans chercher de fausses excuses, les blessures nous ont pas mal handicapés. Les jeunes, même s’ils manquent d’expérience, ils peuvent nous aider, à eux de se rendre indispensables. Bref, ce n’est pas un scoop, pour conquérir des trophées, il faut que tout le monde tire dans le même sens pour que le collectif fonctionne.
“La réinsertion des prisonniers est un sujet qui prête à réflexion”
Ne faut-il pas forcer un peu votre trait de caractère. Un leader dans une équipe, ne doit-il pas de temps en temps “gueuler” pour faire passer des messages ?
Non, un leader, ce n’est pas forcément quelqu’un qui aboie. C’est quelqu’un qui voit les choses justes et qui entraîne les autres dans le même sens. Sur le terrain, c’est suffisant, si on peut le faire également dans le vestiaire, ça peut être une bonne chose. Seulement, à mon avis, il ne faut pas forcer les choses. Cela doit se faire naturellement.
Avez-vous le sentiment que l’image que les médias et les supporters donnent de vous (introverti, discret, simple) correspond à votre véritable personnalité ?
Je ne sais pas ce qui est dit sur moi. J’essaie d’être moi-même. D’être avant tout un sportif de haut niveau et de le rester au maximum. Ce qui m’intéresse c’est le football, de prendre du plaisir dans la pratique de ce sport. En dehors, j’ai ma vie privée et je reste quelqu’un de simple. Je ne pense pas avoir changé ou on me l’aurait dit. J’ai une certaine éducation que m’ont apportée mes parents, ma famille. J’essaie de m’y tenir et de faire la même chose avec ma petite fille. Je fais en sorte qu’elle reste dans le droit chemin (sourires).
On a le sentiment, que le fait de soutenir, l’association de Pierre Botton “Les prisons du cœur” va à l’encontre de votre image. La prison, c’est un univers difficile. Vous le savez bien, ce type d’engagement peut déplaire à une partie de l’opinion...
Vous avez raison, c’est une cause sensible. Il faut prendre du recul sur les choses sensibles et ne pas réagir à l’emporte-pièce. Je vois plus cela dans un esprit de solidarité. Je ne suis pas un juge, je ne suis pas chargé d’envoyer les détenus en prison. Pour ceux qui ont commis des petits délits, je pense qu’il est possible de se remettre dans le droit chemin pour se réintégrer dans notre société. Il ne faut pas tout confondre. Je suis le premier à punir les gros délits et tout ce qui est crimes sexuels. Mais les petites erreurs, ça peut arriver à n’importe qui. Je trouve que le projet de Pierre Botton est intéressant. Redonner une formation, une certaine rééducation et préparer la liberté afin de ne pas commettre de nouveaux délits, c’est plutôt une bonne action. C’est un sujet qui prête à réflexion. La fondation de l’OL permet justement aux joueurs de s’associer à différentes initiatives comme d’aller à la rencontre d’enfants malades, de jeunes en difficulté. C’est vraiment très intéressant et instructif.
Vous êtes footballeur, vous gagnez bien votre vie. Pensez-vous que c’est quelque part logique pour vous de redonner aux autres à travers ces différentes actions mises en place par la fondation de l’OL ?
Les footballeurs sont des personnalités publiques. Il y a beaucoup d’enfants qui se reconnaissent en nous. Qui rêveraient d’être à notre place. Notre présence leur apporte un instant de bonheur. Ça n’a pas de prix. Et puis, ça nous permet de garder les pieds sur terre et d’avoir toujours à l’esprit que le plus important, c’est d’avoir la santé, de conserver l’esprit familial. Certes, il y a beaucoup de business autour du football, il y a beaucoup d’enjeux économiques, mais n’empêche, il faut sans cesse relativiser et ne pas se déconnecter de la réalité de la vie de tous les jours. Même si ce n’est pas très médiatisé, de nombreux joueurs de l’OL participent aux actions de la fondation. On a souvent une image du footballeur qui se résume aux boîtes de nuit, à l’argent, aux belles voitures et aux filles... Alors que derrière, il y a une certaine sensibilité et une humanité.
“Mon amitié avec Lisandro ? Ce n’est pas évident d’expliquer ce type de rapprochement”
On a le sentiment que vous vous êtes rapproché de Lisandro. Comment expliquez-vous votre complicité ? Qu’appréciez-vous chez lui ?
Avec Licha, on a toujours été plus ou moins proches. On partage des valeurs en commun. Même si lui est argentin et moi français, on a des convictions identiques. Ce n’est pas évident d’expliquer ce type de rapprochement. Ça se fait naturellement. Il y a un très bon feeling entre nous. Ceci étant, cela ne nous coupe pas du reste du groupe.
Quel est votre regard sur ce qu’il apporte à l’équipe ?
C’est un élément moteur important de notre équipe. On peut compenser sur quelques matchs, mais après sur une saison complète, il a une importance, un impact... c’est un joueur décisif qui apporte beaucoup à un collectif car il a cette faculté à tirer tout le monde dans le même sens.
Avez-vous pris une décision concernant votre avenir ? Vous avez un plan de carrière ?
Je n’ai jamais défini de plan de carrière mais j’ai toujours été attiré par le très haut niveau. Le passage de Nice à Lyon a été une belle étape. Je me sens bien à l’OL, j’y travaille très bien. J’essaie toujours de vouloir progresser et d’apporter le meilleur de moi-même. Lyon m’a ouvert les portes de l’équipe de France. Maintenant, il est trop tôt dans la saison pour parler de mon avenir. Me concernant, c’est toujours une question de sensation... On verra en temps et en heure. Ce n’est pas d’actualité. Il y a trop d’enjeux, de matchs à jouer pour évoquer cet aspect des choses.
Hugo, vous jouez à Lyon, vous êtes le gardien de l’équipe de France. Sincèrement des fois, vous-vous dites pas : “Qu’est-ce je peux être fier de mon parcours !”?
Non, mais je ne me rends pas vraiment compte. Parce qu’on est en plein dedans. On ne calcule pas. Je ne me projette pas dans le temps, je ne regarde pas derrière moi, je vis toujours au moment présent. J’ai toujours et estimé que les choses venaient naturellement.
On se trompe si on vous dit que le jour où vous allez quitter Lyon, la séparation avec Joël Bats (l’entraîneur des gardiens) sera difficile. Parfois, on vous observe lors des entraînements à Tola Vologe et votre complicité fait plaisir à voir...
Franchement, c’est plaisant d’entendre ça. Joël, c’est avant tout un passionné. Il donne sans calculer. Il protège ses gardiens de but, il les met dans les meilleures conditions possibles pour les faire progresser. Il sait dire les choses, même ce qui parfois n’est pas facile à entendre, en étant juste. Il cherche toujours à nous faire avancer par un discours, des gestes, un regard... On bosse à fond. Et à côté de ça, même en dehors des terrains, il est très généreux, très attachant. Alors oui, il y a une relation forte qui s’est construite dans le temps. Vous savez, ma confiance, je la donne très rarement, mes amis sont les mêmes depuis le collège, donc avec Joël, même si un jour je quitte Lyon, les liens ne seront pas cassés. C’est pour la vie.
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