Les vins de Savoie comptent pas moins de vingt crus, disséminés sur seulement 2 000 hectares. Ici le vignoble d’Apremont © Laurent Madelon / CIVS

Escapades : richesse méconnue des vins de Savoie

Restés longtemps associés aux fondues et raclettes hivernales, les vins de Savoie se forgent depuis quelques années une belle renommée. La montée en gamme des vins, l’arrivée de jeunes vignerons (et vigneronnes) exigeants et une myriade de cépages propres à la Savoie en font un nectar tout particulièrement apprécié d’une jeune génération, également plébiscité par de talentueux chefs cuisiniers.

Le vignoble de Savoie, de seulement 2 000 hectares, à cheval sur quatre départements – la Savoie (où il est le plus étendu, notamment dans le bassin chambérien), la Haute-Savoie et plus confidentiellement l’Ain et l’Isère – est une véritable mosaïque de terroirs. Disséminé au nord sur les bords du Léman, au cœur de la vallée de l’Arve, dans l’avant-pays savoyard, sur les rives du lac du Bourget, la Cluse de Chambéry ou encore sur les pentes de la Combe de Savoie, il offre une grande variété de cépages et bénéficie de trois AOP : vin de Savoie, qui représente 80 % de la production, roussette de Savoie et vin de Seyssel.

Légèreté des vins en poupe

Les premières traces des vins en Savoie remontent à plus de 2 000 ans, la tribu des Allobroges ayant planté des vignobles le long du Rhône. Ce peuple celte se serait installé au début du IIIe siècle dans les Alpes sur un territoire couvrant à peu près les actuels départements de l’Isère, de la Savoie et de la Haute-Savoie. Pline l’Ancien, auteur romain du Ier siècle, fait mention du cépage vitis allobrogica.

Plus près de nous, les vins de Savoie ont bénéficié de l’essor des stations de ski, particulièrement dans les années 1970. Ils gagnent leur appellation de vins de Savoie en 1973. Les vins de Seyssel (blancs tranquilles ou mousseux) bénéficient eux d’une appellation depuis 1942.

Souvent associés aux fromages alpins, ces vins principalement blancs (à 80 %) ont longtemps gardé une image de vins cantonnés à une cuisine roborative comme la raclette ou la tartiflette. “La consommation de nos vins reste encore associée à l’hiver, 65 % de nos ventes se réalisent entre décembre et mi-mars. Nous travaillons à sortir de cette image et à désaisonnaliser nos vins”, explique Franck Berkulès, responsable communication au Comité interprofessionnel des vins de Savoie. Un changement de mentalité qui passe par le saut qualitatif accompli ces dernières années mais aussi par la proposition d’une gastronomie différente, avec des accords mets et vins surprenants, notamment avec la cuisine asiatique.

La tendance actuelle, en provenance d’une jeune génération, pour des vins moins charpentés et relativement faibles en alcool joue également en faveur des vins de Savoie, qui ont le vent en poupe. “Avec le changement climatique, notre vignoble souffre de la chaleur mais nos cépages, comme le jacquère ou la mondeuse, montent rarement à plus de 11 ou 12 degrés en alcool. Ce sont des vins légers, qui peuvent être concentrés, ou structurés comme le chignin, mais restent aériens”, poursuit Franck Berkulès.

Vignoble de Cruet, dans la Combe de Savoie © Laurent Madelon / CIVS

Des cépages autochtones parfois rarissimes

Autre atout de la Savoie : un nombre de cépages étonnant (22 !) dont certains autochtones, uniques au monde et qui donnent aux vins de Savoie toute leur personnalité. Le plus connu et le plus planté (plus de 50 % du vignoble) est la jacquère qui offre des vins à la robe pâle, pleins de fraîcheur, sans oublier l’altesse, cépage de la roussette de Savoie, le chasselas autour du Léman ou encore, côté rouge, la fameuse mondeuse. “Mais la Savoie est aussi une terre de cépages rares comme le gringet, un cépage blanc dont il n’existe qu’une vingtaine d’hectares dans le monde entier”, souligne Franck Berkulès. On trouve aussi côté blanc le velteliner, la mondeuse blanche (cépage ultra confidentiel), la molette ou encore pour les rouges le persan ou son cousin local, l’étraire de la Dhuy, autres cépages confidentiels. “La Savoie est une économie de cols, qui a été un important carrefour d’échanges. Nous avons été parmi les premiers à avoir des épices, comme le safran, et les cépages ont aussi beaucoup voyagé”, explique Franck Berkulès.

Avec un large éventail de cépages encore utilisés, le vignoble de Savoie est le paradis des ampélographes [voir encadré] et dispose d’ailleurs de plusieurs conservatoires permettant d’examiner de vieux cépages.

Moins connu, la Savoie est aussi une terre de pépinières. Avec une trentaine de pépiniéristes, elle est, après le Vaucluse, le deuxième producteur de plants de vignes, à destination de la Bourgogne ou de la Champagne.


Le saviez-vous ?

L’ampélographie est la science botanique consacrée à l’étude de la vigne et des cépages. Le terme vient du grec ampelos, qui signifie “vigne” et graphein, “écrire”.


Sur la route des vins de Savoie

Influencé par sa localisation alpine, le vignoble bénéficie de microclimats. En plus de leur grande variété de cépages, les vins de Savoie comptent pas moins de vingt crus (ou dénominations géographiques), dont certains réputés comme arbin ou chignin-bergeron. Une route des vins divisée en portions distinctes (morcellement du vignoble oblige !) permet d’apprécier la diversité de ce vignoble qui parfois vient grignoter les pentes de la montagne. La première, au nord du lac du Bourget, permet de découvrir La Chautagne et Jongieux. La route de la Cluse de Chambéry et de la Combe de Savoie sillonne entre Chambéry et Montmélian. En Haute-Savoie, un troisième itinéraire permet de découvrir le Léman et la vallée de l’Arve.


© Musée de la Vigne et du vin

Parfaire ses connaissances au musée de la vigne et du vin

À Montmélian, sur les coteaux du massif des Bauges, le musée de la vigne et du vin nous emmène sur près de 1 000 m2 au cœur du vignoble de Savoie, au gré de son histoire et de sa géographie mais aussi de machines, outils et objets anciens. De nombreux contenus ludiques permettent de tester ses connaissances en s’amusant, ou encore de deviner des senteurs. Le musée héberge également le centre d’ampélographie alpine Pierre-Galet.
Plus d’informations : montmelian.com/musee-vigne-vin-savoie


À table ! Les vins de Savoie à l’honneur

Parce qu’un vin vient souvent sublimer un plat, voici plusieurs adresses en station pour déguster quelques pépites de vins de Savoie.

Le Terroir des vignobles à La Rosière
Au cœur du village de La Rosière, en Haute-Tarentaise, le couple Judith Fraissard et Alexandre Damiens propose une cuisine gastronomique issue de produits de saison et locaux et une belle carte de vins. L’établissement est d’ailleurs doté d’un bar à vins et est aussi caviste. À la carte, des vins de vigneronnes et vignerons engagés dans la qualité et le respect de la nature, avec parfois des domaines peu connus, sortant des sentiers battus.
www.leterroirdesvignobles.fr

Le Contoir à Valloire
En plein cœur de Valloire, ce restaurant et bar à vins, avec ses murs voûtés, offre un cadre intimiste et atypique. Le chef Guillaume travaille en circuit court avec des produits de saison et met largement à l’honneur les vins de Savoie.
www.lecontoir.com

La Fille du Tonnelier aux Gets
Adresse hybride et conviviale sur 400 m2 mêlant à la fois un bar et un restaurant, un coffee shop, une épicerie fine, une cave à vins et des ateliers œnologiques.
lafilledutonnelier74.fr

© Pauline PIneau

L’Auberge d’Aillon et d’Ailleurs à Aillon-le-Jeune
Au cœur des Bauges, ce restaurant gastronomique de deux chefs passionnés par les plantes sauvages propose de belles bouteilles de vins de Savoie s’accordant à chaque plat.
aillon-ailleurs.com

Les Barmes de l’Ours à Val-d’Isère
C’est dans ce restaurant gastronomique étoilé qu’œuvre la sommelière Magali Delalex, originaire de Marin, sur les bords du Léman et prix de la Sommellerie Michelin 2024.
hotellesbarmes.com


Le vin, aussi une affaire de femmes

Dans un métier encore largement masculin, des vigneronnes font également bouger les lignes. Portraits de trois domaines aux femmes engagées.

Anne Henriquet © E. Perrin

Anne Henriquet : vigneronne de l’année
À Saint-Jean-de-la-Porte, dans la Combe de Savoie, Anne Henriquet a rejoint au début des années 2000 le domaine de son père, acheté en 1995 après plusieurs décennies d’abandon. La propriété de 15 hectares aujourd’hui compte huit cépages différents et, atypique pour la Haute-Savoie, partage sa production, pour moitié, entre blanc et rouge. Le domaine a la singularité d’accueillir une parcelle conservatoire des vins de Savoie créée par l’Inra à la fin des années 1980 où une collection d’études regroupe cinq cépages savoyards comme la jacquère ou l’altesse, observés et analysés à des fins d’amélioration du matériel végétal. Le conservatoire compte également une collection d’anciens cépages encore produits dans le vignoble comme le persan ou le velteliner et même quelques cépages oubliés comme le hibou noir ou cacaboué. “Nous avons depuis greffé du persan et du velteliner (autre nom de la malvoisie) aujourd’hui présent dans notre domaine”, explique Anne Henriquet. Son mari Mickaël Bellemin gère, lui, une activité de pépiniériste, bouturant des plants pour une clientèle bourguignonne et de Champagne. Une activité qui, des premiers greffages en février/mars/avril, court sur plus d’un an jusqu’à leur livraison en avril de l’année suivante. “C’est un métier bien spécifique, manuel. Mickaël a greffé plus de deux millions de plants l’année dernière”, confie Anne Henriquet. Ne manquez pas de déguster sa roussette de Savoie, coup de cœur du guide Hachette. Anne a ainsi été élue par le guide vigneronne de l’année.
Plus d’informations : domaine-de-mejane.com

Charlotte Sonjon : une passionnée en solo

Charlotte Sonjon 

Après avoir fait ses armes dans le Var puis travaillé pour quelques vignerons de Savoie, Charlotte Sonjon, seule aux commandes, s’est installée fin 2020 à Brison-Saint-Innocent. Partie avec 1,5 hectare, elle s’est doucement agrandie jusqu’à 3,7 hectares rachetant de vieilles vignes morcelées et converties en bio. “Nous avons la chance en Savoie d’avoir une sacrée dynamique. J’ai été beaucoup portée à mes débuts par l’association des Pétavins, association de vignerons bios, de cinq ou six copains au début, elle compte maintenant trente-sept nouveaux convertis.” Cette passionnée dit adorer un métier où “plus on avance et moins on sait”, avec toujours de nouvelles choses à découvrir. S’attachant à élaborer des vin“les plus chouettes possibles” avec le minimum d’intervention, elle écoule sa production entre cavistes, restaurants et bouche-à-oreille.

Le domaine Jacqueline : père et filles à la barre

Mathilde et Justine avec leur père, Xavier Jacqueline © Domaine Jacqueline

Sur les rives du lac du Bourget, les deux sœurs Mathilde et Justine, après avoir bien bourlingué, ont rejoint l’activité paternelle, respectivement en 2014 et 2016. “En 1985, notre père a recréé un domaine et planté 6 hectares à Brison-Saint-Innocent qui a bercé toute notre enfance”, explique Mathilde Jacqueline. Aujourd’hui, ce domaine à taille humaine est converti depuis 2016 à la biodynamie et a la particularité de s’enorgueillir d’une cave centenaire au cœur de la ville, datant d’une époque où chacun produisait un peu son vin. Leur maison vigneronne est même devenue une coquette adresse d’œnotourisme dont le jardin, planté de six cépages, donne lieu à une cuvée appelée “Petits Grains”. Le temps d’une nuit ou d’une dégustation, vous pourrez découvrir leurs cuvées aux jolis noms comme “Combe aux Fées”, “Perle du Lac” ou “Mondeuse de Justine”.
Plus d’informations : xavierjacqueline.co

Le domaine Jacqueline, une coquette adresse d’œnotourisme © Domaine Jacqueline

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