Test de Dishonored : chef-d'oeuvre lyonnais, excellence made in France

Dans un monde dominé par les suites à répétition, existe-t-il encore une place pour les œuvres originales sans concession ? Tels des résistants face à l'uniformisation du genre, les Lyonnais d'Arkane Studios refusent la facilité et livrent le meilleur jeu de l'année. Chef-d’œuvre made in Lyon, Dishonored marque son époque.

Chaque année, la logique reste la même : le dernier trimestre est envahi par les suites. Difficile de trouver un peu de fraîcheur avant Noël. 2012 ne fait pas mentir les habitudes avec les nouveaux épisodes de Call of Duty, Medal of Honor ou bien encore Assassin's Creed ou Hitman. Certains penseraient qu'il faut être fou pour sortir un jeu original dans une période aussi surchargée tout en souhaitant rencontrer le succès. Pourtant, c'est bien l'exploit que tentent les Lyonnais d'Arkane Studios avec Dishonored, un jeu d'aventure et d'action à la première personne.

Dix ans après, Arkane récidive

Rattaché au géant ZeniMax Media, connu pour ses jeux Fallout ou Elder Scrolls, Arkane Studios avait déjà marqué les esprits en 2002 avec le jeu d'aventure Arx Fatalis. Dix ans plus tard, ils retrouvent l'excellence grâce à Dishonored, nouvelle référence qui marquera durablement son époque et les esprits. Dès les premières minutes, le décor est placé. Dans une uchronie rongée par la peste, où l'huile de baleine remplace le pétrole, l'impératrice est assassinée. Accusé et déshonoré, Corvo, son garde du corps, va tout faire pour la venger.

Une aventure subjective

Nul besoin de cinématique hollywoodienne en images de synthèse, la narration de Dishonored se fait entièrement en vue subjective. Dans la peau de Corvo, dont le visage n’apparaîtra que sur les avis de recherche, le joueur est immédiatement pris par les émotions. Courte et efficace, l'introduction laisse entrevoir une aventure riche en rebondissements et toujours parfaitement soulignée par une excellente bande originale. Difficile d'en dire plus sans gâcher ce qui va suivre. L’œuvre d'Arkane prend aux tripes pour ne jamais lâcher son joueur et s'amuse parfois à le manipuler habillement.

Un jeu PC dans son sens le plus noble

Dishonored n'est pas un jeu console mais bien une œuvre PC ambitieuse transposée sur nos machines de salon. Visuellement magnifique, il souffre parfois de quelques petits défauts sur Xbox 360 et PS3, comme des textures parfois baveuses ou un peu d'aliasing (effet d'escaliers). Sur PC, ceux disposant d'une machine récente seront tout simplement bluffés par la perfection de l'ensemble. L'univers imaginé par Victor Antonov (Half Life 2) et Sébastien Mitton est d'une cohérence qui fait plaisir à voir. Prenant parfois des allures de peinture en mouvement, il surprend à chaque instant par sa richesse et fait oublier le moindre défaut. Les visages marqués par les années et les maladies bénéficient tous d'un travail poussé, donnant envie de s'arrêter pour simplement admirer le travail des graphistes. Malgré l'épidémie de peste qui sévit, les rues de Dunwall sont loin d'être vides. Les gardes vaquent à leurs occupations, les rats attendent leur prochaine victime, et les malades errent tels des zombies attendant leur proie.

Faites ce que vous voulez, assumez les conséquences

Liberté : voilà bien un mot qui résume Dishonored. On n'avait pas ressenti cela depuis le premier Deus EX. Le jeu d'Arkane est d'une générosité sans commune mesure en matière de possibilités de jeu. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un environnement totalement ouvert, les rues de Dunwall regorgent de cachettes, fenêtres, toits et autres corniches pour permettre au joueur de choisir son approche. Discret ou brutal, tout est fait pour lui permettre d'avancer comme il le souhaite. Cependant, chaque acte aura ses conséquences. Multiplier les cadavres en temps d’épidémie n'est pas une bonne idée. Ceux qui auront tendance à laisser trop de morts derrière eux risquent de voir les rats et les malades envahir les rues.

L'assassin sans victime

Ainsi, le choix d'une approche non létale prend rapidement des allures de puzzle-game où il est nécessaire de réfléchir en permanence pour optimiser au maximum ses actions. Tel un challenge, en apparence impossible, il est possible de finir Dishonored sans verser la moindre goutte de sang, ni se faire repérer. Pour cela, il faudra tout simplement faire preuve d'une imagination permanente, d'un sens aigu de l'observation et surtout apprendre à manier les armes et différents pouvoirs disponibles. Divers et variés, ils permettent, là encore, de forger son propre style de jeu et ne bride jamais le joueur. Au passage, les combats à l'épée sont d'une intensité rare, et paradoxalement ils permettent eux aussi d'éviter de verser le sang lorsque l'on maîtrise parfaitement les techniques purement défensives.

Une rejouabilité de référence

La durée de vie de Dishonored tourne autour de 20 heures pour tous ceux qui accepteront de rentrer dans l'ambiance. Une approche barbare fera grandement chuter le temps de jeu, mais risque d'avoir un goût amer lorsque viendra le temps du dernier acte. Une fois Dishonored terminé, le joueur n'a qu'une seule envie : recommencer pour tester une nouvelle approche, de nouvelles techniques. Difficile d'en dire plus, sans gâcher le plaisir de tester par soi-même les possibilités de Dishonored et de découvrir que l'idée particulièrement tordue que l'on vient d'avoir fonctionne parfaitement. Enfin, l'absence d'un mode multijoueur ne se fait pas ressentir tant la rejouabilité fait figure de référence.

Corbeau félin

Rapide et agile, Corvo grimpe sur les caisses et se faufile sur les corniches sans difficulté. Ici, point d'automatisme : pour sauter, il faut avoir le sens du timing et bien évaluer les distances. De même, la jauge de vie ne se remplit pas toute seule au bout de quelques secondes. Heureusement, la maniabilité est tout simplement parfaite et l’assistanat total d'un Assassin's Creed n'est pas à l'ordre du jour. De plus, bien que Dishonored soit déjà difficile en mode normal, il est possible de supprimer l'intégralité des informations qui s'affichent à l'écran. Les plus courageux auront tout intérêt à commencer dès le début avec le moins d'aides possibles pour goûter aux montées d'adrénaline fréquentes et au plaisir de découvrir les indices par soi-même.

Le jeu de l'année est bien lyonnais

Au final, Dishonored ne déçoit jamais. Particulièrement attendu par les joueurs, le bébé d'Arkane Studios est bien parti pour marquer l'histoire du jeu vidéo. Rares sont les œuvres à proposer un univers aussi cohérent, associé à une telle liberté de choix. Espérons simplement que le grand public fasse honneur à cette perle qui ne vole pas le titre de chef-d’œuvre. Dans ce monde d'uniformité, le succès de Dishonored pourrait bien relancer une vague de créativité. Mature, riche, intelligent et surtout original, Dishonored est tout simplement le meilleur jeu de l'année et sans doute l'un des plus marquants des dix dernières années.

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Dishonored sur PC, PS3 et XBOX 360, à partir de 49 euros, disponible dès le 9 octobre 2012.

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