Nichée au bord du Léman, avec pour toile de fond les montagnes du Chablais, la petite ville d’Évian, dont la réputation des eaux n’est plus à faire, a gagné en 1865 le nom d’Évian-les-Bains. La station thermale attire alors curistes et mondains qui viennent soigner leurs maux et se montrer en bonne compagnie. De cette parenthèse enchantée, la ville a conservé quelques joyaux patrimoniaux qui aujourd’hui encore font le charme élégant de la ville.
À 2 heures 30 en voiture ou 3 heures en train depuis Lyon, Évian offre à son visiteur un grand bol d’oxygène. Bordé par le Léman, plus grand lac glaciaire d’Europe occidentale, dont les rives sont propices à de ressourçantes promenades automnales, Évian surprend par sa petite taille. Cette bourgade, de 9 000 âmes à l’année, est pourtant dotée d’une offre hôtelière et culturelle exceptionnelle – théâtre, casino, grands hôtels – héritée de l’âge d’or du thermalisme et qui façonne aujourd’hui encore son visage.
La source Cachat : début de l’âge d’or
Tout commence en 1790 quand le comte Jean-Charles de Laizer, fuyant la Révolution (la Savoie ne devient française qu’en 1860), trouve refuge à la pension de Gabriel Cachat. Il découvre dans la propriété de son hôte évianais un filet d’eau claire qui rapidement le guérit du mal de la “gravelle” (coliques néphrétiques) dont il souffre. Le premier curiste est né !
Les eaux sont analysées, leurs bienfaits thérapeutiques démontrés et Gabriel Cachat construit un premier établissement thermal tout en expédiant de l’eau embouteillée. D’autres griffons de source sont découverts qui, à la fin du XIXe siècle, seront exploités par une seule entité, la Société des Eaux. Entre-temps, la Savoie a été rattachée à la France et Évian va connaître un essor spectaculaire. En 1898 est inauguré l’hôtel Splendide (aujourd’hui malheureusement disparu), où séjournait Marcel Proust, suivi de l’hôtel Royal en 1907, puis l’Ermitage en 1908. Construits sur le haut d’Évian, les grands hôtels sont desservis par un charmant funiculaire, les reliant au centre-ville. Mis en service en 1907, il est toujours en fonctionnement et couvre 150 mètres de dénivelé.
En 1912, un nouveau casino voit le jour pour répondre aux attentes d’une clientèle huppée. Coiffé d’une coupole de style byzantin, l’édifice a, cette année, fait peau neuve. Ne manquez pas de pousser sa porte pour admirer son dôme majestueux baigné de lumière et décoré des fresques à motifs végétaux de Gustave Louis Jaulmes, qui a également œuvré à l’hôtel Royal.
Autre joyau de cette époque en cours de restauration : la buvette Cachat, pépite insolite faite de courbes et de contrecourbes et illuminée de larges vitraux. Édifiée en 1904, elle offrait un décor raffiné aux curistes. Son spectaculaire mélange d’Art nouveau teinté d’influence byzantine suscite aujourd’hui encore l’émerveillement. À l’extérieur, sa jolie tour d’horloge affichait les heures du monde entier, reflet de sa clientèle internationale.
Face à la buvette Cachat, la source Cachat, la plus célèbre des sources d’Évian, distille toujours son eau aux Évianais et visiteurs de passage. Habillée d’une jolie mosaïque colorée, elle est abritée dans un coquet ensemble architectural de 1903.
L’hôtel de ville : ancienne résidence d’été de la famille Lumière
S’affichant fièrement en bord de lac, le fastueux hôtel de ville d’Évian ne manquera pas de rappeler aux Lyonnais notre cossu musée Lumière. Et pour cause ! La bâtisse rachetée en 1896 par Auguste Lumière, le père des deux célèbres frères inventeurs du cinématographe, Louis et Auguste, a été entièrement décorée par la famille. Résidence d’été des Lumière, les hall d’entrée, grand salon et salon doré ont en grande partie gardé leur décor d’origine où se déploient lion rugissant en bronze, peintures marouflées, bas-reliefs, lustres en cristal, etc. L’ornementation du salon doré est particulièrement riche : la table, la console et la cheminée sont recouvertes d’onyx tandis que les soieries sertissant les murs ont spécialement été tissées par les soyeux lyonnais.
Ouverture : entrée libre du lundi au vendredi de 9 h à 11 h 30
La coquette villa du Châtelet
À quelques minutes à pied du centre-ville, la villa du Châtelet, au sein d’un jardin face au lac, est une petite bulle de sérénité. Construite en 1900, puis intégrée un temps dans un complexe thermal, elle est aujourd’hui gérée par une association, le Cercle culturel lémanique, qui favorise la croisée des arts : rencontres littéraires et philosophiques, concerts, etc. La villa est aussi tout simplement un lieu de détente, où l’on peut boire un café, feuilleter des livres et s’imprégner de l’atmosphère intimiste du lieu. Un espace d’exposition retrace également l’histoire d’Évian.
Du jeudi au dimanche de 14 h 30 à 18 h 30. Visites commentées à 15 h, 16 h et 17 h. Entrée : 8/4 euros (gratuit moins de 12 ans), incluant une collation
Insolite ! Ouvrez les yeux, vous verrez ici et là des sculptures plus ou moins grandes en bois flotté. Clin d’œil au fabuleux village des Flottins qui se tient chaque Noël à Évian.
Des thermes au Palais Lumière
Pour répondre à l’afflux des curistes, la Société des Eaux fait construire de nouveaux thermes, achevés en 1902. La commande à l’architecte Brunnarius était sans équivoque, il s’agissait de construire “l’institut d’hydrothérapie le plus moderne de France”.
Véritable palais des eaux, surmonté d’un élégant dôme trônant à 35 mètres au-dessus du lac, le lieu se répartissait en deux ailes symétriques accueillant dames et messieurs pour leurs soins. Au milieu, la salle d’attente et la buvette, éclairées de vitraux Art nouveau, et abritant quatre statues à la blancheur d’albâtre, allégories des quatre sources principales, étaient l’épicentre de la mondanité. C’est là qu’aristocrates et bourgeois venaient prendre les eaux et “être vus”.
Aujourd’hui reconverti en lieu culturel, le Palais Lumière sert d’écrin à de grandes expositions et a conservé le riche décor de la salle d’attente, transformée en accueil. Il suffit de fermer les yeux et d’imaginer la poétesse Anna de Noailles, Marcel Proust, Gustave Eiffel ou encore Antoine Lumière et ses fils Auguste et Louis évoluer entre statues, peintures murales et vitraux.
Zoom artistique
Jusqu’en janvier, le Palais Lumière accueille une exposition – Henri Martin - Henri Le Sidaner, deux talents fraternels – qui nous plonge dans l’univers intimiste de ce duo de peintres évoluant à la Belle Époque. Les deux amis, qui se rencontrent par l’entremise de Rodin, connaissent chacun une belle carrière avant de sombrer dans l’oubli après la Deuxième Guerre mondiale. Déclinant un univers personnel, leurs tableaux dénotent d’une même attention prêtée à la lumière, et d’un attrait pour les atmosphères subtiles et raffinées. Les deux peintres maintiennent toute leur vie une relation épistolaire forte, s’inspirent des mêmes vues, comme Collioure ou Venise et s’établissent en milieu de carrière dans de grandes maisons à la campagne, retraites estivales source d’inspiration. Cette exposition, aux coloris pleins de douceurs, réunit nombre de prêts particuliers. L’occasion rêvée de découvrir des œuvres rarement dévoilées !
Les vins de Marin
Pour prendre un peu de hauteur, direction le vignoble de Marin ! À environ sept kilomètres d’Évian, cette petite appellation des vins de Savoie (seulement 19 hectares) tire son nom du charmant village de Marin. Une poignée de producteurs s’est battue pour faire reconnaître, en 1973, l’appellation. Samuel et Benoit Delalex, deux frères qui ont repris le domaine de leur père, exploitent aujourd’hui près de 9 hectares et partagent volontiers leur passion autour d’une dégustation. Ici, le cépage roi pour les blancs est le chasselas (appelé “fendant” en Suisse), un raisin délicat et fragile qui produit des vins aux arômes de fleurs blanches, d’acacia et de pêche.
“Nos blancs sont vinifiés dans des cuves en inox plutôt que des fûts pour mettre en avant l’arôme du cépage plutôt que celui de l’élevage”, explique Samuel Delalex. Les blancs constituent 70 % de leur production, complétée en rouge par du gamay, pinot noir et même, côté bulles, du crémant de Savoie.
Avec une jolie vue sur le Léman, les vignes de Marin sont aussi propices à de belles balades, à l’heure où les feuilles revêtent leurs couleurs d’automne. Une boucle de 6 kilomètres au départ du pont de la Dranse vous conduira à travers forêts et vignobles en passant par les “vignes de Pont”, un coteau en forte pente dominant la rivière de la Dranse.
Plus d’infos : vin-de-savoie-marin.com
Le saviez-vous ?
Nombre de bâtiments emblématiques évianais portent le sceau de deux architectes. Ernest Brunnarius pour le Palais Lumière et l’hôtel Splendide. Un an avant l’ouverture des thermes, Brunnarius décède prématurément en montagne. Jean-Albert Hébrard, prix de Rome, terminera les travaux et édifiera le casino, la buvette Cachat et l’hôtel Royal.
Pratique
Où loger ?
• Hôtel Alizé, hôtel 3 étoiles, à deux pas du lac
hotel-alize-evian.com
• La Verniaz, hôtel 4 étoiles, dans un grand parc arboré sur le haut d’Évian
hotel-laverniaz.evianresort.com
• Hôtel Royal, mythique palace historique, 5 étoiles
hotel-royal.evianresort.com
Où se restaurer ?
• Les Cygnes, restaurant au bord de l’eau, cuisine copieuse dans un décor d’antan rococo
www.hotellescygnes.com
• Le Muratore, bistrot gastro au cœur d’Évian, belle carte de viandes et poissons - muratore-restaurant-evian.com
• La Villa Borghese, spécialités italiennes - villaborghese-restaurant.com
Événements
• Exposition Henri Martin - Henri Le Sidaner, deux talents fraternels, au Palais Lumière. Tous les jours 10 h-18 h (lundi et mardi 14 h-18 h)
Des ateliers et stages sont proposés pour les enfants pendant les vacances de la Toussaint.
ville-evian.fr/palais-lumiere
• Rencontre internationale de modélisme naval et d’arsenal, pour les passionnés de maquettes de bateaux.19 et 20 octobre de 10 h à 18 h
• Evian Tattoo Show du 25 au 27 octobre
Plus d’infos : www.evian-tourisme.com
Comment s’y rendre ?
• En voiture, 2 heures 30
• En train, 3 heures (changement à Bellegarde)
Et pour la vue et +, prendre les navettes lacustres vers Lausanne à 1h.