De la contemporanéité de l'art...
Le Petit dessein au musée du Louvre à Paris, Quintet au musée d'art contemporain (MAC) de Lyon, voilà deux expos qui, si elles affichent des perspectives différentes, donnent en même temps la parole à des artistes qui planchent dur. Dans les deux cas, on est loin de la rétrospective didactique, qui passerait de l'ignoble "Âge d'or" de la bédé (celui du Journal de Mickey où l'on voit passer Felix the cat ou encore Superman) aux fanzines novateurs des années 70-80 et interdits aux enfants, Métal hurlant et L'Echo des savanes. Le Louvre comme le MAC prennent le parti de s'ouvrir à "des artistes avant tout". "Ce sont eux qui sont intéressants, pas le support, pas la bande dessinée, ça, on s'en fout", précise Thierry Prat, directeur artistique du MAC et commissaire de Quintet, excédé par la question de "l'entrée de la bande dessinée au musée". Pour le Louvre, qui a entamé depuis 2005 une collaboration avec Futuropolis, un collectif d'auteurs, la bande dessinée est toutefois une des portes d'entrée empruntée dans le but d'explorer le champ de l'art contemporain. "Loin de prendre la forme institutionnelle d'une commande muséale à un "art émergent", cette collaboration s'incarne dans une carte blanche et une totale liberté accordée à des univers graphiques personnels et originaux", assure la communication du musée parisien.
Grosse et avec du caractère
Au MAC de Lyon, on répète par ailleurs que ce n'est pas la première fois que l'on s'intéresse à la bande dessinée. Ce qui est vrai. Toutefois, en dehors de festivals annexes (100 millions d'images, 100 millions d'étoiles), d'actions ponctuelles de l'ordre de la performance (un mur rue Marietton recouvert de bande dessinée en 1984), et de l'exposition de dessins de Robert Crumb, lors de la Biennale de 2005, pour aborder entre autres sujets celui de la contre-culture, c'est la première fois que des auteurs de bande dessinée auront le musée pour eux tous seuls. Cette entrée en grande pompe de planches de bande dessinée sur des murs qui ont pu être recouverts de Rubens (pour le Louvre) ou d'Andy Warhol (pour le MAC) remet en cause la théorie qui voudrait que le caractère alternatif des ouvrages de bande dessinée leur ferme la porte des institutions culturelles (ne parle-t-on d'ailleurs pas de sous-culture ?). S'il est difficile de prouver l'unicité de ce mode d'expression, la possibilité d'inventer des lignes de force narratives dans la bande dessinée permet évidemment de lui attribuer des accointances critiques avec d'autres domaines : l'architecture, la sculpture, mais aussi la photo et même le roman. L'un des artistes de Quintet, Francis Masse, figure de la bande dessinée underground mais qui n'en fait pourtant plus depuis au moins vingt ans (bien que récemment réédité), exposera ainsi plusieurs de ses sculptures, tandis que Stéphane Blanquet utilisera les volumes de quatre pièces du MAC pour monter ses installations, dont un petit train avec des wagons à pédales pour circuler. D'après Antoine Fauchié, bibliothécaire à l'agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation, et fondu de bande dessinée, le point commun des cinq artistes présentés au MAC est de "ne pas s'enfermer dans le genre "bande dessinée"" et d'avoir, tous, à travers leurs différentes œuvres, "une démarche plastique". Le défi du MAC, a priori déjà relevé, sera donc de ne pas tant parler de bande dessinée, ou bien seulement par accident, que d'art, couché, debout, épais, vivant. Avec l'avantage, comme le signale Thierry Prat, de "croiser les publics".
Quintet. Avec Gilbert Shelton, Chris Ware, Stéphane Blanquet, Joost Swarte, Francis Masse. Au musée d'art contemporain de Lyon, du 13 février au 19 avril.
Le Petit dessein. Au musée du Louvre, à Paris, jusqu'au 13 avril.
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