Polar sur la ville

Du 29 mars au 1er avril, la culture polar (romans noirs, films, séries télé, etc.) fait main basse sur la ville de Lyon. Avec une cinquantaine d'écrivains venus du monde entier.

Le festival Quais du polar de Lyon a été créé il y a deux ans pour "offrir une vitrine à la culture polar", selon l'expression de Pierre Lansac, président de l'association. Une culture polar résolument urbaine, de plus en plus polyforme et populaire. Aujourd'hui, le polar représente 1/5e de la production de livres et se décline sous toutes les formes : thrillers, BD, séries télé, jeux de piste, films noirs... Les stars du genre ont pour nom Jean-Patrick Manchette, Robert Littell, James Ellroy, Dashiell Hammett ou John Le Carre. Mais aussi John Harvey, Robert Crais ou Massimo Carlotto qui seront tous trois présents à Lyon. "Notre but est d'offrir un panorama le plus complet possible de ce qui a fait l'actu du polar dans l'année" souligne Hélène Fischbach, programmatrice de la manifestation. En vedette cette année : les auteurs anglais, avec Bill James, la reine du polar victorien Anne Perry, ou le très remarqué Jonathan Trigell, et les Italiens, comme Andrea Pinketts, l'écrivain favori de Claude Chabrol.

Mais la manifestation lyonnaise n'a rien d'un salon du livre classique pour vendre et lire du bouquin. Ce rendez-vous entièrement gratuit, se veut festif et familial et souhaite toucher bien au-delà du cercle des passionnés de Série Noire. En plus de la traditionnelle grande librairie du polar, Quais du polar propose ainsi dans un même lieu - le palais de Bondy, scénographié par Philippe Morvan - une ludothèque pour les jeunes, des expositions, un café polar, une garderie, des conférences, une pièce de théâtre ou encore un bal noir. Une plus large place est faite cette année au cinéma, avec un hommage à Jim Thompson (en présence d'Alain Corneau) au Comoedia, un week-end autour de l'œuvre de Melville à l'Institut Lumière et une carte blanche à Claude Chabrol au CNP Odéon.

D'autres lieux dans la ville se mettent à l'heure du polar : les bibliothèques municipales, le café-lecture Les Voraces, l'Ecole nationale supérieure de police qui dévoile sa collection criminalistique, les archives municipales ou encore l'Atelier des chefs, qui propose des cours de cuisine "spécial polar".

Quais du polar, du 29 mars au 1er avril. Palais de Bondy, 18 quai de Bondy, Lyon 5e. 04 78 30 18 98. www.quaisdupolar.com

Têtes d'affiche

Généalogie du crime

Ce polar d'un ancien toubib lyonnais empiège le lecteur dans une intrigue complexe, polyphonique, à la chronologie éclatée et aux rebondissements aussi terrifiants qu'inattendus. Dans la folie meurtrière qui saisit l'Italie des années de plomb, les crimes d'un psychopathe passeraient presque inaperçus si une journaliste de faits div' sérieusement motivée n'essayait de retrouver le fil entre des mises en scènes criminelles particulièrement inventives. Au cœur de ce drame sur plusieurs générations, une famille, dont une femme et ses trois enfants, pétrifiée par l'angoisse que l'écriture, rapide, rend très palpable. Et si dans ce magnifique coin de Toscane, le crime et la violence brutale étaient une fatalité génétique ?

> François Boulay, Traces, Serpent Noir. Nomination pour le prix Quais du polar 2007.

> Dimanche 1er avril à 10h30, François Boulay est au musée des Beaux-arts de Lyon pour une "conversation autour d'une œuvre". Le romancier présente également ses peintures à l'encre de chine au palais Bondy.

Question d'atmosphère

Le dernier roman noir de Pascal Garnier, un auteur qui vit peinard en Ardèche, raconte une amitié improbable entre un vieux briscard et un jeune naïf. Tueur à gages, Simon échoue à Vals-les-Bains, rongé par la maladie, mais doit honorer un dernier contrat au Cap d'Agde. Il embauche comme chauffeur un jeune type croisé par hasard, Bernard, pas gâté par le sort mais d'une candeur extrême. "Ce type avait un don pour la vie, un peu comme ces nouveau-nés qu'on retrouve vivants dans une poubelle" écrit Garnier. Pas de suspense palpitant ni de multiples rebondissements dans ce polar atypique qui relève bien davantage du roman d'atmosphère et de caractère. Dans ce récit assez court, bien ficelé et qui sonne juste, Garnier croque avec une belle empathie une galerie de petites gens cabossés par la vie : une jeune fille paumée avec son bébé, une sexagénaire qui veut se la jouer sexy, une vieille ex-baba accro au Négrita... Dans un style vif, truffé d'images, aussi heureuses : "la lune avait le sourire de Fernandel" qu'indigestes : "une fricassée d'étoiles mijotait dans la casserole de la Grande Ourse"...

> Pascal Garnier, Comment va la douleur ? éditions Zulma

> Dimanche 1er avril à 12h, rencontre avec Pascal Garnier au café polar.

Scandale politico-financier

Qui a dit que le polar politico-économique était inexistant en France ? Comme Daeninckx ou Oppel, Dominique Manotti prouve avec éclat qu'il n'en est rien. Historienne de formation et ex-syndicaliste, elle signe le récit romancé du scandale politico-financier des usines Daewoo de Lorraine, qui ont fermé après avoir englouti 40 millions d'euros d'aides publiques, tandis que leur P-dg Kim Woo - décoré de la Légion d'honneur et fait citoyen français - purge une peine de prison en Corée et doit rembourser 22,5 milliards d'euros. Avec clarté et précision, Dominique Manotti explore les dessous de cette affaire d'une grande complexité (comment Matra, allié au groupe coréen Daewoo, a remporté le marché de privatisation de Thomson, sous le nez d'Alcatel) qui s'est nouée dans les cabinets ministériels, les sociétés écrans en Pologne, les banques luxembourgeoises. Mais elle ne perd jamais de vu l'essentiel à ses yeux : les terrifiants dommages collatéraux subis par les ouvriers de Lorraine, broyés par un système de corruption qui les dépasse.

> Dominique Manotti, Lorraine connection, éditions rivages thriller. Nomination pour le prix Quais du polar 2007.

> Working class et business card avec Dominique Manotti, J.-Hugues Oppel, Graham Hurley, DOA samedi 31 mars à 17h à la salle Molière du palais Bondy.

Anne Perry, la reine du polar victorien

Considérée comme la nouvelle Agatha Christie, baptisée la reine du polar victorien, Anne Perry est la mère prolixe de deux principales séries : "Charlotte et Thomas Pitt" (23 titres) et "William Monk" (15 titres), et d'une troisième, plus récente, sur la première guerre mondiale. La romancière écossaise a vendu près de 2 millions d'exemplaires en France, tous édités en poche chez 10/18. Présente à Quais du polar pendant tout le week-end, elle participe à quatre conférences, dont la conférence d'ouverture : "les joyaux de la couronne : le polar britannique des années 2000", avec Graham Hurley, Stuart MacBride, Jonathan Trigell (le 30 mars à 18h).

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