La mosaïque des Saisons © Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal

Escapade à Vienne : quand la belle Gallo-Romaine unissait les deux rives du Rhône

Le musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, sur la rive opposée de Vienne, accueille, depuis juin dernier et pour trois ans, Saisons romaines, une exposition semi-temporaire, célébrant le retour de la mosaïque des Saisons sur son lieu d’origine. Un événement exceptionnel qui, le temps d’un week-end, invite à revisiter le musée archéologique et ses trésors antiques mais aussi à déambuler, de l’autre côté du Rhône, dans les rues de Vienne la belle, qui érige fièrement son héritage romain.

La découverte de la mosaïque des Saisons

En 1890, alors que monsieur Barou creuse une tranchée dans son jardin, à Saint-Romain-en-Gal, il tombe sur une mosaïque. L’hiver venant, elle est recouverte pour la protéger des intempéries, puis dès 1892 achetée par le Louvre, qui immédiatement l’identifie comme trésor national. Exposée à Paris jusqu’en 1935, elle est ensuite transférée au musée d’Archéologie nationale, à Saint-Germain-en-Laye, où elle constitue une pièce majeure des collections.

© Intsapades Studio

Un retour temporaire dans son lieu d’origine

En 2021, l’atelier de restauration rattaché au musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal (un des deux seuls en France avec celui d’Arles) remporte l’appel d’offres pour restaurer la mosaïque des Saisons. “Très vite, au-delà de l’appel d’offres, on s’est dit qu’il y avait quelque chose d’important à faire autour de la valorisation de la mosaïque”, explique Émilie Alonso, la directrice du musée de Saint-Romain-en-Gal. Une équipe de chercheurs, universitaires et experts est ainsi missionnée pour réétudier la mosaïque, croisant les expertises des deux musées, et permettant de formuler de nouvelles interprétations quant aux scènes représentées.

© Musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal

Une représentation saisonnière des activités agricoles

Datant du IIIe siècle, la mosaïque représente des activités agricoles autour des quatre saisons. “C’est une mosaïque de mouvement, où se dessinent des ombres portées. On y voit le génie des mosaïstes pour saisir l’instant”, explique Éric Morvillez, archéologue et historien de l’art, spécialiste de l’Antiquité tardive. Mesurant un peu plus de huit mètres de long par quatre mètres de large, cette mosaïque de pavement provient d’une belle domus urbaine, dont elle ornait probablement le sol du triclinium, la salle à manger.

Constituée de quarante panneaux (dont 28 existants et restaurés), on en retrouve huit par saison avec au centre une personnification des quatre saisons, complétée sur le côté de quatre têtes stylisées.

On peut ainsi admirer une scène de greffe des arbres, seule représentation connue dans le monde antique, l’arrivée des cigognes, des scènes de cueillette, de lancer de javelots lorsque les paysans se délassent ou encore de nombreuses scènes liées au vin, comme le foulage des raisins ou le poissage des jarres.

Allégorie des quatre saisons

Au centre de la mosaïque, les quatre saisons sont personnifiées par quatre figures, chacune chevauchant un animal sauvage différent : le taureau pour le printemps, connu pour sa fougue et en lien avec les constellations, le lion pour l’été, monté par un personnage joufflu paradant couronne de blé et faucille à la main.

Quant à l’automne, il est symbolisé par Bacchus, à cheval sur un tigre, représentation antique classique de Dionysos, qui était allé en Inde, tandis qu’une femme vêtue de bleu, emmitouflée et tenant un roseau à la main, monte un sanglier, animal des marais et symbole de la chasse d’hiver. Le sens du détail est impressionnant. Le lion semble sourire tandis que le sanglier tire légèrement la langue.

Une exposition ludique et intimiste

L’exposition a été conçue comme un espace immersif et ludique, dédié aux familles. Tout au long de la visite, de nombreux dispositifs sollicitent les cinq sens : films, scènes à reconstruire pour les enfants, objets tactiles, puzzles, odeur de pain pour le panneau présentant la cuisson du pain… Occupant tout le premier étage du musée, l’exposition Saisons romaines, qui présente cette nouvelle mosaïque restaurée, privilégie une lecture intimiste de l’œuvre. En effet, les panneaux ne sont pas exposés au sol mais accrochés au mur, au fil des saisons. Une présentation rendue possible par la dernière restauration qui a dégagé la mosaïque de sa semelle de béton afin de privilégier des panneaux en nid d’abeilles d’aluminium, légers et mobiles. “Pas moins de six tonnes de gravats ont été évacuées”, précise Christophe Laporte, responsable de l’atelier de restauration.


Le saviez-vous ?

Une mosaïque est composée à partir de tesselles, petits morceaux taillés dans de la pâte de verre, du marbre et du calcaire, assemblés et insérés dans du mortier frais.


Naissance du musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal

Depuis le XVIIe siècle, des découvertes fortuites laissaient présager de la richesse du site sur la rive droite du Rhône, face à Vienne.

À partir de 1967, la mise au jour d’un quartier urbain de la ville antique de Vienne conduit à la création du musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, qui ouvre ses portes en 1996. Hissé sur pilotis, le musée présente un grand nombre de chefs-d’œuvre antiques découverts sur le site telles la mosaïque du dieu Océan ou la statue d’Aphrodite, tandis que les jardins, en grande partie recouverts de pelouse, constituent une réserve archéologique, en attente d’être fouillés.

Un site en perpétuel devenir, dont la découverte a réécrit l’histoire de la Vienne antique et permis de comprendre que celle-ci, à son apogée, s’étendait sur les deux rives du Rhône, avant de se replier au Moyen Âge sur la rive gauche que nous connaissons aujourd’hui. Les connaissances actuelles permettent ainsi de situer la domus qui abritait la mosaïque des Saisons juste à côté de l’immense maison des dieux Océan, s’étendant sur 3 000 m2 et dont les vestiges sont toujours visibles sur le site.


© Henry Landeau

Vienne : un riche héritage antique

Nichée dans un des méandres bleu turquoise du Rhône, entourée de collines, Vienne s’est construite autour d’un site prédestiné. Bénéficiant du statut de colonie romaine dans les années 30 av. J.-C., la ville connaît sa période la plus florissante entre les Ier et IIIe siècles. Elle se pare alors de prestigieux monuments caractéristiques des grandes villes romaines.

Le théâtre antique © Actua Drone

Le théâtre antique

Construit au pied du mont Pipet, le plus emblématique est le théâtre antique qui, chaque année, connaît des heures festives lors de Jazz à Vienne. Vivre un coucher de soleil en musique sur ses gradins face au Rhône demeure une expérience inoubliable. Sa jauge, évaluée autrefois à 13 000 spectateurs (pour environ 7 000 aujourd’hui), en fait l’un des plus grands théâtres du monde romain.

À deux pas du site, Vienne possède toujours son odéon (destiné aux concerts, déclamations et lectures publiques), le seul connu en Gaule romaine avec celui de Lyon.

Le temple d’Auguste et de Livie © Instapades Studio

Le temple d’Auguste et de Livie

C’est en prenant un verre sur l’une des nombreuses terrasses qui bordent la place que l’édifice s’apprécie le mieux. Avec la Maison carrée de Nîmes, ce temple romain, daté de 20-10 av. J.-C., est le seul encore debout en France, conservé grâce à sa transformation en église chrétienne au début du VIe siècle.

Le jardin de Cybèle © Henry Landeau

Les arcades du forum et le jardin de Cybèle

Seules deux arcades subsistent de l’ensemble architectural du forum, au centre de la ville antique. Ce forum tripartite comprenait la place du temple d’Auguste et de Livie, la place du forum proprement dite et la basilique. Jouxtant les vestiges du forum, le jardin de Cybèle déroule un espace bucolique entre jardin et ruines archéologiques.

La Pyramide du cirque © Intapades Studio

La Pyramide du cirque

Longtemps considérée comme un monument funéraire, la Pyramide, élevée sur un édicule à quatre arches, trônait au centre d’un vaste cirque romain, long de plus de 450 mètres.

Comme celui de Rome, il accueillait des courses de chars. Avec Vienne, seuls Arles et Lyon en possédaient un en Gaule romaine ! La Pyramide a donné son nom au restaurant tenu autrefois par le chef Fernand Point, aujourd’hui piloté par Patrick Henriroux.

Quand la toponymie dévoile l’héritage romain

À une douzaine de kilomètres à l’est de Vienne, le village de Septème – tout comme un peu plus loin ceux de Diémoz et Oytier – a hérité son nom des Romains. Partant de Vienne, une voie romaine reliait Milan via les Alpes, en passant par le col du Petit-Saint-Bernard.

À l’époque gallo-romaine, des stèles indiquaient aux voyageurs précisément la longueur du chemin parcouru. Souvent en pierre, parfois en marbre, de forme cylindrique ou quadrangulaire, les stèles, dites aussi bornes milliaires, étaient espacées de mille pas.

Elles portaient le nom de l’empereur régnant, les distances des localités entre elles ou cumulées depuis l’origine de la route. Ainsi, Septemoz, Octavus et Duodécinum, respectivement septième, huitième et douzième bornes milliaires depuis Vienne, sont devenues, après plusieurs transformations, Septème, Oytier et Diémoz.

© Instapades Studio

Pratique

Où loger ?

• Le Temple d’Aphrodite, appartement avec spa à la décoration inspirée de la Rome antique - Tél. : 07 88 54 25 53

• Grand Hôtel de la Poste, au cœur de Vienne dans un ancien relais de poste du XVIIIe siècle - www.grandhoteldelapostevienne.com

Où se restaurer ?

• Le Bar du Temple, restauration type bistrot avec terrasse et jolie vue sur le temple

• Bar Le Toutatis, pour un verre en terrasse avec vue sur le temple

• La Pyramide, le restaurant du chef étoilé Patrick Henriroux. Découvrez la version bistrot avec l’espace PH3 ainsi que le bar à cocktails Blue Pearl - www.lapyramide.com

Événements

• Les concerts Quartier latin du Jazz Club du Rhône, au musée gallo-romain

www.quartierlatin-jazzclub.com

• Dans le cadre des Journées européennes du patrimoine (21-22 septembre 2024), plusieurs visites à thème autour du musée de Saint-Romain en Gal.

Visites Focus : les réserves du musée (gratuit) mais aussi visites du site archéologique avec une archéologue du musée, visite découverte des coulisses de l’exposition Saisons romaines, visites de l’atelier de restauration de mosaïques et d’enduits peints par l’équipe de restaurateurs, etc.

Plus d’informations : musee-site.rhone.fr

• Grand marché tous les samedis matin dans le centre-ville de Vienne

Comment s’y rendre ?
• En voiture, comptez environ 40 minutes
• TER Lyon-Vienne direct 20 minutes

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