Les objets connectés sont-ils réellement là pour nous faciliter la vie, ou rajoutent-ils de l’obsolescence potentielle là où il n'y en avait pas. Quand une entreprise d'objets connectés disparaît, ses produits terminent, au mieux, en presse papier.
La France peut se vanter d'être le berceau de l'un des premiers objets connectés, mais abrite aussi la tombe emblématique de ce même produit. En 2005, la société Violet lance le Nabaztag. Ce petit lapin au design sans pareil était capable de lire les mails, de donner la météo , la qualité de l'air, d'écouter la radio en ligne ou de donner son humeur. Nabaztag est arrivé trop tôt dans le paysage des objets connectés et sa vie fut difficile. Après une reprise par Mindscape en 2009 qui sortira une nouvelle version, le Karotz, puis Aldebaran Robotics en 2013, les serveurs officiels sont fermés en 2015. Nabaztag et Karotz survivent aujourd'hui uniquement grâce à la bonne volonté des fans des lapins qui maintiennent des serveurs alternatifs. Tous les objets connectés n'ont pas cette chance.
La fin de Revolv, nouvelle référence du pire ?
Nest, entreprise appartenant à Google, a annoncé début avril la fin des services Revolv. Ce hub domotique était censé lier tous les appareils connectés de la maison. Vendu 300 dollars jusqu'à fin 2014, Revolv ne fonctionnera plus à partir du 15 mai 2016.
Arlo Gilbert, utilisateur du produit, s'est fendu d'une tribune libre où il explique les conséquences de l'arrêt du service "Le 15 mai, ma maison cessera de fonctionner. Mon éclairage extérieur arrêtera de s'allumer ou de s'éteindre, mes lumières de sécurité ne réagiront plus aux mouvements, mon système pour décourager les voleurs ne marchera plus [...]Google a intentionnellement transformé en brique un objet qui m'appartenait". Arlo Gilbert explique qu'il pourra acheter un nouveau produit comme le hub de Samsung, tout en s'interrogeant : "Quel est le prochain matériel que Google va choisir intentionnellement de transformer en brique ? S'ils arrêtent de supporter Android après la fin de la garantie, votre téléphone va-t-il s'arrêter ?[…] imaginez que vous achetiez un ordinateur Dell et que Dell vous informe qu'à la fin de la garantie, il ne fonctionne plus. Imaginez, si Apple lançait de nouvelles conditions où il ne remplacera plus un produit défectueux, mais il décide même de bloquer votre téléphone douze mois après son achat". Arlo Gilbert soulève une question majeure : "Est-ce que l'ère des objets connectés, marque-t-il la fin de la propriété ? Sommes-nous en train d'acheter du matériel intentionnellement temporaire ?"
Quand nous achetons du service qui se périme avant le matériel
Avec la relation profonde entre hardware et software, matériel et logiciel, le consommateur se retrouve dans une situation où il achète avant tout un service, plus qu'un objet connecté. Les risques qu'il encourt et les motifs de rupture de service sont alors nombreux : abandon pur et simple d'un produit, coupure des serveurs, applications qui ne sont plus mise à jour, rachat de l'entreprise pour un groupe qui ne souhaite pas continuer sur la même voie, mise à jour logicielle qui entraîne une dégradation du fonctionnement comme des ralentissements… Les acheteurs dans le secteur de la domotique ont été les premiers à soulever cette question avec d'un côté des boîtiers où tout est géré en interne et d'autres qui s'appuient sur des solutions dans "le cloud", hébergés en ligne. La coupure des serveurs est dans ce deuxième cas synonyme de mort. De manière générale, quel produit high-tech est aujourd'hui maintenu au-delà de cinq ans (voir même un an et demi pour certains smartphones Android ?). L'obsolescence en arrive presque à être plus souvent logicielle que matérielle. En un sens, celui qui achète un objet connecté aujourd'hui doit donc garder à l'esprit cette notion de service, tout en acceptant qu'il puisse un jour ne plus fonctionner. Objet connecté pourrait bien devenir synonyme de jetable. Un point qui soulève également la question de la gestion des déchets électroniques, mais aussi sur la pertinence de rendre tous les objets connectés créant une forme d’obsolescence potentielle là où il n'y en a pas.
Les télévisions en sont le bon exemple. Quand elles peuvent durer au-delà de cinq ans, la partie "smart", assurée par le logicielle, n'est pas toujours maintenue aussi longtemps. Heureusement, il est toujours possible de passer par un boîtier externe et une télévision sous une vieille version d'Android continuera de fonctionner, même si elle ne pourra pas toujours accepter les dernières versions des applications. De même, que pensez d'une Apple Watch Édition à plus de 10 000 euros face à une montre automatique de luxe. Quand la première est capable d'être un intéressant prolongement du smartphone pour une durée de vie incertaine, la seconde se contente de donner l'heure, mais peut survivre à son propriétaire. Au final, tous les objets connectés ne sont pas aussi beaux que le Nabaztag et ne finiront pas en objet de décoration design.
Comme vous le mentionnez, le Nabaztag survit de nos jours grace à des serveurs lis en place par des particuliers (essentiellement sous ce qu'on appelle openJabNab) et de même pour Karotz qui lui a succédé (grace à OpenKarotz). Du coup si on ne peut pas préjuger de combien de temps ça durera, au moins faut-il reconnaitre que c'est une preuve qu'on peut dépasser la faiblesse que vous dénoncez dans votre article que ces objets connectés sont tributaires de serveurs propriétaires: Nabaztag comme Karotz justement prouvent que non puisqu'ils ont su s'en affranchir donc c'est assez paradoxal de les choisir pour illustrer votre article qui justement insiste sur cette dépendance en mettant l'accent sur le coté sine qua none...