Comics : les séries télévisées, nouveau Graal des superhéros

Ils ne pouvaient pas se contenter d’envahir les salles obscures, les superhéros de la bande dessinée américaine (comics) ont désormais jeté leur dévolu sur le petit écran. La saison 2012-2013 était déjà chargée en adaptations, l’année 2014 pourrait bien être celle de l’overdose.

Les superhéros de comics sont partout. Après avoir délaissé un temps la télévision, les voilà de retour sur le petit écran. La mode n’est pas nouvelle : dans les années 1960, la série Batman était un véritable phénomène populaire. La décennie suivante fut marquée par le short minuscule de Lynda Carter dans la série Wonder Woman mais aussi par celui de Lou Ferrigno dans L’Incroyable Hulk. Par la suite, les années 1990 ont été placées sous le signe de Superman, avec Les Nouvelles Aventures de Loïs et Clark, une série légère et décalée en contradiction avec le monde des comics, alors plus sombre, plus “réaliste”. Quand Superman roucoule avec sa bien-aimée sur la chaîne ABC (aux États-Unis, M6 en France), il meurt dans d’atroces souffrances dans la BD. Le comics Watchmen et Batman/The Dark Knight Returns sont passés par là. Les héros affichent désormais leurs failles au grand jour et doivent être torturés. La télévision ne peut décemment pas suivre cette tendance, comics et série ne sont alors plus faits pour s’aimer. Un semblant d’union perdure à travers quelques dessins animés, mais les deux médias n’ont plus le même ton. Leur retour se fera par un autre art : le cinéma.

Quand le cinéma utilise les codes de la série

La mode des superhéros à la télévision n’a pas été relancée à partir d’une série basée sur un comics, mais grâce à une création originale. En 2006, la série Heroes (sur ABC aux États-Unis et TF1 en France) s’intéresse aux aventures d’êtres ordinaires qui obtiennent des superpouvoirs. Après une première saison prometteuse, le programme s’embourbe dans une triste médiocrité. Le coup d’accélérateur arrive alors du côté du cinéma, avec la réussite de Batman Begins, mais surtout des films Marvel dédiés au superhéros de cette grande maison d’édition.

En 2008, Iron Man inaugure l’ère des films qui utilisent à la fois les codes de la série télévisée et ceux des comics. Comme un épisode du petit écran ou une bande dessinée, Iron Man se termine par un “cliffhanger”. Ce ressort narratif permet de garder le spectateur en haleine en lui apportant, dans les dernières minutes du film, une révélation qui donne envie de voir la suite, tout de suite. En préparant les adaptations à venir, Iron Man introduit un univers plus important où le héros n’est plus seul. Les films qui suivirent – Thor, Captain America, Hulk – ont pris cette habitude de placer un cliffhanger après le générique de fin pour introduire d’autres longs-métrages. Le procédé a cependant ses limites. Iron Man 2, qui servait à introduire le film The Avengers, réunissant plusieurs héros, a pris des allures de longue bande-annonce bancale à l’intérêt cinématographique discutable. Autant il est possible de jouer sur l’attente du spectateur avec plusieurs épisodes d’une série télévisée, autant un film n’ayant pour but que d’en introduire un autre – au détriment de sa propre histoire – ne peut être que décevant. Pour les producteurs, il fallait donc trouver une nouvelle manière de lier les longs-métrages entre eux : les séries télévisées seront le média parfait pour y arriver.

Le petit écran pour prolonger l’univers du grand

Ces dix dernières années, les superhéros ont fait exploser les chiffres du box-office cinématographique. Il était logique qu’on les voie apparaître à la télévision. Le premier exemple d’une adaptation rencontrant le succès est la série The Walking Dead. Depuis 2010, elle raconte la survie d’un petit groupe d’humains dans un monde envahi par les zombies. D’autres programmes lui ont emboîté le pas, à l’image d’Arrow, adaptation du héros de DC Comics l’Archer Vert. À la télévision, ce dernier est devenu un ersatz de Batman. La filiation est pleinement assumée puisqu’il se bat régulièrement contre les ennemis de l’homme chauve-souris. Grâce au succès du programme, le personnage est maintenant pressenti pour apparaître dans le film La Ligue des justiciers, qui devrait voir le jour d’ici à la fin de cette décennie et réunir Batman, Superman, Wonder Woman et Flash (même si cela a peu de chance d'arriver).

Mais tout cela n’est qu’hypothétique et, après une première saison sympathique (bientôt diffusée sur M6), Arrow est parvenu à dépasser le stade de simple introduction. Depuis la rentrée, il s’agit de l’une des meilleures séries américaines en cours de diffusion. Les scénaristes ont su utiliser intelligemment des ennemis de l’univers de Batman, tout en explorant efficacement la question primordiale soulevée par l’apparition de tout justicier : doit-il tuer ses ennemis ?

De son côté, la chaîne américaine ABC diffuse depuis septembre Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D, une série qui se déroule dans le même monde que les films Iron Man, Captain America ou encore Thor. Malheureusement, même si le programme tente d’entretenir les liens avec ces longs-métrages, le résultat est catastrophique. Au contraire d’Arrow, qui parvient à utiliser efficacement un budget réduit, Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D multiplie les clichés et autres histoires inintéressantes. Le public américain ne s’est pas laissé piéger et fuit progressivement la série. Malgré cet échec populaire, la mode des comics à la télévision ne devrait pourtant pas fléchir.

2014, l’overdose ?

Les allergiques aux adaptations de comics risquent de ne pas souvent allumer leur téléviseur en 2014. Car les programmes du genre devraient y être omniprésents. La plateforme de streaming illimité Netflix, à qui l’on doit House of Cards, vient de lancer plusieurs projets consacrés au héros aveugle Daredevil, ainsi qu’à Luke Cage, l’un des premiers justiciers afro-américains de l’histoire. CW, à qui l’on doit déjà Arrow et Smallville, prépare un programme sur Flash, déjà adapté à la télévision en 1990 et qui sera introduit pour la première fois dans la série Arrow. De son côté, la Fox travaille actuellement sur Gotham, une série consacrée aux premières années du commissaire Gordon, s’inscrivant elle aussi dans l’univers de Batman. L’homme chauve-souris y serait évoqué comme une légende urbaine et n’apparaîtrait pas. Enfin, The Walking Dead devrait bientôt obtenir un “spin-off”, série dérivée complétant celle d’origine. L’overdose pourrait donc être irréversible et les comics de papier feraient presque figure de produits dérivés pour les séries et les films. Même si les héros n’ont jamais été aussi présents dans la société, les ventes des revues, elles, continuent de baisser inexorablement.

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Marvel versus DC Comics

Le monde des comics américains se partage entre deux grandes maisons d’édition. D’un côté, Marvel, avec SpiderMan, Iron Man, Wolverine, Hulk, Captain America ou encore Thor et les X-Men.
De l’autre, DC Comics, qui fait la part belle à Batman, Superman, Wonder Woman et Green Lantern. Marvel a toujours privilégié des héros humains rappelant que sous le masque se cache un être comme les autres. De son côté, DC a créé des demi-dieux qui font régulièrement face à des problèmes intergalactiques. Au milieu de ce combat qui dure depuis plus de soixante ans, certains éditeurs tentent de tirer leur épingle du jeu. Depuis une dizaine d’années, Image Comics a ainsi su attirer les lecteurs, notamment avec The Walking Dead, adapté depuis 2010 en série télévisée.

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