"J'aime pas les autres", Jacques A Bertrand

J'aime pas les autres du lyonnais Jacques A Bertrand a reçu le prix Georges Brassens.

C'est un petit livre savoureux, à la fois grave et léger, drôle, touchant et très singulier. A l'image de son auteur. Car Jacques A Bertrand n'est pas comme les autres. Il se méfie des catégories (qu'on le classe dans les "jeunes", les "hommes" ou les "écrivains"), se tient à l'écart des clans, déteste la foule - sauf les mêlées qu'en ancien rugbyman, il adorait. Pour tout dire, cet individu n'aime pas les autres. "C'est des gens bizarres, les autres. Vous pensez qu'ils sont comme vous. Et pas du tout. Ils sont comme les autres. J'aime pas les autres" écrit-il. Alors imaginez son passage à l'armée, aux côtés des sous-offs qui veulent commander et d'hommes de troupe qui "détestent commander à part des bières pressions". Un enfer : "le service militaire, c'est que des autres" ! Il faut dire que plus encore que les autres, Jacques A Bertrand déteste les idées bien arrêtées, les doctrines et les certitudes. A la manière d'un funambule, avec une plume aérienne, concise, ce grand indécis cultive paradoxes et incertitudes. Il est à la fois Sartre et Beauvoir. Mais aussi gauchiste et très antigauchiste. "La crainte du paradoxe et le refus de la coïncidence des opposés me semblent le syndrôme d'une hémiplégie spirituelle" écrit-il. Il préfère le principe d'incertitude aux sciences exactes ; entrevoit plus d'éléments de réponses métaphysiques dans un fragment de poème ou de prière que dans une somme savante.

Les passages les plus drôles de J'aime pas les autres sont sans doute ceux consacrés au mystère féminin... Pour quelques moments de jouissance dans la "coïncidence des contraires" et dans la sensation d'être "en harmonie universelle en se fondant dans une croupe majestueuse", combien de savoureux décalages ! Face à une jeune femme qui lui parle crûment de bite, il se découvre "fanatique de l'amour courtois", face à une passionaria en guerre contre la faim dans le monde, il est obnubilé par son décolleté. A force de décalages, d'indécisions et de gentillesse, Jacques A Bertrand se trouve embringué dans une rocambolesque et irrésistible bigamie, entre "Beauvoir" l'intello et Georgia la Flamande. Ils sont bizarres ces misanthropes : ils n'aiment pas les autres, et puis finalement, ils les aiment doublement...

Jacques A Bertrand, J'aime pas les autres, éditions Julliard

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