Pierre Vincent : "Ne pas se prendre pour ce que l’on n'est plus"

Après deux saisons mi-figue mi-raisin, entachées de crises internes et de problèmes d’egos, l’ASVEL aspire à retrouver un peu de sérénité. Une opération reconquête, du public notamment. Pour satisfaire ses desseins, le nouveau directeur général Tony Parker a choisi Pierre Vincent, le coach de l’équipe de France féminine. Franc, direct, l’homme a ses idées et n’a pas la langue dans sa poche. Il peut apporter le vent nouveau dont l’ASVEL a tant besoin pour se relever. Et redorer son image, bafouée depuis quelques années.

Lyon Capitale : Après huit années passées à entraîner les féminines de Bourges, vous arrivez à l’ASVEL. Mais dans quelle galère vous-êtes vous mis ?

Pierre Vincent : C’est ce que tout le monde me dit (rires). Tout se passait très bien à Bourges, mais je n’avais plus rien à prouver. C’est le bon moment pour partir. Dans une carrière, il y a des moments pour tout, et la possibilité de venir à Villeurbanne, c’est une belle opportunité. C’est une chance et un défi.

Il se murmure que Tony Parker* a joué un rôle fondamental dans votre décision…

Oui. Sans lui, je ne serai pas venu ici. C’est un choix difficile pour le monde du basket, qui est assez consanguin. Les gens tournent dans les différents clubs, on fait peu appel à des gens nouveaux. Tony a été très important dans le fait de me proposer ce poste et aussi de me décider à accepter.

Est-il très difficile de passer du basket féminin au masculin ?

On positionne souvent le basket féminin et je dirais même le sport féminin comme un sous-produit. Et pourtant, dans le basket, c’est les filles qui rapportent les médailles. Ce qui masque la vision des gens, c’est la côté spectaculaire, le fait de dunker, contrer. Mais à mon avis, c’est le côté pervers et faible du basket masculin. Les bonnes équipes s’expriment différemment, avec d’autres qualités.

Vous débarquez à l’ASVEL, un club où l’individualisme a souvent pris le pas sur le collectif ces dernières saisons. Le chantier s’annonce immense, non ?

C’est quelque chose qui revient beaucoup, les histoires d’egos, de clans, de déficit d’image lorsqu’on évoque l’ASVEL. De toute façon, on ne peut pas fonctionner efficacement sans un bon collectif. On existe collectivement que lorsqu’on travaille ensemble. Je vais m’employer à créer de la cohésion. Apprendre à se connaître, à travailler ensemble, à accepter les différences, à communiquer.

"Tout le monde veut des ambitions pour nous"

Quelle est votre philosophie de jeu ?

On ne peut pas s’exprimer au plus haut niveau si on ne défend pas bien. Après, offensivement, il faut jouer avec discipline. Etre patient, lire les comportements, savoir répondre aux situations, jouer ensemble pour trouver le meilleur tir. Et l’intensité est primordiale.

Quels sont les objectifs du club cette saison ?

Tout le monde veut des ambitions pour nous. L’ASVEL a eu beaucoup de moyens pendant deux ans, a été en échec pendant ces deux saisons. Stratégiquement, les dirigeants ont expliqué qu’il y avait une coupe dans le budget, une réorientation des sommes, une masse salariale en baisse sensible…

Si on vous suit bien, vous ne voulez pas vendre du rêve à un public exigeant, lassé des crises successives. Mais l’ASVEL a un standing à défendre, non ?

C’est le discours du club. Et je suis un employé du club. Je ne vais pas employer des stratégies de communication différentes. Et puis, cela me va bien. Ce que je peux garantir, c’est qu’on va mettre les jeunes sur le terrain, qu’on va mettre de l’intensité. Après, on a moins de moyens, mais pas moins d’ambitions. L’objectif, c’est les play-offs. Et après, si on réussit à se qualifier pour les play-offs, on reste vivant. Et tant qu’on est vivant, on n’est pas morts. Et tant qu’on n’est pas morts, on peut être champion. Ce n’est pas un manque d’ambition, il faut juste mettre les choses dans le bon sens. Et ne pas se prendre pour ce que l’on n’est plus.

* Pierre Vincent était l’entraîneur de Tony Parker lors du championnat d’Europe junior en 2000.

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