"L'UTMB, c'est une fête"

TMB. Le Jurassien Guillaume Millet est physiologiste du sport, professeur à l'Université de Calgary où il dirige un groupe de recherche sur la fatigue neuromusculaire. Il vient de publier, avec François Nicot, "Réussir son UTMB" pour "optimiser les chances de boucler l'épreuve mythique autour du mont Blanc". Coureur d'ulra-trail, il a s'est classé trois fois dans le top 6 de l'UTMB et a terminé 3e au Tor des Géants.

 

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@UTMB - Pascal Tournaire

Vous avez couru plusieurs fois à l'UTMB. Comment définiriez-vous l'UTMB ?

C'est le must pour un coureur dutra-trail. C'est une course à part. Copiée, jalousée mais inégalée. Le sommet mondial du trail running dit le slogan. On a connu des pubs mensongères mais là, peu d'évènements sportifs peuvent se targuer d'avoir révolutionné la pratique de leur sport comme l'UTMB l'a fait en Europe. Il y a bien sûr d'autres épreuves dans le monde mais le tour du mont Blanc, ça a un côté magique. Et puis, c'est une course au top en terme de participation, d'organisation. Chamonix 2003, date de la première édition, c'était le bon moment, au bon endroit et les bonnes personnes.

Pourquoi fascine-t-elle autant ?

Il y a quelques années, voulaient faire le marathon de New York. Avant, on faisait son marathon, aujourd'hui on fait son ultra-trail. L'UTMB est une course leader. Il y a un peu de frime aussi. Quand on dit "j'ai fait 10 000 mètres de dénivelé positif", ça parle peu, même si on se dit que c'est plus que l'Everest. Tandis que le tour du mont Blanc, ça parle plus déjà. Chamonix a un côté classe aussi. Mais la principale raison c'est que c'est l'UTMB qui a véritablement lancé l'ultra-trail, avec un gros plateau de coureurs élite, un gigantesque salon outdoor. L'UTMB, c'est une fête.

Vous êtes déjà l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'ultra-trail. Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre de 320 pages sur l'UTMB ?

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@UTMB - Franck Oddoux

Pour les mêmes raisons que les gens sont poussés à participer à l'UTMB. A l'origine, je voulais écrire un petit guide sur l'UTMB. Ça s'est au final transformé en un gros livre. C’est un peu la suite de mon livre Ultra Trail, plaisir, performance et santé. Les gens avaient envie d'en savoir plus sur la préparation à l'UTMB, la technique, la nutrition, le matériel... J'ai un peu surfé sur la vague et donné les moyens à ces coureurs de réaliser leur rêve. Mais ce bouquin est tout à fait valable pour d'autres ultra-trails.

Quelles sont les spécificités de l'UTMB, par rapport à d'autres ultra ?

La première des qualités, c'est d'être robuste pour digérer les quantités d'entraînement tout au long de l'année qui précède l'UTMB. Il faut quand même démystifier un peu : l'entraînement, ce n'est pas non plus 15 heures par semaine pendant un an ! Ensuite, une deuxième qualité est d'avoir une bonne endurance, une bonne VO2 Max. Mais encore une fois, il ne fait pas croire qu'il faut être un champion pour terminer l'UTMB. Il y a des "randonneurs ++" qui finissent. Ceci dit, les barrières horaires font que l'UTMB n’est pas non plus une randonnée. Après, ceux qui veulent faire une place, comme on dit, cela représente 2% du peloton. Il y a aussi un petit pourcentage de coureurs qui veulent améliorer leur temps par rapport à l'année précédente. Mais la très grande majorité, c'est de finir.

Quelles sont les erreurs à éviter pour réussir son UTMB ?

J'en ai recensé 12. 1/ penser que le trail ultra est simplement du trail en plus long, 2/ vouloir trop en faire, 3/ ne pas faire de séances d'entraînement spécifiques, 4/ commencer un entraînement spécifique trop tôt, 5/ négliger son hygiène de vie, 6/ se laisser influencer par la mode ou les champions, 7/ tout gâche par un entraînement inadéquat au mois d'août, 8/tout gâcher par une alimentation inadaptées en course, 9/ tout gâcher par une approche de l'événement mal maîtrisée, 10/ tout gâcher par une mauvaise gestion de course, 11/ ignorer que la montagne n'est pas un stade en altitude, 12/ ignorer les douleurs : vouloir courir à tout prix. S'il fallait retenir les plus importantes, ce serait la 2, la 3, la 5, la 7, la 8 et la 9... J'insiste beaucoup sur la récupération dans le livre. Les coureurs entendent souvent très bien qu'il faut s'entraîner, qu'il faut s'organiser des week-end chocs. Par contre, quand on leur dit qu'il faut prendre une semaine de récupération, ils deviennent sourds. Ils ne comprennent pas l'arrêt total de l'entraînement. Les conséquences sont le surentraînement avec une fatigue accrue et, au pire, la blessure.

En tant que professeur de physiologie du sport, quelle est l'importance du sommeil dans un ultra-trail, et notamment à l'UTMB où la grande majorité du peloton passent deux nuits dehors ?

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Les coureurs commencent à prendre conscience de l'importance du sommeil. Le sommeil n'est souvent pas pris autant au sérieux que l'entraînement ou la nutrition. C'est pourtant une composante essentielle d'un programme d'entraînement réussi. Il permet d’accélérer la cicatrisation des fibres musculaires et la restauration des stocks énergétiques. Pour les coureurs qui passent deux nuits dehors, il faut qu'ils stockent du sommeil la semaine précédente. Il faut dormir beaucoup pour ne pas être en dette de sommeil, et mieux, pour être en surplus de sommeil. Une étude a été menée sur des exercices très courts : il était démontré que de dormir 2 heures de plus par nuit sur 6 jours avaient des effets positifs. On imagine que pour un ultra, les effets sont décuplés.

Les troubles digestifs sont responsables de la majorité des abondons en ultra-trail. Comment y remédier ?

C'est LA question. J'aimerai avoir la réponse. On peut simplement donner des conseils généraux, en particulier ne pas trop manger les deux jours qui précèdent la course, de manière à laisser le système digestif au repos. Il ne faut pas non plus trop manger au début de la course. Les éléments clés, c’est de manger des soupes, des pâtes et ne pas se limiter aux gels énergétiques et aux barres protéinées. Ceci dit, si on suit ces conseils, cela ne veut pas pour autant dire qu'on aura pas de troubles digestifs. Quand je vous disais que l'une des plus importantes qualités physiologiques pour courir l'UTMB était la robustesse, cela concerne aussi l’appareil gastrique. Il faut être capable de supporter un tel "régime" durant des heures et des heures. Ce n'est pas anodin de soumettre le système digestif à une telle épreuve. Tous ceux qui ont fait l'UTMB ont, un jour ou l'autre, été soumis à des problèmes gastriques plus ou moins sévères. Mais il n'y a pas de solution miracle.

Que faire quelques jours avant le départ de l'UTMB ?

C'est une phase clé. En gros, il ne faut rien faire. Il faut se reposer, "faire du jus". C'est très important car les fibres musculaires doivent être au repos. La semaine précédent la course, il ne faut pas faire plus de 30 minutes de footing par séance et se donner des jours complets de repos. Je mets aussi en garde les coureurs de l'aspect fête de l'UTMB : évier de rester en position debout, ne pas rester trop longtemps sur le salon outdoor.

Que faire quelques heures avant le départ de l'UTMB ?

Il faut un petit réveil musculaire, quelques minutes de footing, et un petit-déjeuner. Tout doit être prêt ? Il est hors de question d’aller courir pour acheter un truc de dernière minute. Il faut rester au calme et se détendre même si c’est plus facile à dire qu'à faire, avec le stress de la course...

> Réussir son UTMB. Guillaume Millet, et François Nicot. Outdoor Editions, Lyon, 2017.

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