Le Flaine, édifice iconique de la station. Sa position en porte-à-faux sur la falaise, à 13 mètres de hauteur, est saisissante. L’hôtel offre une terrasse belvédère plein sud, dans le prolongement du salon qui abrite une cheminée en béton, également dessinée par Marcel Breuer © OT de Flaine / Monica Dalmasso

Escapade en Haute-Savoie : Flaine, un laboratoire d’architecture au cœur du Grand Massif

Station de sports d’hiver conçue dans les années 1960, Flaine ne laisse pas son visiteur indifférent. Austère, avant-gardiste, inattendue… la station, avec son domaine ensoleillé culminant à 2 500 mètres d’altitude et sa vue sur le massif du Mont-Blanc, offre un grand ski. Elle convie également à une expérience insolite, véritable plongée dans l’univers Bauhaus de son concepteur, Marcel Breuer. Entièrement piétonne, étagée sur trois niveaux, elle dévoile des œuvres monumentales de grands noms de l’art, dont Picasso, Dubuffet ou Vasarely.

Situé en Haute-Savoie, au sein d’un cirque naturel, dans la vallée du Giffre, le site de Flaine est découvert par l’architecte genevois Gérard Chervaz dans les années 1950.

Tout n’est alors qu’alpages et pâturages. Conquis par la beauté du site, il réalise une pré-étude de station de sports d’hiver. Sollicitée, la riche famille Boissonnas se lance dans l’aventure et rapidement la station prend corps sous la houlette de Marcel Breuer. Ce maître du Bauhaus, à la renommée internationale, vient tout juste, en 1958, de livrer le siège de l’Unesco, à Paris.

Le chantier commence en 1961, la station ouvre à tous à la Noël 1968. La France est alors dans l’effervescence des Trente Glorieuses et en plein boom démographique. C’est l’époque de la construction des grands ensembles et le lancement, en 1964, du premier plan neige, programme d’aménagement des stations destiné à combler le retard français en matière de tourisme.

© OT de Flaine

Utopie architecturale de béton

Conçue sur trois niveaux, Flaine Front de neige, Flaine Forum et Flaine Forêt, épousant l’étagement naturel du site, Flaine répond à un geste architectural radical qui ne fut pas sans susciter de polémiques lors de l’ouverture de la station, mais qui lui vaut désormais le label “Patrimoine du XXe siècle”. Aujourd’hui encore, la station polarise les opinions. C’est un peu comme les Anglais avec la Marmite, la fameuse pâte à tartiner salée : on l’aime ou on la déteste mais elle ne laisse pas indifférent.

Barres de béton brut rappelant les grands ensembles urbains, architecture sortie tout droit d’un ancien James Bond, à la fois datée et intemporelle, sa beauté naît de sa cohérence architecturale mais aussi des immenses fenêtres, rythmant les façades bétonnées, et qui semblent inviter le paysage dans la sphère de l’intime.

© OT de Flaine / Monica Dalmasso

Le choix du béton brut répond à la couleur des falaises de calcaire entourant la station tandis que les pierres de parement proviennent des carrières voisines de Sixt. Les façades sont volontairement dépouillées, l’architecte jouant avec le béton, taillé en pointe de diamant.

Ce façonnage provoque un jeu d’ombre et de lumière qui, au cours de la journée, danse sur l’enveloppe extérieure des bâtiments. Aujourd’hui adaptée à nos enjeux écologiques, la station est conçue dès l’origine pour être entièrement piétonne, une gageure à l’époque du tout-voiture !

Autre emblème de la station, ces gares d’ascenseurs reliant les deux plateaux de Forum et Forêt et leur cabine orange ultra rétro © OT de Flaine

Marcel Breuer, une des figures majeures du Bauhaus, en Allemagne

D’origine hongroise, Marcel Breuer (1902-1981) rejoint en 1919 l’école du Bauhaus, en Allemagne, où il étudie avant d’en devenir l’un des maîtres. Cette école alternative, créée cette année-là par Walter Gropius, est novatrice par son enseignement multidisciplinaire.

Breuer suit un apprentissage dans l’atelier de meubles et se forme à l’architecture avec Gropius. Il dirige ensuite l’atelier de menuiserie, conçoit en 1925 sa célèbre chaise en tube d’acier Wassily, avant de se tourner pleinement vers l’architecture en 1928.

En 1935, avec la montée du nazisme, il s’exile en Angleterre puis, deux ans plus tard, aux États-Unis. Ses commandes architecturales, tel le siège de l’Unesco à Paris, conçu en 1958 avec Nervi et Zehrfuss, ou, en 1966, le bâtiment original du Whitney Museum of American Art, lui confèrent une notoriété internationale. Il développe dès 1955 dans son livre Sun and Shadow l’idée que “le bâtiment peut intercepter le paysage” et ainsi produire des effets inédits, comme pour ses façades en pointe de diamant, à Flaine.


Un musée à ciel ouvert

Les Boissonnas, trio de mécènes éclairés – Rémi, banquier et passionné de musique, Éric, géophysicien polyglotte mélomane et sa femme Sylvie, née Schlumberger, héritière d’une colossale fortune familiale industrielle – ouvrent résolument la station à l’art, dès ses débuts.

Rémi Boissonnas ancre une tradition musicale qui se perpétue aujourd’hui tandis que le couple installe des œuvres majeures monumentales en extérieur et crée en 1970 un centre d’art.

Sylvie Boissonnas joue un rôle déterminant dans la décoration des hôtels de la station, aux côtés de Marcel Breuer, et organise entre 1970 et 1997 plus de soixante-dix expositions, volontairement éclectiques, présentant aussi bien Max Ernst que Di Rosa, Sophie Calle ou Buraglio.

Une œuvre de Davos Hanich © OT de Flaine / Monica Dalmasso

Mais, aujourd’hui encore, ce sont les sculptures des grands noms de l’art du XXe siècle illuminant la station qui interpellent.

Sculpture de Dubuffet © OT de Flaine / Monica Dalmasso

Ainsi, l’immense Tête de femme, de Pablo Picasso, trône à Flaine Forum tout comme le gigantesque Boqueteau des 7 arbres de Jean Dubuffet (tous deux dépôts du musée national d’Art moderne) ou encore les Trois Hexagones, de Victor Vasarely, placés sur le toit de la galerie marchande, dont les calculs et l’étude sur la stabilité ont été réalisés par Jean Prouvé.

Au total, une dizaine d’œuvres en extérieur jalonnent la station, parmi lesquelles les œuvres du peintre et sculpteur français Davos Hanich, faisceaux de tige d’acier illuminés pour la rue couverte, les Arbres brûlés, de l’artiste monégasque Philippe Pastor, installés en 2003, ou encore la Fontaine de Glace, du Norvégien Carl Nesjar. Rebaptisé Flaine Art Gallery, le centre d’art continue quant à lui ses expositions temporaires sous la houlette de son directeur Gilbert Coquard.


© OT de Flaine / Candice Genard

Datant de 1973, la chapelle œcuménique qui accueille les confessions juive, musulmane et chrétienne a été dessinée par Marcel Breuer, à qui l’on doit aussi le décor intérieur. Par ses pans inclinés, rehaussés d’ardoise, elle contraste avec les contours rectilignes des autres édifices de la station.


Un domaine skiable avec vue sur le Mont-Blanc

Étagé entre 1 600 et 2 500 mètres d’altitude, le domaine skiable de Flaine déroule des panoramas grandioses. Au sommet des Grandes Platières, une vue à 360 degrés dévoile le massif du Mont-Blanc, mais aussi des Aravis, Belledonne et le Jura d’où émerge le sommet de la Dôle. Avec soixante-quatre pistes tous niveaux (dont vingt-six bleues et vingt-cinq rouges) et vingt-quatre remontées mécaniques, la glisse se décline pour tous les goûts. Ainsi, la piste bleue Serpentine offre 7 kilomètres de glisse tandis que la rouge Faust comblera les skieurs plus aguerris. Petit plus : les pistes pour les débutants (avec leurs quatre remontées mécaniques) sont gratuites.

Le domaine totalise 265 kilomètres de pistes © OT de Flaine / Mathis Decroux

Plus d’infos : www.flaine.com

Une station du Grand Massif

Flaine est reliée aux stations de Morillon, Samoëns, Les Carroz ou Sixt-Fer-à-Cheval et fait partie du domaine skiable du Grand Massif. Le domaine totalise pas moins de 265 kilomètres de pistes. À tester : la piste bleue des Cascades, en bordure de la réserve naturelle de Sixt-Fer-à-Cheval, qui dévale sur 14 kilomètres sans croiser aucune remontée mécanique. Le départ s’effectue au sommet des Grandes Platières et se termine à Sixt-Fer-à-Cheval, où une navette gratuite vous emmène au Grand Massif Express de Samoëns ou à la télécabine de Morillon, pour ensuite rejoindre Flaine par les pistes. L’occasion aussi de varier les plaisirs et de découvrir d’autres facettes de la montagne comme Samoëns et ses chalets traditionnels ou le charmant petit village de Saint-Sixt.

Plus d’infos : www.grand-massif.com


Le saviez-vous ?

Flaine vient du patois savoyard “flainoz” signifiant oreiller. La légende veut qu’un géant, fatigué de parcourir montagnes et vallées, aurait posé sa tête au creux de ce vallon naturel…


Pratique

Où se loger ?

Alhena, hôtel 4 étoiles et spa, le dernier-né de la station avec vue imprenable sur la montagne

Le Totem, hôtel 3 étoiles au design éclectique dans un décor Bauhaus revisité

Rocky Pop, hôtel 4 étoiles à l’ambiance ultra pop et colorée

Où manger ?

Le Sabaudia, cuisine généreuse, faite maison, entre saveurs régionales et cuisine du monde, à Flaine Forêt

Le Michet, ancien chalet d’alpage, au pied des pistes, doté d’une impressionnante charpente, gastronomie locale et plats aux saveurs asiatiques

Le Bauhaus, spécialités savoyardes traditionnelles et plats de la mer

Événements

• Visite guidée Art & architecture, tous les mardis à 14 h, gratuite sur inscription au centre d’art, Flaine Forum

• Du 16 au 22 mars, semaine “Électro surprise” avec l’association INSEETU. Concerts chaque jour.

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