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Main intelligence artificielle

Entretien avec Pascal Montagnon, expert en intelligence artificielle

A l'occasion du Sommet sur l'intelligence artificielle (IA) organisé à Lyon, Lyon Capitale s'est entretenu avec un expert en intelligence artificielle.

Pascal Montagnon, expert en intelligence artificielle
Pascal Montagnon @Omnes Education

Pascal Montagnon est le directeur de la chaire de recherche digital, data sciences et intelligence artificielle du groupe OMNES Education. A ce titre, il est également l'organisateur de la 4ème édition du sommet de l'intelligence artificielle qui s'est tenu mardi 14 juin à Lyon. A cette occasion, Lyon Capitale l'a rencontré pour échanger à propos de l'intelligence artificielle et de son impact sur les évolutions de la société actuelle.

Lyon Capitale : Vous êtes directeur d'une chaire de recherche digitale, data sciences et intelligence artificielle. Pourriez vous nous définir ces trois termes ?

Pascal Montagnon : Ces trois mots sont complémentaires, parce qu'on ne peut pas parler d’intelligence artificielle sans parler de data. L’intelligence artificielle n’existe en effet que par la valeur de la data que vous récolter. Aujourd’hui, il faut bien comprendre que la data est de partout. Quand vous consultez internet, par exemple, vous laissez une trace. Cette trace va  fournir des données. Ces données vont ensuite être exploitées par différents biais qui permettront de mieux savoir qui vous êtes : vos habitudes de consommation, votre approche du business, etc. Dans la plupart des cas, quand vous cliquez sur un site internet, on vous demande si vous voulez accepter que ces données soient récoltées, ce que font 99% des gens. Dès lors, vous fournissez de la matière à ceux qui vont exploiter ces données. C'est ce qu'on appelle la data. Une des finalités de l’intelligence artificielle est d'utiliser cette data pour pouvoir déterminer des prédictions. Et plus il y a de data, plus les prédictions sont censées - a priori - être fiables.

De nombreuses entreprises parlent d’intelligence artificielle mais, en réalité, n'en font pas...

Le postulat de départ est qu’il faut faire un diagnostic : "de quoi ai-je besoin pour mon entreprise ? Quel type d’information est nécessaire pour pouvoir améliorer ma performance ?". Ce diagnostic est prépondérant pour parvenir à un résultat qui correspond au besoin, et limite aussi les investissements. Tout le monde dit que l’intelligence artificielle coûte très cher. Non, aujourd’hui nous pouvons faire des algorithmes très simples par rapport à votre demande.

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L’intelligence artificielle fait l’objet de nombreux fantasmes, notamment la mise en scène, à Hollywood, d'une concurrence avec l’intelligence humaine. Quels sont les points communs et les différences entre ces deux intelligences ?

Si elles ont en commun le mot intelligence, ça s’arrête là. Je ne fais pas partie de cette école qui pense qu’on se dirige vers le transhumanisme, à savoir que demain que les robots remplaceront les personnes. Les robots existent depuis des décennies sans qu’on puisse pour autant parler d’intelligence artificielle. Lorsque nous parlons d’automatisation des process, il y a déjà effectivement des robots, mais en aucun cas l’intelligence artificielle se substitue à l’intelligence humaine. D'abord, parce qu'il faut des hommes qui créent des algorithmes. Ensuite, parce qu'il faut que l’algorithme soit construit autour de quelque chose qui soit perfectible, et il n'y a que l'homme qui peut constater les biais et les corriger. 


"Nous ne pouvons pas demander à un algorithme de percevoir des sentiments ou d’avoir des émotions, c’est impossible."


Troisième et dernier point, nous savons qu’un algorithme est une "suite" mathématique, étrangère à toute notion d'affectivité. Nous ne pouvons pas demander à un algorithme de percevoir des sentiments ou d’avoir des émotions, c’est impossible. Je vous donne un exemple : lorsqu'elles recrutent, certaines entreprises font appel à des logiciels. En d'autres termes, le  CV du candidat est analysé par une intelligence artificielle à partir de mots clés. Lorsqu'une vidéo est demandée au candidat, c'est encore l’intelligence artificielle qui, par de la reconnaissance faciale par exemple, va sélectionner tel ou tel candidat. Ce n'est qu’à la troisième étape qu'intervient l'humain, c’est-à-dire le recruteur. Mais l'intelligence artificielle ne sait pas tout faire. Lorsque j'étais dirigeant d'entreprise, j'ai eu affaire à des candidats qui ne collaient pas au poste recherché mais avaient, en revanche, les qualités pour un autre poste. Je les mettait sur ce poste et ça collait. L’intelligence artificielle ne sait pas faire cela car elle est programmée pour recruter un individu sur tel ou tel poste avec telles ou telles caractéristiques.

Pourriez vous nous donner des exemples du quotidien où l’intelligence artificielle est présente, si ce n’est omniprésente ?

Dans deux ou trois ans, les cartes bancaires vont progressivement disparaître au profit du paiement sur nos smartphones, véritable concentré d'intelligence artificielle, c'est-à-dire au profit d’une application numérique, qui s’appuiera sur des algorithmes issus de l’intelligence artificielle.

Deuxième exemple, les véhicules autonomes. S'ils existent bel et bien, nous ne pouvons pas encore les  mettre sur la route parce qu’il y a encore de trop nombreux dispositifs que nous ne savons pas gérer. Par exemple, s’il un accident se produit avec une voiture autonome, c’est-à-dire sans chauffeur, qui est responsable ? Est-ce  le constructeur automobile ou les personnes à l'intérieur, ou encore le piéton qui est passé devant ? Il y a un vide juridique sur le sujet. Un véhicule autonome peut aujourd'hui fonctionner lorsqu’il n’y a pas de perturbation tout autour. Si vous mettez un véhicule autonome sur la place de l’Etoile, à Paris, à 18 heures, il sera complètement perturbé. C'est un perfectionnement sur laquelle la science travaille.

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Troisième exemple, perfectible, les caméras de vidéo-surveillance dans les villes. Après les attentats, Nice a notamment équipé la Promenade des Anglais. Cela permet d'utiliser la reconnaissance faciale, c’est-à-dire qu’une personne qui est recherchée par la police va automatiquement être détectée par les caméras, ce qui permettra par la suite aux forces de police  de faire leur travail. 

Le Sommet de l'intelligence artificielle, organisé à Lyon, a cherché à relier les questionnements économiques avec ceux sur la recherche autour de l’intelligence artificielle. Qu'est-ce que l'intelligence artificielle va apporter, à l’économie et  au management ?

Au sein du monde économique, il y a beaucoup d’interventions humaines dans les process. Or, qui dit intervention humaine, dit source d’erreur. L’intelligence artificielle va donc permettre une fiabilisation des process qui vont devenir plus performants si les algorithmes sont bien créés. De plus, l'intelligence artificielle amène de la rapidité : un algorithme va calculer en un millionième de seconde ce que vous et moi aurions peut être calculer en cinq minutes. La rapidité d’exécution va amener un résultat exploitable qu’un humain basique ne pourrait produire. Nous le voyons dans notre vie quotidienne.


"Pour le management, l'intelligence artificielle apporte une remise en question que l’entrepreneur ne peut pas nier."


Pour le management, l'intelligence artificielle apporte une remise en question que l’entrepreneur ne peut pas nier. De nouvelles compétences apparaissent ainsi que de nouveaux métiers. Par exemple, apparaissent data scientists qui n'existaient pas il y a quelques années, d'autres métiers vont aussi devoir être créés. Nous en formons d'ailleurs dans nos écoles, car il est important que les managers soit capables de comprendre les algorithmes, car ils ne peuventt pas se reposer entièrement sur un data scientist qui peut créer des biais en manipulant l'algorithme. 

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Prenons un exemple connu : Amazon a du revoir ses algorithmes de recrutement car ils se sont rendus compte que l'algorithme favorisait les hommes par rapport aux femmes. Lorsque l'on corrige rapidement ces biais, ils n'ont pas beaucoup d'effets. C'est ce qui s'est passé dans le cas d'Amazon. Dans le management, il va falloir gérer de nouvelles compétences techniques et de nouveaux métiers. Surtout, aujourd'hui, un manager voit sa légitimité reposer sur le fait qu'il est la référence technique dans son domaine. Or, avec l'intelligence artificielle, ce ne sera plus forcément le cas. Ainsi, au lieu de gérer les hard skills comme les compétences techniques, le manager pourra se concentrer sur les softs skills qui correspondent aux aspects comportementaux.


"Aujourd’hui, vouloir avoir son équipe autour de soi, c’est un système qui est dépassé."


 Cela n'a échappé à personne, avec la pandémie, le télétravail a fait son apparition, ou tout du moins il s'est fortement développé. Pour garantir leur attractivité, les entreprises doivent proposer des alternatives aux présentiel permanent. Derrière cette question de télétravail on trouve aussi l'intelligence artificielle. Aujourd’hui vouloir avoir son équipe autour de soi, c’est un système qui est dépassé. Les managers vont devoir apprendre à gérer d’autres formes de travail.

Quels sont les défis auxquels est confrontée l'intelligence artificielle ?

Je ne fais pas de science-fiction, même si d'autres en font leur fonds de commerce. A mon sens, l'intelligence artificielle est une évolution technique dont les applications permettront de vivre mieux, à tout le moins de vivre autrement. Actuellement, l'intelligence artificielle n'est pas en capacité de faire de nombreuses choses. On m'a récemment fait remarquer que l'intelligence artificielle n'a pas été capable de prédire le Covid-19. Cela s'explique par le fait que, du fait que la situation était inédite, il n'y avait pas de données sur le sujet. Selon moi, les grands enjeux de l’intelligence artificielle de demain vont être de continuer à toujours progresser avec  un perfectionnement de la puissance des outils et notamment avec ce qu’on appelle le quantique.


"Le quantique va nous donner cette opportunité là d’avoir des ordinateurs encore plus puissants et plus rapides"


Par exemple, nos smartphone actuels ont la puissance des ordinateurs qui servaient pendant la guerre du Golfe en 1992. Pendant une période, la technologie progressait à un rythme important, mais depuis quelques années nous ne savons plus faire des produits plus puissants. Or, le quantique va amener une nouvelle phase de progression et nous allons voir des ordinateurs super puissants avec des supercalculateurs. Avec la 5G, nous allons consommer de plus en plus de données et sans quantique nous ne seront pas en capacité de traiter ces données. Le quantique va nous donner cette opportunité là d’avoir des ordinateurs encore plus puissants et plus rapides. Nous n'avons pas le choix : il faut foncer vers la 5G car pendant que nous débattons, les Chinois, eux, travaillent déjà sur la 6G, et ont déjà une guerre d’avance sur nous.

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