Fábio Moon et Gabriel Bá, auteurs de Daytripper : "Vertigo nous a conseillé de voir Irréversible"

Interview BD - C'est l'histoire d'un type qui meurt dans les vingt premières pages, mais ce n'est pas grave : carpe diem... Certaines BD sont capables de vous transporter au-delà du temps et de l'espace pour vous toucher au plus profond de votre âme. Daytripper fait partie de ces joyaux. Revenus bredouilles d'Angoulême, et c'est peut-être mieux pour eux, les auteurs Fábio Moon et Gabriel Bá nous accordent une interview.

Il ne faut parfois pas se fier aux noms sur une couverture. Fábio Moon et Gabriel Bá sont plus que de simples auteurs travaillant ensemble : ils sont frères jumeaux. L'un est droitier, l'autre gaucher, comme s'ils étaient faits pour se compléter. Ces deux brésiliens ont réussi à trouver une méthode de travail originale, se partageant tous les deux le scénario mais aussi le dessin de Daytripper. Rencontre avec deux grands talents de la BD mondiale

Lyon Capitale : N'est-ce-pas trop dur de travailler ensemble pour le dessin ?

Fábio : Non vraiment pas. Nous ne nous disputons jamais même si nous sommes dans la critique permanente. Nous avons réalisé le scénario ensemble. On a partagé et confronté nos idées pour écrire l'histoire. Ensuite nous nous sommes mis d'accord sur qui était le meilleur pour chaque passage. Après, nous ne touchons jamais au travail de l'autre. Si je ne suis pas content du résultat, je le lui dis et inversement. Parfois, je regarde ses planches et je lance: "Tu peux faire mieux que ça" et lui pareil.

LC : Votre BD est sortie en dix épisodes aux États-Unis, à raison d'un par mois, c'est pour cela que vous avez choisi ce découpage en dix séquences ?

Fábio : On savait que la publication serait mensuelle comme le veut le marché américain, mais on a créé des chapitres pour que ça fonctionne de toutes les manières. Que vous lisiez un épisode par mois, ou tout d'un coup, cela doit être cohérent.

Gabriel : Par contre, il y a des raisons pour que chaque chapitre soit lu dans l'ordre de parution des États-Unis, même s'il y a des séquences dans le passé ou dans le futur. Quand la publication américaine a débuté, nous n'avions fini que six épisodes sur dix. Nous avons réalisé les quatre derniers par la suite.

LC : Quand on lit Daytripper, on pense immédiatement à Irréversible et Un jour sans fin, est-ce volontaire ?

Fábio : Lorsque l'on a commencé ce projet, notre éditeur américain Vertigo nous a demandé de regarder Irréversible pour que l'on voit comment le réalisateur a géré sa narration. On l'a fait parce qu'il y avait Monica Bellucci dedans (rires).

Gabriel : Beaucoup de lecteurs font la liaison avec Un jour sans fin. Il y a une coïncidence avec Daytripper : une fête qui se passe dans notre BD se déroule à la même date que le jour de la marmotte que l'on voit dans un Jour sans fin. Mais ce n'est pas volontaire.

LC : Pourquoi avoir choisi le titre Daytripper, une chanson des Beatles ?

Fábio : Le morceau des Beatles peut être interprété de plusieurs manières. On voulait que ça soit aussi le cas pour notre Daytripper. Il n'y a pas de chapitre plus important qu'un autre, mais chaque lecteur peut être plus touché par certains passages.

Gabriel : Il y a beaucoup d'interprétations possibles. On a choisi un chemin mais chaque lecteur peut choisir le sien.

Fábio : Mais notre idée était avant tout est que la mort permet de se rendre compte de l'importance de la vie.

LC : Vous êtes venus en France pour le festival d'Angoulême, mais n'avez rien gagné ; pas trop déçus ?

Fábio : Un peu déçus mais on a fait trois jours de fête (rires). On a profité de la France et nous sommes heureux d'être ici avec nos lecteurs. Ils partagent avec nous leurs interprétations et expériences. C'est fantastique. Être sélectionnés à Angoulême, c'était déjà bien et cela va permettre de faire découvrir la BD à ceux qui ne l'ont pas lue (NDLR : déjà 20 000 exemplaires de vendus).

LC : Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

Fábio : Il y a trois ans nous avions consacré un album sur le jeune Hellboy. Mike Mignola son créateur s'occupait alors du scénario. Nous travaillons sur une suite et cette fois-ci, nous nous chargeons aussi de l'écriture. Nous avons beaucoup de liberté, et demandons juste à Mignla les règles de son univers, pour être cohérents. Là, on parle de vampire, on l'appelle et on lui dit : "Il doit être comment, quels sont tes codes ?".

Gabriel : D'ici la fin de l'année, je devrais commencer la suite d'Umbrella Academy. Nous allons essayer de nous coordonner avec Gerard Way qui s'occupe du scénario. Il est bien pris par son groupe de musique My Chemical Romance, et moi par mes projets, mais on devrait pouvoir réussir à se trouver du temps.

Daytripper - au jour le jour, de Fábio Moon et Gabriel Bá, aux éditions Urban Comics, 22€50.

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