C'est pour sortir la marionnette de ce type d'a priori qui pèsent sur elle, que la compagnie Les Zonzons a repris il y a dix ans le théâtre Le Guignol de Lyon et propose depuis sept ans une biennale de la marionnette intitulée Moisson d'avril. Sans renier la tradition - ils donnent aussi des représentations de pièces "classiques" de Guignol - les Zonzons les décoiffent avec humour et invention, mêlant au théâtre d'ombre et de marionnettes, de la musique, des films d'animation, une inspiration cartoon plus actuelle. Les spectacles de marionnettes que les Zonzons ramènent du monde entier dans leur Moisson d'avril sont à cette image : d'une grande diversité, ils convoquent toutes les disciplines artistiques : arts plastiques, théâtre, musique, image animée, nouvelles technologies, etc. A l'opposé du ghetto "jeune public" dans lequel sont cantonnés bien des compagnies de marionnettes, il existe même des spectacles pour public très averti, comme le montre cette 7e édition de Moisson d'avril. Deux spectacles toulousains à ne pas mettre entre toutes les mains, Christa par la compagnie Albemuth et Carmelle, etc. par la compagnie Co-incidence sont programmés à 22h. "Il s'agit de propositions assez ardues, trash, cruelles et sans concession", "qui vont très loin dans l'émotion, l'exploration des corps", "qui n'ont pas peur de triturer la matière, de provoquer" explique Stéphanie Lefort, la programmatrice qui n'hésite pas à voir dans le théâtre de marionnettes aujourd'hui "le théâtre révolutionnaire par excellence".
L'événement Moisson d'avril repose sur une ambition : afficher une envergure internationale tout en montrant la vitalité de la jeune création contemporaine. Pour l'ambition internationale, cette 7e biennale de la marionnette met l'accent sur Taïpei, conjointement à la 2e semaine culturelle taïwanaise organisée par l'ENS (Ecole normale supérieure) Lettres. En invitant le Taiyuan Puppet Theatre, Moisson d'avril propose de découvrir la marionnette à gaine chinoise sous tous ses aspects. Le théâtre de marionnettes de Taïpei présente Le mariage des souris, adaptation musicale d'une légende traditionnelle chinoise. Mais il a élaboré aussi avec les Zonzons une création : "La Boîte", "histoire commune d'une itinérance à travers le monde". Le titre fait référence aux boîtes magnifiques dans lesquels les artistes chinois et taïwanais transportent leurs marionnettes.
Autre spectacle venu de l'étranger : Angel par la compagnie Duda Paiva : un danseur néerlandais, seul en scène avec une marionnette, propose une réflexion sur les rapports entre corps animé et inanimé, entre un artiste et son double un peu maudit. Venu de Québec, qui s'apprête à fêter ses 400 ans, le théâtre de la Pire Espèce, qui mêle théâtre d'objets et jeu clownesque, propose des fouilles archéologiques autour de la figure de Persée.
Pour mettre en valeur la jeune création, Moisson d'avril réunit toutes les compagnies dans un lieu unique et convivial : l'Acte 2 Théâtre qui vient d'ouvrir sur les bords de Saône. Tandis que les spectacles seront présentés dans la salle du théâtre, des petites formes seront proposées au public tous les après midi dans l'espace Cabaret. "Ce flux permanent de petites formes permettra de montrer à quel point les marionnettes inspirent des choses très diverses, et attirera, nous l'espérons, les jeunes de 16-30 ans souvent fâchés avec le théâtre" souligne Stéphanie Lefort.
Comme chaque édition, Moisson se finit dans la rue - là même où la marionnette puise ses origines - et rend cette année un hommage à Guignol qui fête ses 200 ans. Guignol en profite pour inviter des cousins européens et des castelets de divers horizons, proposer des ateliers et des spectacles déambulatoires.
Moisson d'avril, biennale des marionnettes, du 10 au 20 avril au Théâtre le Guignol de Lyon (2 rue Louis Carrand, Lyon 5e), au Patadôme théâtre (Irigny) au théâtre de la Croix-Rousse (Lyon 4e) au théâtre Nouvelle génération (Lyon 9e), au Théâtre Kantor de l'ENS (Lyon 7e) et à l'Acte 2 Théâtre (32, quai Arloing, Lyon 9e). www.moissondavril.com